Territoires Zéro chômeurs : comment l’État lâche les collectivités territoriales
A partir du 1er octobre 2023, l'État diminue de 7% sa subvention à l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée. Au risque de fragiliser un dispositif qui compte 58 territoires habilités.
Le 31 juillet au cœur de l'été, un arrêté du ministère du travail revoit à la baisse de 7% le niveau de prise en charge des emplois créés dans le cadre de l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD).
Le dispositif TZCLD en partie financé par le RSA
Pour rappel, le projet Territoire zéro chômeurs vise les personnes sans activité depuis au moins un an qui n'ont pas pu être réinsérées. Elles sont embauchées en CDI et au Smic dans des entreprises dites « à but d’emploi » (EBE), dont la création et le fonctionnement opérationnel sont pris en charge par le dispositif TZCLD. Celui-ci est notamment financé par le RSA que touchent ces personnes, qui est réorienté pour payer une partie de leurs salaires. Le niveau de prise en charge par l'État des emplois créés dans le cadre de l’expérimentation passera de 102 % à 95 % du SMIC brut à compter du 1er octobre et ce, jusqu’au 30 juin 2024. Ce coup de rabot équivaut à une baisse de 122 euros, pour un temps plein mensuel.
Un coup de rabot budgétaire fatal ?
« En réduisant cette année de plusieurs millions d’euros le financement des emplois créés grâce au projet TZCLD, c’est tout le modèle économique des entreprises à but d’emploi qui s’en trouve fragilisé », s'alarme Laurent Grandguillaume président de TZCLD. L'association qui chapeaute le projet s'inquiète également d’un mauvais signal adressé aux départements, qui jouent un rôle clé dans ce dispositif expérimental. Gel des embauches, réduction des effectifs...Plusieurs entreprises à but d'emploi pourraient connaître des difficultés financières et ne plus couvrir une partie des salaires des personnes embauchées.
300 000 euros de moins pour les territoires parisiens
La ville de Paris compte 4 territoires habilités dans les 13e, 18e, 19e et 20e arrondissements. « Cette démarche fonctionne pour remettre en emploi les personnes qui en sont éloignées, là où les dispositifs classiques d’accompagnement vers l’emploi ont échoué », constate Afaf Gabelotaud adjointe à la Maire de Paris en charge des entreprises, de l’emploi et du développement économique. « C’est aussi un levier de développement économique et urbain des quartiers concernés. Quand l’État fait baisser sa participation en revoyant son mode de calcul, c’est un mauvais signal et cela représente à l’échelle parisienne pour la seule année 2024 près de 300 000 euros en moins pour créer des emplois supplémentaires dans nos 4 EBE ».
Des collectivités qui pourraient sortir du dispositif ?
« La réduction des parts de financement de l’État dans l’entretien du dispositif risque ainsi de décourager ces villes et agglomérations de s’essayer à son implantation », a réagi la CFTC dans un communiqué le 13 septembre. Les règles du jeu avaient déjà changé pour les départements. Initialement les départements s’engageaient à « verser ce qu’ils auraient versé si les bénéficiaires des EBE étaient restés dans le dispositif général du RSA ». Un décret publié en 2021 a changé la règle de contribution des collectivités territoriales : celles-ci sont tenues de financer la mesure zéro chômeur à minimum 15% de celle de l’État.
Le droit à l'emploi, un droit constitutionnel
Porté à l'origine par ATD-Quart-Monde, Emmaüs France et la Fédération des acteurs de solidarité, le projet Territoire Zéro chômeur longue durée met en œuvre le droit à l'emploi inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946. S'adressant aux personnes durablement privées d'emploi, l'initiative a fait l'objet d'une première loi du 20 février 2016 permettant à dix territoires d’expérimenter le droit à l'emploi. Une seconde loi du 14 décembre 2020 a étendu l'expérimentation à 50 nouveaux territoires. En septembre 2023, 58 territoires urbains et ruraux employaient 2.334 personnes dans 67 entreprises à but d'emploi.
Etienne Gless