Mal-logement : le 30ème rapport alarmant de l'ex-Fondation Abbé Pierre
Le 30ème rapport de La Fondation pour le Logement des Défavorisés (ex-Fondation Abbé Pierre) sur « l’état du mal-logement en France » rendu public ce 4 février 2025, dresse un tableau préoccupant de la situation du mal-logement en France, avec une aggravation de la précarité et une accessibilité au logement de plus en plus difficile, notamment pour les personnes en situation de handicap. Invitée à intervenir lors de la conférence de Presse, la ministre du Logement, Valérie Létard a reconnu l’urgence d’agir et a abordé quelques pistes encourageantes alors que la Fondation appelle à des actions concrètes et immédiates, notamment une augmentation des financements publics pour le logement social, une révision des dispositifs d’accessibilité et une meilleure prise en charge des publics en situation de grande précarité.
La publication du rapport annuel alerte sur une situation qui ne cesse d’empirer : 350 000 personnes sont sans domicile en France, un chiffre en hausse constante depuis plusieurs années. La demande de logements sociaux a explosé, avec 2,7 millions de ménages en attente, alors que l’offre disponible diminue. En parallèle, les expulsions locatives ont atteint un niveau record avec 19 023 cas en 2023, soit une augmentation de 17 % en un an. Et pourtant « l'année 2024 a été presque blanche en matière de politique du logement, malgré des signaux au rouge » alerte Christophe Robert, délégué général de la Fondation.
Cette crise s’inscrit dans un contexte économique tendu, marqué par l’inflation et l’augmentation des coûts de la construction. De nombreux bailleurs sociaux rencontrent des difficultés financières, limitant leur capacité à développer de nouveaux logements. La Fondation souligne également l’impact du changement climatique, avec une précarité énergétique qui touche de plus en plus de ménages : 30 % des foyers déclarent avoir eu froid dans leur logement en 2024, un chiffre en forte hausse par rapport aux années précédentes.
Un accès au logement toujours plus compliqué pour les personnes en situation de handicap
Cette année, la Fondation a choisi de consacrer un chapitre central du rapport à la question du logement des personnes en situation de handicap. Christophe Robert a rappelé que, malgré la loi de 2005 sur le handicap, l'accès au logement reste un parcours du combattant. « Les personnes en situation de handicap font face à des discriminations, à des revenus plus faibles et à une offre de logements accessibles largement insuffisante », a-t-il souligné.
La ministre Valérie Létard, invitée à réagir au rapport a reconnu ces difficultés et insisté sur la nécessité d’un effort gouvernemental pour améliorer la situation. « Le logement est au cœur de la vie quotidienne, mais encore trop souvent inaccessible aux personnes en situation de handicap. Nous devons avancer sur l’adaptation des logements et sur l’encadrement du parc locatif », a-t-elle déclaré. Elle a également mentionné les efforts budgétaires en cours pour financer l’accessibilité des logements à hauteur de 200 millions d’euros en 2024, avec un engagement de stabilisation pour 2025. Cependant, selon le rapport, ces efforts restent largement insuffisants. Seuls 20 % des logements neufs sont désormais accessibles, contre 100 % avant la réforme de la loi Elan en 2018. En outre, la Fondation pointe du doigt un manque de suivi dans l’application des normes d’accessibilité et une offre de logements adaptés encore trop marginale.
Une crise du logement social sans précédent
Outre la question du handicap, la crise du logement social a été au centre des changes. Christophe Robert a déploré la baisse des financements et l’absence de soutien significatif de l’État : « La production de logements sociaux est passée de 124 000 en 2016 à 84 000 en 2024, alors que la demande explose. C’est un échec collectif qui met en péril des milliers de familles. » La ministre a reconnu que les efforts budgétaires des années passées avaient fragilisé le secteur, mais a souligné des avancées, notamment la réduction de 200 millions d’euros de la ponction sur les bailleurs sociaux et la baisse du taux du livret A pour faciliter l’investissement. Elle a cependant admis que ces mesures seraient insuffisantes à elles seules pour relancer la construction massive de logements sociaux. Les acteurs du logement social, de leur côté, demandent un engagement plus fort de l’État, avec une révision des politiques de financement et un soutien accru aux organismes HLM pour éviter un effondrement du secteur. Sans cela, les perspectives de redressement restent incertaines.
L’hébergement d’urgence sous tension
L’autre point d’alerte concerne l’hébergement d’urgence. Chaque soir, 8 000 personnes, dont 3 000 enfants, appellent le 115 sans obtenir de solution. Christophe Robert a pointé du doigt l’insuffisance des financements et a proposé la mise en place de cellules d’urgence locales pour gérer la crise. Il a également insisté sur la nécessité d’exploiter les bâtiments publics vacants pour héberger les sans-abris.
De son côté, la ministre Valérie Létard a rappelé l’engagement du gouvernement à maintenir les 203 000 places d’hébergement d’urgence et à renforcer le plan « Logement d’abord », qui a permis de reloger 600 000 personnes depuis 2018. Elle a cependant reconnu que la fermeture de 6 000 places dédiées aux demandeurs d’asile risquait d’accroître la pression sur le dispositif général.
L’encadrement des loyers en débat
Enfin, la question de l’encadrement des loyers a été abordée. Christophe Robert a plaidé pour une prolongation et une extension du dispositif, actuellement limité à certaines communes et en expérimentation jusqu’en 2026. Il a également souligné que plusieurs villes souhaitaient y adhérer mais en étaient empêchées par le cadre législatif actuel. Valérie Létard a annoncé qu’une mission d’évaluation serait lancée pour analyser les effets du dispositif et décider de sa prolongation. « Je veux m’appuyer sur des données objectives avant de trancher », a-t-elle déclaré, tout en reconnaissant les premiers effets positifs observés.