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L’Igas alerte sur les maltraitances dans les crèches

Philippe Pottiée-Sperry
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L’Igas alerte sur les maltraitances dans les crèches

Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) pointe de nombreuses défaillances et une qualité d’accueil très variable selon les établissements. Il formule 39 recommandations pour améliorer l’encadrement, la formation, les contrôles ou le financement.

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Le 11 juillet 2022, Jean-Christophe Combe saisissait l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) suite à plusieurs dysfonctionnements dans des crèches et le décès tragique d'une fillette survenu le 22 juin à Lyon. Objectifs : disposer d’un état des lieux de la sécurité et de l’accueil des enfants en crèche, décrire les fragilités du système et disposer de propositions pour remédier à ces fragilités. Le rapport relatif à la qualité de l'accueil et à la prévention de la maltraitance dans les crèches a été rendu public, le 11 avril, par le ministre des Solidarités. 

Une qualité d’accueil très hétérogène
Il s’appuie sur huit mois de travaux, sous forme d'entretiens de 300 personnes (professionnels, fédérations, autorités, chercheurs…), de visites de 36 crèches dans huit départements et de l'exploitation des réponses apportées aux questionnaires adressés aux professionnels, aux directeurs d'établissement et aux parents. Il constate tout d’abord « une qualité d’accueil particulièrement hétérogène » entre des établissements de « grande qualité » et d’autres « de qualité très dégradée ». 
De fortes différences existent aussi dans les projets éducatifs des établissements et les formations des professionnels. A cela s’ajoutent une prise en compte insuffisante des besoins de l’enfant et des risques (attestés par les témoignages) sur le respect des rythmes des enfants, le niveau sonore, le moment des repas, la réponse aux pleurs, le vocabulaire utilisé pour parler de l’enfant ou de ses parents…

Pénurie de professionnels
Constat déjà connu, l’Igas souligne une pénurie de professionnels résultant de la perte d’attractivité des métiers, « symptôme et facteur aggravant de la situation ».  De plus, elle déplore le trop peu de temps de réflexion consacré aux pratiques, pour les professionnels comme pour les cadres. L’information aux parents reste insuffisante sur les risques de maltraitance et les voies de recours existant en cas de difficulté. 
Le rapport fait également état de verbatims de parents ou de professionnels, témoignant dans certains cas « de propos ou d’actes particulièrement choquants et profondément inacceptables s’agissant de jeunes enfants ou de leurs familles ».

« Un rapport électrochoc » 
Parmi les réactions au rapport de l’Igas, le SNPPE (Syndicat national des professionnels de la petite enfance) « dénonce fermement les causes de tout un système qui induisent les maltraitances et la perte de la qualité d'accueil dans les crèches ». Selon l’Unaf (Union nationale des associations familiales), « ce rapport électrochoc doit améliorer l’accueil de la petite enfance ». 
Le collectif Pas de bébés à la consigne estime, pour sa part, que l’Igas confirme tout ce qu’il dénonce. Jugeant que « la balle est désormais dans le camp du gouvernement », il rappelle ses propositions et plaide pour que « la qualité d'accueil soit enfin la boussole du service public de la petite enfance ». Par ailleurs, la FFEC (Fédération française des entreprises de crèches) demande de « ne pas jeter l’opprobre sur tout un secteur ». Il estime que l’accueil est en très grande majorité de qualité et que « ces exceptions, bien que déplorables, ne font pas la règle ». 

Des progrès déjà réalisés 
Dans son rapport, l’Igas tient tout de même à préciser que des progrès ont déjà été réalisés : institution d'une gouvernance locale de l'accueil du jeune enfant dans le cadre de comités départementaux des services aux familles, mise en place d'un référentiel national pour l'aménagement intérieur des crèches, octroi d'une force obligatoire à la charte nationale de qualité d'accueil du jeune enfant.
Il précise par ailleurs que d’autres avancées sont en cours : lutte contre la pénurie de professionnels, avec la préparation d’une campagne de valorisation des métiers de la petite enfance, diffusée dès le 14 avril, et soutien aux partenaires sociaux pour revaloriser les salaires et définir un socle social commun des métiers de la petite enfance.

39 recommandations 
En conclusion, l'Igas formule 39 recommandations. Elle préconise de remplacer le système actuel par un financement dans le cadre de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens passés avec les établissements et les sièges sociaux. 
Elle recommande aussi de créer un observatoire des métiers de la petite enfance ou de lancer une campagne nationale d’information et de valorisation des métiers de la petite enfance axée sur les compétences mises en œuvre par les professionnels. De plus, une obligation de stage en établissement d’accueil du jeune enfant (EAJE) serait instaurée dans le cadre du diplôme d’Etat d’auxiliaire de puériculture (DEAP). 
Au registre de la formation encore, la sensibilisation et la connaissance de la prévention de la maltraitance en institution seraient renforcées dans le contenu des formations initiales DEAP et DEEJE. 

Encadrement de cinq enfants par adulte
Autre proposition : inscrire dans la COG (convention d’objectifs et de gestion) de la branche famille une trajectoire pour se rapprocher d’un ratio moyen d’encadrement de cinq enfants par adulte (norme fréquente actuellement de six enfants). 
Concernant la qualité des crèches, l’Igas recommande l’évaluation, au cours du second semestre 2024, des exigences applicables à l’ensemble des EAJE en matière de locaux et d’équipements. Au sujet de l’évaluation et du contrôle, elle « encourage » la création de postes de conseillers pédagogiques au sein des PMI et des communes/intercommunalités. Enfin, sur la gouvernance, elle propose de confier la compétence relative à l’ouverture, l’extension et la transformation de tous les EAJE au président du conseil départemental. 

Service public de la petite enfance
Jean-Christophe Combe affirme vouloir « se saisir des conclusions du rapport pour agir rapidement sur l’amélioration de la qualité d’accueil du jeune enfant ». Avec l’objectif de mettre en œuvre l’ensemble de ses recommandations dans le cadre du projet de service public de la petite enfance. 
Le ministre invite toutes les parties-prenantes – représentants des collectivités, de la branche famille de la Sécurité sociale, des professionnels, des gestionnaires et des familles – à travailler en profondeur, sur la base des principes établis par la charte de qualité d’accueil du jeune enfant. Cela concerne notamment l’amélioration substantielle des standards de qualité et des moyens. Il est aussi demandé d’améliorer les contrôles et leur fréquence, en lien étroit avec les conseils départementaux. De plus, le ministre veut accélérer les travaux du comité de filière « Petite enfance », en particulier pour lutter contre la pénurie de professionnels.

Philippe Pottiée-Sperry
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