Réforme de la PSC : les négociations « entrent dans le dur »

Estelle Mallet-Chevassu
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Réforme de la PSC

Le groupement mutualiste (1), prenant en charge 70% des territoriaux, défend la mise en place d’un dispositif de protection sociale complémentaire (PSC) de qualité. Il juge le taux de participation trop faible. Un sujet au cœur des négociations en cours portant notamment sur la constitution des paniers de soins santé et de prévoyance. 

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Après une pause pour cause d’élections professionnelles en décembre dernier, employeurs territoriaux et organisations syndicales ont repris les négociations qui visent à aller plus loin sur la réforme de la protection sociale complémentaire (PSC). Son cadre et ses modalités de mise en œuvre ont été définis par l’ordonnance du 17 février 2021 et le décret du 20 avril 2022. 

Encadrement des bonnes pratiques 
Démarrées en septembre après la signature de l’accord de méthode signé le 12 juillet dernier, entre les représentants des employeurs et syndicaux, ces négociations ont d’abord porté sur l’encadrement des bonnes pratiques en matière de PSC. Un premier pilier qui aura demandé du temps. Employeurs et organisations syndicales ont d’ailleurs souhaité, assez logiquement, auditionner le groupement mutualiste qui s’est formé (1). Ce dernier l’avait exprimé lors de sa conférence de presse, le 23 novembre dernier : il entend bien contribuer à la mise en place d’un dispositif de qualité et donc être associé. Pour cause, ce groupement, à lui seul, protège près de 70 % de la population territoriale, actifs et retraités, au sein de la quasi-totalité des collectivités en France. Le message a été bien reçu puisqu’une rencontre s’est tenue le 1er février. 

Un groupement mutualiste inédit 
L’initiative est inédite, et ces assureurs mutualistes de la territoriale comptent bien peser dans les discussions alors que les modalités de la réforme, constituant certes une avancée sociale, les laissent sur leur faim. Peut mieux faire selon eux ! Ce sont ainsi pas moins de 16 propositions visant à « oeuvrer ensemble pour une réforme réussie, simple à appliquer, effective pour les employeurs et protectrice pour les agents » que porte cette coordination. 
L’enjeu est double. D’abord permettre une adhésion pleine et entière des agents territoriaux, que le plus grand nombre puisse souscrire un contrat en santé et en prévoyance, en préservant le libre choix spécifique à la fonction publique territoriale (FPT) entre labellisation, convention de participation à adhésion facultative ou obligatoire (même si plusieurs mutuelles défendent clairement la labellisation). Et pour une bonne mise en œuvre de la PSC, une concertation avec les agents et un effort de communication apparaissent essentiels. 
Deuxième enjeu : faire de la PSC un outil de gestion RH, d’attractivité et de fidélisation des agents territoriaux dans un contexte de tension démographique et de difficultés de recrutement. Un autre enjeu se joue aussi pour ces assureurs mutualistes : réussir l’assurabilité dans la durée.

Garantir la solidarité
Au-delà d’être écouté, l’objectif est surtout d’être entendu, en particulier sur certains points qui ont pu être détaillés ce 1er février avec la présentation d’un plaidoyer bis. Le groupement appelle ainsi à renforcer le cadre de la labellisation pour garantir la mutualisation des risques quel que soit le type de contrat. Il demande notamment de maintenir un écart maximal de cotisations entre un et trois pour garantir une solidarité réelle et efficace. Le passage d’un ratio de un à deux au titre d’une plus grande solidarité à l’égard des agents les plus âgés est en effet une piste étudiée. Mais elle se traduirait pour les assureurs mutualistes par une hausse des cotisations des plus jeunes « qui n’auront plus d’intérêt à souscrire un contrat labellisé ». 
Autres propositions formulées : encadrer les évolutions tarifaires en fonction de l’âge en interdisant les augmentations à compter de 67 ans (âge en vigueur pour une retraite à taux plein) et envisager en prévoyance la possibilité d’une cotisation par âge, générant une cotisation moindre pour les plus jeunes, population qui participe le plus à la solidarité mais la plus difficile à mutualiser en cas de participation minimale de l’employeur. 
S’agissant de la solidarité entre les actifs et les retraités, une mission de réflexion sur la mise en place de mécanismes de régulation et de péréquation entre opérateurs pourrait être confiée au Conseil supérieur de la FPT (CSFPT).

Copie à revoir sur la prévoyance
Autre sujet central pour les assureurs mutualistes : la prévoyance, et notamment les difficultés de provision sur ce risque particulier qui connaît une sinistralité en croissance tendancielle depuis dix ans en accélération, non sans interroger sur sa viabilité économique. Par ailleurs, le niveau de participation prévu par les textes est insuffisant. Le taux de 20 % est trop faible pour inciter à l’adhésion des agents et le panier minimal de prévoyance du décret de 2022 trop important pour des dispositifs de collectif facultatif ou pour l’individuel, en particulier avec un montant minimal de participation aussi faible. 
Pour être réellement incitatif et permettre une bonne couverture, le taux selon les mutuelles, devrait être fixé à 50 %. Un sujet qui sera, à n’en pas douter, au coeur de la suite des négociations puisque le deuxième pilier qui s’ouvre porte en particulier sur la constitution des paniers de soins santé et de prévoyance mais aussi sur la prise en charge. Les discussions à venir risquent donc d’être tendues, et pas seulement sur ce volet prévoyance, mais les employeurs s’y attendent. 

Améliorer la santé des agents
« Un bon pilotage des contrats santé et prévoyance constitue une richesse pour la collectivité afin de mieux comprendre l’état de santé de ses agents », analyse Sylvie Bureau-Nech, directrice exécutive Marché des acteurs territoriaux du groupe Relyens qui publie annuellement des données instructives sur l’absentéisme et la qualité de vie au travail (QVT). La PSC représente ainsi, selon le groupement, une opportunité pour déployer à grande échelle des dispositifs visant à améliorer l’état de santé des agents, et donc à terme à mieux maîtriser le risque. 

Pression sur les montants de participation
« Nous rentrons vraiment dans le dur des négociations », précise la CGT services publics qui porte un certain nombre de revendications sur les paniers de soin, les bénéficiaires, la portabilité des droits, les montants de participation, la solidarité envers les retraités et les plus précaires... « Nous allons regarder notamment de près les points positifs et négatifs des contrats de participation qui seraient à adhésion obligatoire, et qui pourraient peut-être permettre d’abaisser le niveau de cotisation en ayant de meilleures prestations. Nous veillerons aussi à ce qu’aucun agent ne soit écarté. Si les employeurs ne veulent pas revoir les montants minimums prévus de 15 € en santé et 7 € en prévoyance, il y a de grande chance que nous ne signerons pas l’accord collectif qui résultera de ces négociations ». 
L’objectif est en effet d’aboutir à un accord validé par toutes les parties sur un document cadre de référence. Accord national qui sera décliné ensuite par les collectivités dans le cadre des négociations locales, avec des marges de manœuvre prévues. A noter que le cadre de la négociation locale fera aussi l’objet de discussions entre les représentants des employeurs et les organisations syndicales au titre d’un troisième pilier. 

Décalage du calendrier ?
Les négociations sont donc loin d’être terminées. Pour mémoire, l’accord de méthode de juillet dernier avait prévu une fin du processus au plus tard au 31 mars 2023. De façon à permettre ensuite d’effectuer des modifications réglementaires voire législatives nécessaires. On peut douter que cette échéance soit tenue. 
« Ça peut aller vite comme ça peut aller moins vite. On avisera, prévient la CGT. Mais on ne veut pas se mettre de pression et il n’y a pas d’urgence en l’état ». Des réunions seraient d’ailleurs déjà programmées jusqu’en mai.

(1) Le groupement comprend : Intériale, la MNFCT, la MNT, Mutame & Plus, Mut’est, la Mutuelle de la Corse, Territoria mutuelle, l’UNMFT et le groupe Relyens.

Estelle Mallet-Chevassu
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