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Hausse de la rémunération des agents : les élus locaux dénoncent la méthode

Philippe Pottiée-Sperry
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Hausse de la rémunération des agents : les élus locaux dénoncent la méthode

Stanislas Guerini a présenté une série de mesures qui soutiennent plus particulièrement les moyens et les bas salaires. A partir du 1er janvier 2024, tous les agents publics auront une augmentation de 2,5% de leur rémunération fixe. Pour la FPT, les associations d’élus, d’accord sur le principe de cette revalorisation, dénoncent la méthode et l’absence de concertation. 

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« Cette année nous allons concentrer les efforts sur les plus bas salaires et les classes moyennes dans la fonction publique à travers trois dispositifs ». Telle a été la présentation des mesures annoncées par le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini, le 12 juin, à l’issue d’une rencontre avec les organisations syndicales. 

Priorité aux plus bas salaires
Un an après la revalorisation du point d’indice de 3,5%, ces nouvelles mesures salariales visent à soutenir tous les agents et à augmenter leur pouvoir d’achat, « en mettant l’accent sur les plus basses rémunérations et la classe moyenne, public particulièrement touché par l’inflation », souligne le ministre. Toutes ces mesures représentent un montant de 3,5 Md€ dès cette année, et 6 Md€ en 2024.
« Ces annonces significatives permettent d’avoir des augmentations de rémunération et de pouvoir d’achat très concrets pour les agents qui en ont le plus besoin, très impactés par l’inflation sur les besoins de première nécessité notamment alimentaires, estime Stanislas Guerini. Nous assumons une concentration de l’effort sur les plus faibles salaires ». 

+2,5 % pour la rémunération de tous les agents  
Le premier levier annoncé concerne une hausse de la rémunération indiciaire de 2,5% en moyenne pour les agents publics. Cela se traduira concrètement par une hausse générale de la valeur du point d’indice de 1,5% le 1er juillet. A cela s’ajoute une distribution de cinq points d’indice à tous les agents, à partir du 1er janvier 2024. « En deux fois, cela représente 2,5 % d’augmentation de la rémunération fixe de tous les agents publics », a souligné Stanislas Guerini
Second levier : des mesures concentrées sur les bas salaires pour répondre à un phénomène d’écrasement des grilles et d’absence de progressivité dans les débuts de carrière. Jusqu'à neuf points d'indice supplémentaires leurs seront ainsi attribués représentant jusqu’à 7 % de progression indiciaire pour les bas salaires, soit environ 120 € bruts par mois. « 600 M€ seront consacrés sur le 2ème semestre 2023 pour des mesures de rémunération indiciaire sur les bas salaires des catégories C et des débuts de carrière des catégories B », souligne le ministre. 

Une prime de pouvoir d’achat
Le troisième dispositif est le versement d’une prime de pouvoir d’achat ciblée sur la première moitié des fonctionnaires rémunérés jusqu’à 3250 € bruts. Versée avant fin 2023, elle s’élève à 800 € bruts pour les premiers niveaux de rémunération et 300 € pour les autres. Sont concernés la moitié des agents de la fonction publique d’État et 70 % des hospitaliers. Pour les collectivités, cela relève de la décision des employeurs territoriaux. 
Au total, un agent bénéficiaire de l'ensemble des mesures indiciaires ainsi que de la prime pouvoir d’achat bénéficiera de 228 € de gain de rémunération à l’automne prochain, soit 13 %, a précisé Stanislas Guerini. Cela représente environ 65 € bruts pour les plus hauts salaires.

Des mesures complémentaires
En complément de ces mesures, le ministre a annoncé le remboursement de 75 % du forfait de transport collectif des agents, contre 50 % aujourd'hui. Et de citer le cas du Pass Navigo en Ile-de-France pour lequel cela représentera 19 € supplémentaires remboursés chaque mois. De plus, les compensations liées aux frais de mission, tels que les nuitées hôtelières et les repas, seront revalorisées d’au moins 10% selon les territoires dès la rentrée prochaine.
Autres mesures : la reconduction de la GIPA (garantie individuelle de pouvoir d’achat) pour 2023 et la revalorisation du barème de monétisation des CET (compte épargne temps). Pour cette dernière, il s’agit de +10% des indemnités forfaitaires (catégorie A de 135 € bruts à 150 €, catégorie B de 90 € bruts à 100 €, catégorie C de 75 € bruts à 83 €). 

Des annonces insuffisantes pour les syndicats
Bien qu’attendues depuis des mois, ces mesures ont été jugées insuffisantes par les organisations syndicales pour compenser la forte hausse de l’inflation. Une partie a même quitté la réunion avec Stanislas Guerini au nom d’un « profond désaccord ». « La CFDT a été entendue sur les types de mesures à mettre en œuvre, mais pas sur les montants qu’elle voulait supérieurs à ceux de 2022 », a déclaré la CFDT Fonction publique. Et d’ajouter : « le prisme budgétaire l’a une nouvelle fois emporté et ce sont les agents et leur pouvoir d’achat qui en font les frais ». « Ce n’est pas à coup de primes illusoires et aléatoires, que l’on maintiendra le pouvoir d’achat des agents publics », a affirmé pour sa part la FA-FP qui « attend des solutions pérennes pour sortir la fonction publique de la crise qu’elle traverse ». Stanislas Guerini a annoncé qu’il devrait y avoir une nouvelle réunion avant l’été sur la politique salariale. 

Demande d’une conférence salariale annuelle
« Si ce sont bien des mesures d’urgence, elles ne peuvent pas être les seules réponses salariales pour 2023 et 2024 », a réagi pour sa part l’UNSA Fonction publique. Le syndicat demande aussi à tous les employeurs territoriaux de prendre les délibérations permettant de verser la prime pouvoir d’achat à leurs agents.
Tout en jugeant les mesures annoncées « significatives » et « pertinentes », le think tank Le Sens du service public pointe des « annonces précipitées et non concertées avec les organisations syndicales et les employeurs publics qui révèlent le caractère inadapté des discussions salariales des agents publics ». Dans sa réaction détaillée, il défend l’instauration d’une conférence salariale annuelle « permettant de donner des perspectives à la fois aux agents et aux employeurs publics autres que l’Etat ».

Les élus pointent la méthode et le calendrier
Tout en affirmant soutenir le principe d’une augmentation de rémunération des agents publics, les associations d’élus locaux dénoncent la méthode et l’absence de concertation sur le sujet avec le gouvernement. Intercommunalités de France critique ainsi « l’absence totale de concertation ». Pas contentes, elles n’apprécient pas d’avoir eu connaissance des mesures par la presse ! Les élus locaux pointent également la contradiction du gouvernement qui décide d’une mesure sans prise en compte de l’impact financier pour les collectivités alors qu’il leur demande dans le même temps de baisser leurs dépenses ! 
L’AMF estime que les mesures annoncées « auraient dû être anticipées au moment du vote de la loi de finances, en amont de l’adoption par les collectivités de leurs budgets ». Pour sa part, France urbaine juge « inacceptable que les collectivités soient prises de court et aient à nouveau à modifier leur budget du fait de mesures dont l’entrée en vigueur interviendra dès le 1er juillet s’agissant de la revalorisation du point d’indice d’1,5% et de la revalorisation de certaines grilles ». Intercommunalités de France demande une compensation à l’Etat.

Prévisibilité budgétaire
France urbaine plaide pour la prévisibilité des mesures de revalorisation via « un mécanisme de négociation annuelle obligatoire à l’échelle nationale » comme dans le secteur privé et la fonction publique dans d’autres pays européens. Selon l'association, il faudrait « une conférence salariale réunissant syndicats et employeurs en début d’année ». Défendant aussi l’amélioration de la prévisibilité budgétaire, Villes de France demande « une meilleure compensation des charges nouvelles imposées ». 
Pour Thomas Fromentin, vice-président aux RH d’Intercommunalités de France, « il est absolument nécessaire pour le gouvernement de rétablir une méthode propice à la prévisibilité budgétaire et financière pour les collectivités. Pouvoir discuter en amont de ces sujets est un prérequis indispensable ». Selon le président de l’association, Sébastien Martin, « le contexte rend plus que jamais indispensable la nécessité de garantir aux collectivités de la visibilité et de la pluri-annualité budgétaire ».
Enfin, toutes les associations d’élus locaux en profitent pour réclamer une nouvelle fois l'indexation des dotations de l’État, en premier lieu de la DGF, sur la hausse de l’inflation.

Philippe Pottiée-Sperry
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