ANCT : « Il faut organiser une assistance inter-collectivités »

Philippe Pottiée-Sperry
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Entretien avec Emmanuelle Lointier, présidente de l’Association des ingénieurs territoriaux de France (AITF), notamment sur la nouvelle Agence nationale de la cohésion des territoriales (ANCT) mise en place depuis le 1er janvier dernier.

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Comment jugez-vous la nouvelle ANCT ?

Elle va dans le bon sens en proposant un appui aux collectivités, surtout les petites n’ayant pas les ressources en interne pour porter de l’ingénierie de projet. Nous espérons un réel appui mais craignons qu’il se limite à une mise en contact. Si la collectivité n’a pas les ressources nécessaires, cela n’ira pas plus loin. Il faudrait que le préfet, représentant de l’ANCT dans le territoire, aide à organiser la gouvernance du projet, puisse allouer l'expertise nationale nécessaire et recherche les potentielles structures externes partenariales existantes. Je veux rester optimiste, attendons début 2021 pour dresser un premier bilan et ajuster si nécessaire.

Quelle coordination avec l’expertise technique déjà existante ?

Cette expertise existe dans les départements, notamment dans les grandes collectivités mais avec la difficulté de la mise à disposition d’une collectivité à une autre. Elle reste donc très peu utilisée, ce qui est dommage ! La coordination de l’ANCT avec les agences techniques départementales existantes, pour mener des études ou des missions d’AMO [assistant à maîtrise d'ouvrage], pourrait être examinée. Il y a aussi les services offerts par les intercommunalités au profit des communes de leur territoire. Il faut vraiment avancer sur ce sujet d’une assistance « inter-collectivités ».

Constatez-vous un manque d’ingénierie publique ?

Ceux qui la portent sont de moins en moins nombreux dans les services centraux. Les grandes écoles de l’Etat ont fortement réduit leur volume de formation et d’admission de candidats. Dans ce contexte, l’AITF est souvent sollicitée par l’Etat et des organismes nationaux sur différentes réflexions. Je serai aussi auditionnée début mars par une mission du Sénat sur l’ingénierie publique. Cela révèle le besoin fort d’expertise en ingénierie dû à une raréfaction des ressources au niveau national. Il existe également des structures comme le Cerema ou des bureaux d’étude privés mais leur coût limite l’accès aux petites communes.

Et concernant l’ingénierie territoriale ?

La réduction des postes existe aussi dans les collectivités soumises à de fortes contraintes budgétaires. Certaines formations sont coûteuses et la baisse du budget du CNFPT ne facilite pas les choses. De plus, nous avons beaucoup de mal à recruter de jeunes ingénieurs à cause d’un système complexe de concours et d’une rémunération peu attractive par rapport au privé. Beaucoup de postes restent vacants. Tout cela alors que les besoins sont importants, notamment pour l’entretien du patrimoine existant. Il ne s’agit pas de dépenses luxueuses mais indispensables.

En matière de statut, que pensez-vous du débat sur la remise en cause de la différenciation des filières ?

Je m’étonne de ce sujet qui revient régulièrement notamment dans les réflexions sur le déroulement de carrière. Derrière un objectif de simplification, il s’agit en réalité d’une très mauvaise idée. Quel enjeu se cache réellement derrière cette démarche ? Au moment où l’on a besoin de plus d’expertise, pas uniquement technique, le principe de filière s’impose plus encore. Le maintien de la différenciation des filières reste le meilleur moyen de bien répondre aux besoins des territoires.

Propos recueillis par Philippe Pottiée-Sperry

Philippe Pottiée-Sperry
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