Agence de la cohésion des territoires : peut mieux faire !
Mal connue, complexe, éloignée des problématiques locales… Les conclusions d’une mission sénatoriale sur l’ANCT sont sévères. Mais elle constate néanmoins un besoin fort de cette agence sur les territoires et formule une série de recommandations. Auditionné le 2 février, son président, Christophe Bouillon, a répondu aux sénateurs.
Trois ans après la création de l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), le 1er janvier 2020, une mission d’information de la délégation aux collectivités du Sénat en dresse un premier bilan. Pour cela, elle s’appuie notamment sur une consultation réalisée auprès des élus locaux.
Rendu le 2 février, le rapport de Charles Guené (LR) et Céline Brulin (PCF) constate un jugement critique des élus locaux sur l’agence. Celle-ci, comme son offre de services, reste peu connue. La moitié des élus (52%) ne la connaissent pas. Pire encore : 74% n’ont pas fait appel à ses services, notamment à cause de l’incompréhension de son rôle, de son fonctionnement et de son périmètre précis par rapport à d’autres opérateurs de l’État comme l’Ademe ou le Cerema. Bon point néanmoins : une satisfaction de 95% des élus lorsqu’ils ont fait appel aux services de l’ANCT.
Une approche « trop parisienne »
La critique des élus porte sur trois points. L’implication des préfets en matière de soutien et d’animation de l’ingénierie apparaît très inégale d’un département à l’autre et ne prend pas assez en compte les spécificités locales. L’approche de l’agence, notamment dans la déclinaison des programmes nationaux, est jugée « trop parisienne et peu attentive aux dynamiques locales ». Une démarche descendante bien loin des promesses de départ d’un service sur mesure selon les problématiques des territoires.
« Il faudra être plus fort sur le sur-mesure dans la nouvelle feuille de route de l’ANCT », a ainsi reconnu Christophe Bouillon, le nouveau président de l’agence, également président de l’APVF, auditionné le 2 février par les sénateurs lors de la remise de leurs conclusions.
Promesse de simplification pas tenue
Enfin, la traditionnelle promesse de simplification des procédures et de soutien financier aux projets locaux n’est pas tenue. Et comme souvent c’est même l’inverse qui s’est passé : « l’espoir de simplification s'est transformé en sentiment de complexification, de lourdeur et de bureaucratie sur les trois missions principales de l'agence » (programmes nationaux, contrats de relance et de transition écologique – CRTE et accès à l'ingénierie) », déplorent ainsi les sénateurs.
Rapprochement avec les élus locaux
Malgré ces critiques, le besoin d’ANCT reste toujours très fort. Dressant ce constat, la mission sénatoriale l’appelle à « se mettre au diapason des demandes des élus locaux » en formulant une série de recommandations. Elle insiste d’abord sur la nécessité d’un rapprochement de l’agence avec les élus locaux qui doit passer par un « dialogue direct, entre eux et l’ANCT (locale et nationale) et par une communication plus simple, plus sobre et déconcentrée ». « Le rapprochement de l’agence des élus est le sens même du mandat que j’ai reçu lors du conseil d’administration du 13 décembre dernier », a insisté ici Christophe Bouillon.
Le sous-préfet, interlocuteur de premier niveau
Autre recommandation : remobiliser et accompagner les préfets sur leurs missions de délégués territoriaux de l’agence. De plus, elle plaide pour positionner le sous-préfet d’arrondissement comme interlocuteur de premier niveau sur les questions d’ingénierie : d’orientation, de relai des offres ou encore de suivi des projets.
Pour améliorer l’accompagnement de l’Etat local, le président de l’ANCT a souligné le besoin d’améliorer le fonctionnement des comités locaux de cohésion territoriale, encore trop inégal selon les départements.
« Un besoin plus pressant d’ingénierie »
Les sénateurs insistent également sur le besoin d’améliorer l'accès des collectivités à l'ingénierie fournie par l'ANCT. Sur la situation actuelle, Françoise Gatel, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités, est sévère : « en dehors de l’accompagnement de programmes nationaux, quelle est la valeur ajoutée de l’ANCT ? ». Cela alors que l’attente des élus locaux demeure toujours très forte compte tenu « d’un besoin de plus en plus pressant d’ingénierie avec la complexité des problématiques », souligne-t-elle.
Pour sa part, Charles Guéné pointe le problème de ce manque d’ingénierie surtout dans la quarantaine de départements les plus ruraux.
Mise en place d’un fonds « 0,1% ingénierie »
Constatant un fonctionnement de l’ingénierie trop souvent en silos selon les opérateurs, et souffrant d’un manque de lisibilité, Françoise Gatel appelle à la mise en place « d’un guichet unique qui fait un diagnostic des besoins du territoire. Il faut parvenir à être performant, efficace et en circuit court ».
Dans leurs préconisations, les sénateurs proposent notamment la mise en place d’un fonds « 0,1% ingénierie » qui serait financé par les dépenses d’investissement des collectivités. Ils plaident également pour rapprocher l’ANCT, l’Ademe et le Cerema en instituant un comité de direction commun. « Il y a une vraie difficulté qui naît des agences spécialisées du fait qu’il n’y a pas vraiment de chef d’orchestre », constate Françoise Gatel.
Nouvelle feuille de route de l’ANCT
Rappelant qu’une nouvelle feuille de route 2023-2026 de l’agence doit être adoptée cette année avec cinq nouvelles conventions avec les opérateurs, Christophe Bouillon s’est engagé à ce qu’elles tiennent compte des recommandations du Sénat. Et d’affirmer le besoin de « réarmer l’Etat local » pour accompagner l’ANCT, notamment au niveau des sous-préfectures, comme l’indique un rapport de l’IGA (Inspection générale de l’administration) de 2020, en reprenant son idée d’un « Etat plateforme » pour proposer aux élus « le meilleur niveau d’ingénierie dont ils ont besoin ».
Par ailleurs, le président de l’ANCT souhaite donner plus de poids aux représentants des associations d’élus de l’agence dans son fonctionnement.