Explosion des dépenses sociales et médico-sociales : les Départements à l'épreuve
Les dépenses sociales et médico-sociales des Départements français ont connu une hausse alarmante en 2023, selon l’enquête annuelle de l’Observatoire de la Décentralisation et de l’Action Sociale (Odas). Alors que les coûts augmentent plus rapidement que l'inflation, les finances départementales se trouvent sous pression, avec des recettes stagnantes et une diminution de l'autofinancement. Cette situation, qui ne s'était pas vue depuis la période 2009-2011, soulève des inquiétudes quant à la capacité des Départements à soutenir les populations les plus vulnérables.
En 2023, la dépense nette d’action sociale des Départements a atteint 43,6 milliards d’euros, marquant une augmentation de 5,2 % par rapport à l’année précédente avec 2,15 milliards d’euros supplémentaires. Cette hausse est deux fois plus élevée que celle enregistrée entre 2021 et 2022, et dépasse largement les prévisions initiales. Cette croissance des dépenses est largement due à l'augmentation des coûts salariaux et à l’inflation, mais aussi à la hausse du nombre de bénéficiaires.
La protection de l’enfance a particulièrement pesé dans la balance, avec une augmentation des dépenses de 10,2 %, portant le total à 9,76 milliards d’euros. "Ce secteur a été fortement impacté par l'augmentation des revalorisations salariales des personnels et par une hausse significative du nombre de jeunes pris en charge, conséquence directe des fragilités croissantes des familles, exacerbées par la crise sanitaire" annalysent les rapporteurs .
Le secteur du handicap et l’insertion sous tension
Les dépenses liées aux personnes en situation de handicap ont également augmenté de manière notable, atteignant 9,29 milliards d’euros, soit une hausse de 6,7 %. L'essentiel de cette progression est dû à la prestation de compensation du handicap (PCH), qui a vu ses coûts augmenter de 10,5 %. Par ailleurs, malgré une légère baisse du nombre de bénéficiaires du RSA, les dépenses d’insertion continuent de croître, atteignant 10,85 milliards d’euros, soit une progression de 2,4 %. Cette augmentation est d’autant plus marquée que les concours de l’État sont restés quasiment stables, laissant les Départements supporter une charge nette en augmentation.
Une dégradation des finances départementales
Parallèlement à cette explosion des dépenses, les recettes des Départements n’ont pas suivi la même tendance. En particulier, les droits de mutation à titre onéreux, une source de financement cruciale pour les Départements, qui ont connu une forte baisse, accentuant le recul de l'autofinancement. La situation des finances départementales s'est ainsi nettement dégradée entre 2022 et 2023, un phénomène que La Banque Postale estime susceptible de se prolonger en 2024.
Malgré ce contexte financier tendu, les Départements ont continué à investir, marquant leur volonté de résilience. Cependant, cette stratégie pourrait être mise à l'épreuve si les niveaux d’épargne continuent de chuter, comme ce fut le cas en 2023.
Des perspectives 2024 inquiétantes
Les prévisions pour 2024 ne laissent guère de place à l'optimisme. Les dépenses sociales et médico-sociales devraient continuer à croître, en particulier dans le domaine de l’aide sociale à l’enfance et de la compensation du handicap. La reprise de l’augmentation des charges liées à l’insertion, combinée à un contexte économique incertain, pourraient également aggraver la situation.
"En l'absence d'une augmentation significative des recettes, notamment en ce qui concerne les contributions de l'État pour le RSA, les Départements risquent de voir leurs marges de manœuvre financière se réduire encore davantage" avertissent les experts. Cette situation pourrait conduire à des choix budgétaires difficiles, affectant potentiellement la qualité des services sociaux et médico-sociaux offerts aux populations les plus vulnérables.
Une crise structurelle en devenir
La forte sollicitation des dispositifs d’aide sociale, notamment pour l’enfance et le handicap, témoigne d'une crise plus profonde qui dépasse les seuls enjeux financiers. Elle révèle une fragilité croissante des familles et des individus, exacerbée par des réseaux de solidarité en déclin et une société qui peine à mobiliser les soutiens nécessaires.
Face à ces défis, il est clair que les réponses ne peuvent pas se limiter à des politiques réparatrices. La reconstruction des solidarités de proximité et un changement de regard sur les bénéficiaires des aides sociales s'imposent comme des priorités. Pour les Départements, cela nécessitera non seulement des ressources accrues, mais aussi une coopération renforcée avec l'État, les communes, et les acteurs locaux pour éviter que cette crise ne se transforme en un puits sans fond.