Les jeunes ruraux assignés à résidence

Danièle Licata
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38 % des jeunes ruraux en recherche d'emploi ont déjà renoncé à un entretien à cause de difficultés de déplacement

L’Institut Terram, en collaboration avec Chemins d’avenirs et l’Ifop, a mené une étude approfondie sur la mobilité sociale et géographique des jeunes ruraux qui vivent dans des communes « peu denses » et « très peu denses », soit 88 % des communes en France. Cette enquête, menée par Félix Assouly, Salomé Berlioux et Victor Delage et réalisée auprès de plus de 4 000 jeunes de 15 à 29 ans, tant en milieu rural qu’urbain, révèle des disparités frappantes dans les opportunités et les contraintes vécues par ces deux groupes. Explications.

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Dans cette étude, les auteurs ont sondé les jeunes ruraux, « les oubliés de la vie politique et médiatique, des secteurs privés comme publics », même si « depuis quelques années, ils sortent peu à peu de cet angle mort » ne serait-ce que parce qu’ils représentent un quart des jeunes de 15 à 29 ans. Principal enseignement : la vie des jeunes ruraux en France est marquée par un défi constant : la distance. Plus en détails. 

Rester ou partir ? Les dilemmes des jeunes ruraux

Lorsqu'on interroge les jeunes ruraux sur leur souhait de vie future, les réponses se divisent équitablement : 48 % veulent rester dans leur territoire d'origine, tandis que 52 % aspirent à partir. En comparaison, seulement 41 % des jeunes urbains souhaitent rester dans leur lieu d'origine, contre 59 % qui veulent bouger. Ces chiffres montrent une dualité entre l'attachement à leur terre natale et les défis pratiques liés à la mobilité.

Les kilomètres de la discorde 

Les jeunes ruraux doivent composer avec des trajets quotidiens plus longs et plus fréquents. Ceux vivant dans des communes très peu denses passent en moyenne 2h37 dans les transports chaque jour, soit 42 minutes de plus que leurs homologues urbains. Cette réalité limite leur accès aux loisirs, à la culture, et même à la formation et aux opportunités professionnelles.

Dépendance à la voiture : un impératif coûteux

Les transports en commun sont rarement une solution viable pour les jeunes ruraux. Plus de la moitié d'entre eux (53 %) estiment être mal desservis par le réseau de bus, contre seulement 14 % des jeunes urbains. Le constat est similaire pour le train : 62 % des jeunes ruraux se déclarent mal desservis, contre 24 % des urbains. Cette insuffisance de transports publics renforce leur dépendance à la voiture. Près de 69 % d'entre eux l'utilisent quotidiennement, contre seulement 31 % des jeunes urbains. Cette dépendance entraîne des coûts importants et une vulnérabilité accrue face à des hausses des prix du carburant ou des pannes mécaniques.


L’éducation et l’emploi : des parcours entravés

La mobilité limitée affecte gravement l'accès à l'éducation et à l'emploi. Environ 38 % des jeunes ruraux en recherche d'emploi ont déjà renoncé à un entretien à cause de difficultés de déplacement, soit 19 points de plus que les jeunes urbains. Les frais de transport pèsent lourdement sur leur budget, atteignant en moyenne 528 euros par mois, contre 307 euros pour les jeunes urbains. Quant à l’accès à la formation, seuls 63 % des jeunes ruraux souhaitent poursuivre leurs études en milieu rural, un renoncement qui s’explique souvent par des coûts financiers trop lourds et des distances trop longues.

Inégalités dans l'accès aux loisirs et à la culture

Les contraintes de mobilité limitent également l'accès aux loisirs et à la culture. Environ 49 % des jeunes ruraux ont déjà renoncé à des activités culturelles en raison de difficultés de déplacement, un chiffre qui grimpe à 57 % dans les zones très peu denses. En comparaison, seulement 40 % des jeunes urbains se trouvent dans cette situation.

La santé mentale en péril

Le stress et l'anxiété touchent particulièrement les jeunes ruraux. 76 % d'entre eux déclarent avoir connu des périodes intenses de stress, et 35 % parlent de pensées suicidaires. La détérioration de la santé mentale est plus prononcée chez les jeunes ruraux que chez leurs homologues urbains, souvent due à l'isolement, aux contraintes de mobilité, au sentiment d’abandon.

La nécessité d'une réforme

Dans leur rapport, les auteurs insistent sur l’urgence de repenser les politiques publiques en matière de mobilité pour les jeunes ruraux. Cela pourrait inclure une meilleure desserte en transports en commun, des aides financières pour les déplacements, et des initiatives pour rapprocher les services essentiels des zones rurales.
 

Danièle Licata
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