Coronavirus : menace sur les municipales

Philippe Pottiée-Sperry
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Depuis le week-end dernier, la France est devenue l’un des principaux foyers du coronavirus en Europe avec l’Allemagne et surtout l’Italie (1) avec un nombre de cas recensés depuis fin janvier qui grimpe chaque jour.

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Ce nombre était de de 423 personnes contaminées dont six morts, selon le dernier bilan publié le 5 mars à 16 heures. Quasiment toutes les régions sont désormais touchées par l’épidémie. Deux conseils de défense et un conseil des ministres exceptionnel se sont déjà tenus sur le sujet, le 29 février et le 4 mars. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a annoncé le passage au stade 2 (sur 3) : « le virus circule sur notre territoire et nous devons freiner sa diffusion ». Le passage au stade 3 (épidémie généralisée) est « une perspective inévitable », a indiqué, le 5 mars, la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye.

Dans les « clusters » (foyers de contamination du coronavirus), dans l’Oise, en Savoie ou dans le Morbihan, tous les rassemblements sont interdits jusqu’à nouvel ordre. Les maires de La Balme-de-Sillingy (Haute-Savoie) et de Crépy-en-Valois (Oise) ont eux-mêmes été contaminés. Dans ces clusters, les habitants sont invités à limiter leurs déplacements et à télétravailler. A ce jour, plus d’une centaine d’établissements scolaires ont été fermés, surtout dans l’Oise et le Morbihan. Selon le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, sont concernés environ 35 000 élèves dans l’Oise et 9000 dans le Morbihan.

Annulation ou report d’événements

Sur l’ensemble du territoire, tous les « rassemblements de plus de 5000 personnes » en milieu fermé et certains événements en extérieur sont annulés face à l'intensification de l'épidémie. Parmi les premières mesures annoncées, le semi-marathon de Paris ou la dernière journée du Salon de l'agriculture, qui tous deux devaient se tenir le 1er mars, ont été annulés. Depuis, la liste des reports ou des annulations d’événements ne cesse de s’allonger.

De plus, les préfets reçoivent des indications pour annuler, en lien avec les maires, les rassemblements, y compris en milieu ouvert, quand ils conduisent à des mélanges avec des personnes issues de zones où le virus peut circuler. A ce titre, le Mipim de Cannes, rendez-vous international des professionnels de l’immobilier, a été reporté de mars à juin. Plusieurs autres événements, comme les carnavals de Nice, Strasbourg ou Annecy ont été annulés. Même chose pour de nombreux spectacles.

Une réunion a été organisée, le 5 mars, au ministère de la Cohésion des territoires, entre les différents ministres concernés et les associations d’élus afin de les tenir informées de la situation et de répondre à leurs interrogations. Ils ont rappelé le double objectif poursuivi par l’Etat : « ralentir la progression de l’épidémie de COVID-19 et renforcer la résilience du pays afin de garantir la continuité de la vie économique et sociale de la Nation ».

Un courrier à tous les maires

Dès le 25 février, le Premier ministre avait adressé un courrier à tous les maires, présidents de départements et de régions afin de leur préciser les mesures prises et l'état des connaissances quant à la maladie. Edouard Philippe indique avoir « demandé aux préfets et aux directeurs d’ARS (agences régionales de santé) de se tenir prêts pour répondre à vos questions et pour intervenir en cas de situation spécifique ». Saluant « l’engagement des élus locaux », il considère que « la qualité du dialogue » entre les maires et l’État sera « décisive » dans cette crise sanitaire.

Le 27 février, Edouard Philippe a également réuni à Matignon tous les chefs de parti, présidents de groupe au Parlement, les président de l’Assemblée nationale et du Sénat mais aussi les présidents d’associations d’élus pour évoquer le risque d'épidémie de coronavirus. François Baroin, le président de l’AMF, comme Gérard Larcher, le président du Sénat, ont insisté sur l'importance de mobiliser les élus locaux dans la gestion de la crise. Plusieurs maires ont déjà assumé leur rôle de partenaire de la gestion de crise pour l’accueil en quatorzaine de personnes rapatriées (Carry-le-Rouet, Aix-en-Provence, Branville) ou dans les actions de prévention sanitaire lorsqu’un foyer de contamination était identifié (Contamine-Montjoie).

Côté départements, Dominique Bussereau, le président de l’Assemblée des départements de France (ADF), devait rencontrer le ministre la Santé pour évoquer la situation des mineurs non accompagnés dont beaucoup arrivent en France par l’Italie. « Leur situation sanitaire est une préoccupation pour les départements », souligne le président de l’ADF.

Report des élections municipales ?

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Alors que la campagne officielle pour le premier tour des municipales des 15 et 22 mars s’est ouverte le 2 mars, le Premier ministre a été plusieurs fois questionné sur le maintien ou non du scrutin dans le contexte de l’épidémie du coronavirus. Edouard Philippe a répondu que leur report n'était pas à l'ordre du jour. « Les municipales sont maintenues, il n'y a pas de raisons de les annuler », a encore assuré le 5 mars la porte-parole du gouvernement, dans la ligne des précédentes déclarations de l’exécutif. Sibeth Ndiaye se veut rassurante et estime qu’il n'y a pas d'inquiétudes à avoir : « Vous passez peu de temps dans un bureau de vote, vous pouvez vous laver les mains avant et après, et faire tous les gestes qui assurent de voter en toute sérénité ». La veille, le ministre de la Santé avait déjà affirmé, lors du conseil des ministres, qu’«il n’est aucunement question de reporter » les municipales. Et de préciser : « Localement, avec les maires, les préfets pourront être amenés à prendre des précautions de bon sens pour rassurer les électeurs se rendant aux urnes. Le passage rapide en bureau de vote ne présente évidemment aucun risque particulier ».

Il n’empêche que la question du report du scrutin peut réellement se poser. A ce sujet, Didier Maus, ancien président de l’Association française de droit constitutionnel, mais aussi maire de Samois-sur-Seine, estime une telle décision « parfaitement défendable » compte tenu d’un « motif d’intérêt général suffisant », dans les colonnes de l’Opinion internationale . « Il est logique de soutenir que la préoccupation de santé publique (lutter contre la dissémination du virus) l’emporte sur le strict respect des échéances démocratiques (le maintien des élections aux dates prévues) », estime-t-il.

Didier Maus argumente la nécessité du report : « Les bureaux de vote constituent automatiquement des lieux de concentration de la population, avec des files d’attente, des stationnements parfois assez longs et des conditions d’aération souvent médiocres. De plus, la peur de la contamination peut avoir un effet dissuasif sur le comportement des électeurs et les inciter à ne pas se rendre au bureau de vote. Au regard de l’organisation matérielle des élections, une loi publiée le jeudi 12 mars permettrait aisément, en métropole et outre-mer, de ne pas ouvrir les bureaux de vote ».

A noter qu’en cas de maintien des municipales, un risque important de baisse de la participation existe, compte tenu des craintes de la population, et cela alors que les électeurs sont généralement très assidus à ce scrutin.

Les plans communaux de sauvegarde préactivés

De leur côté, les grandes villes indiquent s’être déjà mobilisées aux côtés des autorités sanitaires et de l’Etat. « L’expérience des pays ayant eu à gérer des foyers importants d’épidémie de coronavirus COVID-19 (Chine, Corée du Sud, Iran, Italie du Nord…) a mis en évidence le rôle essentiel de la bonne articulation entre l’Etat, les autorités sanitaires et les collectivités territoriales, et plus particulièrement les grandes villes où les densités de population sont plus importantes », précise France urbaine. La priorité des pouvoirs publics est donc de contenir au maximum l’épidémie et de se préparer à être en capacité de réagir en cas de montée en puissance, tout en assurant la continuité des services publics.

En réponse au courrier du Premier ministre du 25 février, la plupart des maires des grandes villes ont préactivé le volet « crise sanitaire » de leurs plans communaux de sauvegarde. De petites cellules de suivi et de veille (réunissant les services prévention des risques, santé, protection de la population, RH, environnement du travail, communication interne et externe…) se réunissent, en lien avec les autorités sanitaires, pour faire le point sur la situation ainsi que sur les actions relevant de la collectivité vis-à-vis de la population et de ses agents, ou concernant le fonctionnement des services.

Assurer la continuité des services publics

Cela se traduit tout d’abord par de l’information : affiches dans les équipements publics, tracts, sites web internes et externes… Sinon, face à une situation très évolutive, la responsabilité des maires est d’assurer la continuité des services publics et de contribuer à la protection des habitants. « Les cellules de suivi ont donc également pour tâche d’anticiper sur les conséquences que pourraient avoir une extension de l’épidémie. A cette fin, les villes ont souvent engagé une mise à jour de leurs plans de continuité de service dans le contexte d’une crise sanitaire », précise France urbaine.

Ces plans, établis direction par direction, doivent définir plusieurs hypothèses de fonctionnement « en mode dégradé » en identifiant les services qu’il faut maintenir en toute circonstance et ceux qui peuvent être arrêtés ou diminués en cas de nécessité. A cet égard, les élus ont fait remonter à l’Etat deux grands besoins : la capacité à pouvoir tester rapidement un plus grand nombre d’agents territoriaux afin d’éviter la généralisation des quatorzaines en cas de déclaration d’un foyer d’infection dans un service municipal stratégique (exemple : le personnel soignant dans un Ehpad) ; et la capacité à fournir en cas de besoin des équipements de protection aux agents de certains services (exemples : équipes d’intervention, agents d’accueil) afin de pouvoir maintenir la capacité d’action dans les secteurs nécessaires.

Collaboration entre l’AMIF et l’ARS Ile-de-France

A souligner également l’initiative de l’ARS Ile-de-France et de l’AMIF (Associ ation des maires d’Ile-de-France) qui se sont associées pour renforcer les actions de prévention entreprises par les élus. « Avec l’agence régionale de santé, nous travaillons en étroite collaboration afin d’accompagner les élus dans leur communication et l’information à diffuser à leurs habitants, souligne Stéphane Beaudet, le président de l’AMIF. Les maires seront en effet des acteurs majeurs de diffusion d’informations en cas d’apparition de cas de COVID-19 ».

Stéphane Beaudet et le directeur général de l’ARS Ile-de-France ont également proposé des actions conjointes pour informer les Franciliens, notamment un récapitulatif des conduites à tenir et des messages à délivrer aux publics, de façon à harmoniser la diffusion de l’information. L’ARS Ile-de-France s’engage également à faciliter l’accès aux outils mis en place par le ministère de la Santé pour favoriser la diffusion par l’AMIF.

Quelles attitudes vis-à-vis des agents ?

Pour tenter de répondre aux nombreuses questions qui se posent vis-à-vis des agents territoriaux, le centre de gestion du Nord formule une série préconisations pour veiller sans psychose à identifier les premiers signes et pour mettre en place les mesures de précaution nécessaires. Quelles sont les mesures à prendre par l’employeur pour les agents en confinement ?

-Protéger les collègues et les usagers en maintenant l’agent en confinement à domicile le temps de la période d’incubation (14 jours).

-Privilégier le télétravail ponctuel pour les postes le permettant. Pour le personnel en contact direct avec des personnes fragiles (crèches, Ehpad, aides à domicile…), contacter l’ARS.

-Pour le reste du personnel : se procurer un arrêt de travail par son médecin traitant. A récupérer à distance ou par une consultation à domicile avec les mesures de protections individuelles en vigueur.

Par ailleurs, Maire-Info, le quotidien en ligne de l’AMF a indiqué qu’une note conjointe de la DGCL et de la DGAFP a été envoyée le 3 mars aux associations d’élus sur la conduite à tenir vis-à-vis des agents territoriaux qui devraient être placés à l’isolement. Une information qui était très attendue sachant que le décret du 31 janvier 2020 ne traitait que du cas des salariés du privé.

Philippe Pottiée-Sperry

(1) Plus de 3000 personnes contaminées dont 107 morts recensés le 4 mars, fermeture de toutes les écoles et universités au moins jusqu’au 15 mars. De plus, les manifestations, spectacles et événements de toute nature (dans un lieu public ou privé) sont suspendus.

Informations et recommandations sanitaires consultables sur

- www.gouvernement.fr/info-coronavirus

et

- https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/maladies/maladies-infectieuses/coronavirus/coronavirus-questions-reponses

Philippe Pottiée-Sperry
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