Décrets de la loi « Climat » : le CNEN dénonce « un désordre normatif
Une nouvelle fois, le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) dénonce la multiplication des textes réglementaires et l’inflation normative qui s’en suit. En ligne de mire : la loi « Climat » du 22 août 2022, particulièrement prolixe en la matière.
Créée par la loi du 17 octobre 2013, le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) applicables aux collectivités est composé de 36 membres dont 23 représentants des collectivités, quatre du Parlement et neuf des administrations de l'État. Sa mission : examiner et rendre un avis sur le flux de normes et évaluer le stock de normes réglementaires ayant un impact technique ou financier sur les collectivités. Elle consiste aussi à lutter contre l'accroissement des normes et à contribuer à la simplification du droit. A ce sujet, elle ne manque pas de travail !
Après sa dernière séance du 5 mai, le CNEN, présidé par Alain Lambert, ancien ministre du Budget et ancien maire d’Alençon, ne cache pas son inquiétude relative à l’augmentation importante de textes réglementaires portés par le ministère de la Transition écologique depuis le début de l’année 2022 (58 projets de texte examinés). Une inflation due en particulier à la loi « Climat » du 22 août 2022. La situation est jugée si alarmante par l’instance qu’elle a décidé de publier un communiqué de presse le 16 mai dernier. Alain Lambert a également écrit à la ministre concernée ainsi qu'au Premier ministre.
Absence fréquente de consultation des élus locaux
« Si la lutte contre le réchauffement climatique est évidemment une priorité absolue, elle ne doit pas pour autant conduire à amplifier le désordre normatif dans lequel notre pays s’enlise, avec des textes d’application qui défient le pragmatisme », lance le CNEN. Par ailleurs, il constate « une fin de mandature embouteillée et pénalisante pour les collectivités ».
Ne mâchant pas ses mots, le Conseil critique notamment l’absence fréquente de consultations des élus locaux dans le cadre des réformes envisagées ainsi que « la propension à porter atteinte au principe de libre administration des collectivités par des mesures d’application des lois dont le détail défie l’entendement ». Et de souligner que certains projets de réforme prévoient des consultations en aval alors même que les dispositions ont déjà écrites par l’administration !
« Les intérêts locaux doivent être remis au cœur des réformes »
La charge contre l’hyper-puissance de la technostructure n’est pas nouvelle mais le CNEN veut profiter des textes d’application de la loi « Climat » pour rappeler fermement que « les intérêts locaux doivent être remis au cœur des réformes, plus encore lorsqu’un projet implique des mesures d’application au niveau des collectivités ».
Dernière salve de critiques du CNEN : « le contenu des études et fiches d’impact réalisées par les ministères porteurs manque trop souvent de substance ». Il affirme ainsi ne pas pouvoir effectuer son travail de mesure des effets d’une réforme dès lors que les impacts techniques et financiers sont considérés comme « négligeables » par les ministères et donc non évalués. De plus, le Conseil juge « contraire aux principes de légistique [le fait] que les alternatives aux réglementations soient rarement prévues dans les études et fiches d’impact ». Et de conclure que « la question de l’opportunité de légiférer doit être absolument reconsidérée ». Maintes fois répété, l’avertissement sera-t-il entendu par le nouveau gouvernement ?
Un « centralisme bureaucratique »
La position de la CNEN s’inscrit en droite ligne de celle de l’AMF qui dénonçait également il y a encore peu « l’inflation normative et règlementaire ». « Le constat n’est pas nouveau mais la situation ne s’améliore pas en dépit des soi-disant chocs de simplification promis par les gouvernements successifs », affirme ainsi David Lisnard, le président de l’AMF. Celui-ci ne disait pas autre dans une tribune commune signée avec Alain Lambert, dans le journal l’Opinion du 20 avril dernier, en pointant un « centralisme bureaucratique ». Selon eux, « cette schizophrénie normative aménage un désordre indescriptible, une défiance mutuelle, une défausse généralisée, un refus inavoué de coopération, confinant au désastre managérial ». Et de fustiger des normes « tellement techniques » qu’elles deviennent « illisibles et inadaptées à la diversité du territoire », en regrettant une situation où « les acteurs publics sont noyés sous un amas de textes normatifs, au risque de ne plus pouvoir rendre les services que leur population attend d’eux ». Fermez le ban !