Loi Handicap dans la fonction publique : des avancées indéniables mais encore fragiles

Danièle Licata
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Le taux de chômage des personnes en situation de handicap reste de 12 %

En vingt ans, l’emploi des personnes en situation de handicap dans la fonction publique a connu une transformation majeure. Mais si le taux d’emploi a progressé, la route vers une pleine inclusion reste semée d’embûches. L’Agefiph (l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées) et le FIPHFP (Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique) dressent le bilan et milite pour une fonction publique plus inclusive à l’horizon 2030... à condition de faire du handicap un enjeu central des politiques de ressources humaines publiques. 

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Lorsqu’en 2005, la loi pour l’égalité des droits et des chances a instauré l’obligation d’emploi des personnes en situation de handicap, la fonction publique affichait un taux d’emploi direct de 3,74 %. Vingt ans plus tard, il atteint 5,93 %, marquant une progression constante, mais encore insuffisante pour atteindre pleinement l’objectif légal de 6 %.
Certes, dans les trois versants de la fonction publique – État, territoriale et hospitalière –, le nombre d’agents en situation de handicap a bondi de 65 %, passant de 163 000 en 2006 à près de 270 000 en 2024. Les dispositifs d’apprentissage ont également connu une montée en puissance : en 2023, 15 000 contrats ont été signés, alors qu’ils n’étaient que 1 900 en 2005. Autre signe encourageant, les actions de maintien dans l’emploi se sont intensifiées. Chaque année, 25 000 personnes sont accompagnées pour conserver leur poste malgré une situation de handicap, contre moins de 10 000 il y a vingt ans. Pourtant, derrière ces progrès, la réalité demeure contrastée. Le taux de chômage des personnes en situation de handicap reste de 12 %, bien au-dessus de la moyenne nationale fixée à 7 %. Si l’insertion progresse, elle reste encore trop lente, et la précarité menace ceux dont les parcours professionnels sont heurtés par des ruptures dues à un manque d’accompagnement.

Quelle réalité derrière les chiffres ?

L’évolution des chiffres s’accompagne d’un changement de profil des travailleurs en situation de handicap. Aujourd’hui, plus d’un agent sur deux concerné est une femme, alors que la tendance était inverse en 2005. Autre mutation marquante : la séniorisation de cette population, avec 50 % des agents en situation de handicap âgés de plus de 50 ans, contre seulement un tiers en 2005.
Dans un monde du travail qui valorise de plus en plus les qualifications, l’accès aux postes de cadres et de professions intermédiaires a progressé. Désormais, 34 % des agents en situation de handicap occupent ces fonctions, soit une hausse de 13 points en vingt ans. Cette montée en compétence s’explique notamment par une meilleure prise en compte des besoins en formation et une plus grande diversité des parcours professionnels.
" Nous avons gagné en diversité et en reconnaissance des compétences, mais nous devons aller encore plus loin pour accompagner les transitions professionnelles et prévenir la désinsertion ", souligne Françoise Descamps-Crosnier, présidente du Comité national du FIPHFP.

Vers une fonction publique plus inclusive d’ici 2030

Si le chemin parcouru est notable, les défis à venir pourtant restent nombreux. La priorité des prochaines années sera d’atteindre et dépasser enfin le seuil des 6 % dans tous les services publics, en veillant à ce que chaque catégorie d’emploi, des postes de direction aux fonctions les plus opérationnelles, soit concernée.
Le FIPHFP entend également renforcer la formation et l’apprentissage pour faciliter l’accès au premier emploi et ouvrir davantage de perspectives de carrière aux travailleurs en situation de handicap. Mais l’inclusion ne se résume pas à l’embauche : il faudra aussi adapter les conditions de travail aux besoins des agents, notamment en anticipant les défis du vieillissement et en améliorant l’accessibilité numérique.
L’enjeu est également de mieux prévenir l’usure professionnelle pour limiter les sorties du marché du travail, en repensant l’accompagnement des parcours sur le long terme. " Nous devons aller au-delà de l’obligation légale pour faire du handicap un véritable levier d’innovation sociale dans la fonction publique ", insiste le FIPHFP.

 

Danièle Licata
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