Course de vitesse pour le projet de loi « fonction publique »

Philippe Pottiée-Sperry
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Le projet de loi de « transformation de la fonction publique » a été présenté, au conseil des ministres du 27 mars, par Le ministre de l’Action et des comptes public, Gérald Darmanin, et son secrétaire d’Etat Olivier Dussopt.

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Après plus d’un an de concertation, le calendrier s’accélère, et cela au plus grand mécontentement des organisations syndicales qui sont vent debout contre le texte. Dénonçant, avec des variantes, une attaque en règle contre le statut, en particulier contre les instances paritaires, les neuf syndicats de fonctionnaires (CGT, CFDT, FO, FSU, Solidaires, Unsa, FA-FP, CFE-CGC, CFTC) ont lancé un appel à la grève pour le 9 mai.

Adoption avant l’été

En procédure accélérée (une seule lecture dans chaque chambre), le projet de loi sera examiné à l’Assemblée nationale en commission des lois le 2 mai et en séance publique à compter du 14 mai. Sa rapporteure est la députée LREM de l’Isère, Emilie Chalas, qui commence déjà ses premières auditions. Le texte arrivera ensuite au Sénat durant la seconde quinzaine de juin avec a priori pour rapporteure la sénatrice apparentée LR du Rhône Catherine Di Folco. Ensuite, une CMP (commission mixte paritaire) sur le texte devrait se tenir entre les deux chambres durant une session exceptionnelle qui se tiendra en juillet. Le gouvernement garde donc l’objectif d’une adoption du projet de loi avant l’été. Avec la volonté d’une application rapide de cette réforme dont la plupart des mesures seront applicables dès la promulgation de la loi ou, « au plus tard le 1er janvier 2020 ».

Réorganisation des instances paritaires

Pour l’essentiel, le texte, qui contient 36 articles, reprend les dispositions présentées par Olivier Dussopt le 13 février dernier. En matière de dialogue social, le projet de loi affiche la simplification de l’organisation des instances paritaires, une déconcentration des décisions et un recentrage sur « les questions les plus qualitatives » pour les agents. Tout d’abord, une instance unique, le comité social (dénommé comité social territorial dans la FPT) examinera l’ensemble des questions collectives, à la place du comité technique (CT) et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Le rôle des commissions administratives paritaires (CAP) est réduit au seul champ disciplinaire et aux situations individuelles « les plus délicates ».

Recours accru aux contractuels

Mesure phare du projet de loi, une ouverture importante du contrat. Il sera possible de recruter indifféremment un fonctionnaire ou un contractuel sur tous les emplois de direction de la fonction publique (seuil de 40 000 habitants dans la FPT). Les petites communes de moins de 1000 habitants seront également visées en pouvant recruter par voie de contrat sur l’ensemble de leurs emplois permanents.Par ailleurs, un contrat de projet est créé, sur le modèle du « contrat de chantiers » dans le secteur privé du BTP, pour permettre l’embauche sur des missions ponctuelles spécifiques avec une durée minimale d’un an et dans la limite de six ans. Il n’y aura pas de titularisation à l’issue de ce contrat.

Favoriser les mobilités

Le texte veut également faciliter et encourager les mobilités mais aussi fournir « un accompagnement amélioré » aux agents dont les services sont transformés. Parmi les mesures prévues : -les mutations ne seront plus soumises à l’examen des CAP ; -de nouvelles garanties seront apportées aux agents, telle que la portabilité du compte personnel de formation en cas de mobilité entre secteurs public et privé ou la portabilité du CDI entre versants de la fonction publique ; -la création d’un dispositif de rupture conventionnelle sur la base d’un commun accord entre l’agent et son employeur, ouvrant droit à une indemnité de rupture et à l’assurance chômage ; -en cas de restructuration de leur service, les agents pourront bénéficier d’un reclassement au niveau local avec une priorité d’affectation, d’un congé de transition professionnelle ou d’un accompagnement vers le secteur privé dans le cadre de plans de départs volontaires.

Equité du cadre de gestion

Le projet de loi prévoit de supprimer, d’ici à 2022, les accords dérogatoires à la durée légale de travail (1607 heures) dans la fonction publique territoriale. Le cadre déontologique est adapté et renforcé par la mise en place d’un contrôle nouveau, au retour d’une mobilité dans le secteur privé ou lors du recrutement d’un contractuel sur les emplois les plus exposés. Par ailleurs, le texte transpose l’accord du 30 novembre 2018 relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Concernant les agents handicapés, ils bénéficieront d’un parcours professionnel plus diversifié et un accès facilité aux responsabilités professionnelles. Enfin, de nombreuses dispositions seront prises par ordonnances (11), notamment sur la formation des agents de catégorie A, la négociation collective, le financement de la protection sociale complémentaire, les instances médicales ou les garanties en matière de santé et de sécurité au travail des agents.

« Un manque de souffle »

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Le même jour que la présentation du projet de loi au conseil des ministres se tenait la 4ème conférence nationale de l’emploi territorial (CNET), organisée par la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG). L’occasion d’avoir des premières réactions à chaud. Michel Hiriart, le président de la FNCDG, a exprimé un avis plutôt mitigé sur le texte. « C’est une bonne chose de réformer les CAP pour mieux fluidifier les carrières mais attention de ne pas trop réduire leurs missions », a-t-il notamment prévenu. Concernant le recours aux contractuels pour les emplois de direction, il juge la mesure « discutable » à l’instar des employeurs territoriaux dont la plupart souhaitent sa disparition. Pour sa part, Johan Theuret, président de l’ADRHGC (association des DRH des grandes collectivités), s’est dit favorable à cette mesure comme sur plusieurs grandes lignes du projet de loi – formation, déontologie, rémunération au mérite – mais « à la condition qu’il y ait de vrais garde-fous ». Il a aussi redit son inquiétude quant à « la question de la concertation sur le champ très large des ordonnances » prévues dans le texte.Le président de l’ADRHGC regrette en outre « que ne soient pas connues les grandes lignes des projets des décrets d’application alors qu’Olivier Dussopt l’avait promis ». Au-delà, Johan Theuret juge le projet de loi comme « un texte avant tout technique qui manque de souffle car il ne comporte rien sur les conditions de travail ou sur l’ouverture à la diversité de la société française ». Un point de vue partagé par Catherine Di Folco, probable rapporteure du texte au Sénat. Selon elle, il manque également « des dispositions techniques. Sans le remettre en cause, il faudrait toiletter le statut. Les employeurs ont besoin de plus de souplesse ».
Philippe Pottiée-Sperry
Philippe Pottiée-Sperry
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