Vieillir dans nos communes : un enjeu majeur pour les collectivités locales

Danièle Licata
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Certaines communes rurales et littorales, déjà fragilisées, voient leur population âgée croître de façon disproportionnée

Face au vieillissement accéléré de la population, le rapport du Sénat alerte sur les défis inédits auxquels les communes et intercommunalités doivent faire face. Habitat, mobilité, isolement social : autant de domaines à réinventer pour garantir une société inclusive et adaptée au grand âge.

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La transition démographique transforme profondément le paysage français. Avec une explosion du nombre de personnes âgées de 75 à 84 ans dans les années 2020, les communes et intercommunalités se retrouvent en première ligne pour répondre à ces nouveaux défis. Le rapport publié par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation dresse un constat inquiétant : l’adaptation au vieillissement ne pourra se faire sans un investissement massif des territoires locaux.

Une gérontocroissance inédite

Certaines communes rurales et littorales, déjà fragilisées, voient leur population âgée croître de façon disproportionnée. Par exemple, en Martinique, plus d’un tiers des habitants a désormais plus de 60 ans, un phénomène qui reflète une véritable gérontocroissance. Si cette tendance souligne l’importance du vieillissement, elle pose également une question cruciale : comment ces territoires pourront-ils conjuguer attractivité pour les jeunes générations et adaptation pour les aînés ? Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), la situation est encore plus préoccupante. Ces zones, déjà marquées par des inégalités sociales, peinent à offrir des infrastructures adaptées aux seniors. Le risque est clair : une accentuation des disparités territoriales.

Les communes en première ligne

Les communes, souvent via leurs Centres communaux d’action sociale (CCAS), jouent un rôle clé dans l’accompagnement des personnes âgées. Selon le rapport 96 % des CCAS apportent des aides aux seniors  et 89 % œuvrent pour accompagner les publics les plus vulnérables. Cependant, cet engagement ne suffit pas toujours. À l’échelle intercommunale, des initiatives pertinentes émergent, notamment autour de la mobilité ou de l’aménagement, mais elles demeurent limitées par des moyens financiers insuffisants et une coordination parfois complexe avec les politiques nationales.

Un défi crucial : l’habitat

Parmi les priorités, l’adaptation de l’habitat est l’une des plus urgentes. Si 85 % des Français souhaitent vieillir à domicile, seuls 6 % des logements actuels du parc privé sont adaptés. Le dispositif MaPrimeAdapt’, destiné à encourager les travaux d’adaptation des logements, est jugé insuffisant, notamment à cause des contraintes financières imposées aux bénéficiaires. Les collectivités locales, pourtant au cœur de ce sujet, doivent souvent naviguer entre des budgets serrés et des politiques nationales peu ambitieuses. Le rapport du Sénat plaide pour un effort accru et une simplification des dispositifs pour rendre cette transition accessible au plus grand nombre.

La loi Bien-vieillir : des avancées encore timides

Adoptée en avril 2024, la loi Bien-vieillir constitue une première réponse législative à cette problématique. Parmi ses mesures figurent un meilleur recensement des personnes âgées fragiles pour optimiser leur accompagnement et la création, d’ici 2025, du service public départemental de l’autonomie (SPDA), qui coordonnera les acteurs locaux.
Ces mesures, bien qu’importantes, demeurent insuffisantes face à l’ampleur du défi. Le rapport préconise l’adoption d’une loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge, afin de garantir des financements stables et des projets de long terme.

Une approche globale nécessaire

Le vieillissement de la population ne peut être abordé uniquement par le prisme social. Il nécessite une politique transversale intégrant l’habitat et l’urbanisme, pour des logements adaptés et des espaces publics inclusifs, les mobilités, afin de maintenir l’autonomie des seniors dans leurs déplacements et l’accès à une offre culturelle et à des activités citoyennes, pour garantir une participation sociale active.
La lutte contre l’isolement social, qui touche 530 000 personnes âgées en France, est également un axe prioritaire. Des initiatives comme le Fonds d’appui aux territoires innovants seniors (2022-2023) ont prouvé leur efficacité. Avec un budget de 8 millions d’euros, ce fonds a financé 380 projets dans 274 collectivités, mais ces efforts doivent être amplifiés.

Des territoires innovants mais contraints

Certaines collectivités se démarquent par leur inventivité. Des communes expérimentent des logements partagés, des systèmes de transport adaptés, ou encore des réseaux de bénévoles pour rompre l’isolement. Mais ces initiatives locales doivent être soutenues par un cadre national plus ambitieux. L’absence d’une stratégie cohérente au niveau de l’État freine souvent les dynamiques locales. Les collectivités appellent donc à une meilleure coopération entre échelons, mais surtout à des financements adaptés pour répondre aux besoins croissants de la population âgée.

Un défi pour toute la société

Face à la transition démographique, l’adaptation au vieillissement ne concerne pas seulement les seniors, mais l’ensemble de la société. Créer des villes et des villages adaptés au grand âge, c’est aussi bâtir des territoires inclusifs où chaque génération trouve sa place. Le rapport du Sénat est un appel clair : il est temps d’investir dans une politique ambitieuse et transversale pour que vieillir dans nos communes ne soit pas perçu comme une contrainte, mais comme une opportunité de renforcer le tissu social et la qualité de vie pour tous.
 

Danièle Licata
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