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Covid-19 : l’union sacrée des collectivités pour préparer la sortie de crise

Philippe Pottiée-Sperry
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La délégation aux collectivités territoriales du Sénat a auditionné, en visioconférence, le 16 avril, les présidents des trois grandes associations d'élus locaux - Association des maires de France (AMF), Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France (RF) - sur la gestion de la crise sanitaire et ses conséquences dans les territoires.

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Ces trois associations sont réunies au sein de "Territoires Unis" (photo de leurs voeux en janvier dernier avec le président du Sénat Gérard Larcher) pour défendre des positions communes, notamment en matière de décentralisation.

« On découvre dans cette crise que notre État centralisé n’a pas forcément la même agilité que ceux de nos voisins comme l’Allemagne par exemple », a estimé Jean-Marie Bockel (sénateur UC du Haut-Rhin), le président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales.

Critique du fonctionnement des ARS

S’agissant de la coopération entre les services déconcentrés de l’État et les collectivités face à la crise, François Baroin, président de l’AMF, indique avoir demandé au Premier ministre que « les préfets puissent reprendre l’autorité sur l’ensemble des services de l’État : agences régionales de santé (ARS), recteurs, etc. ». Il salue « le travail des maires qui sont, avec les soignants, aux côtés de l’État pour protéger les populations ». Pour Dominique Bussereau, président de l’ADF, « comme dans toutes les crises, on s’aperçoit que la collaboration entre l’État et les collectivités fonctionne mieux à travers le canal du ministère de l’Intérieur qu’avec d’autres administrations ». Les trois présidents d’association d’élus ont unanimement constaté « les limites du fonctionnement des ARS » jugé « bureaucratique », et plaidé pour « une réforme de leur fonctionnement intégrant mieux les collectivités territoriales à leur gouvernance ».

Gestion des masques

Au sujet des masques, François Baroin estime que « les hôtels de ville des chefs-lieux de département doivent être les centres de distribution et de gestion logistique des masques de protection ». Dominique Bussereau rappelle que « les départements se sont lancés dans des achats massifs de masques chirurgicaux et médicaux pour faire face aux problèmes d’approvisionnement » et que ceux-ci sont « d’ores et déjà en cours de distribution dans les hôtels de départements, en lien avec les ARS ». Il souhaite que « les achats de masques soient exemptés de droits de douane et de TVA et pris en compte comme des dépenses d’investissement dans le budget des collectivités ». Pour sa part, Renaud Muselier, le président de RF, juge que « la filière de production et de livraison des masques est désormais sécurisée et opérationnelle au niveau des régions ».

Dépistage lancé dans les Ehpad

Concernant les tests, François Baroin plaide pour « installer des drives dans les territoires et prévoir des lieux d’hébergement supplémentaires pour confiner les personnes infectées ». Sur la possibilité reconnue par l’Etat aux laboratoires départementaux d’analyse (LDA) de produire des tests, Dominique Bussereau précise que « 75 LDA sont mobilisés via des conventions avec les hôpitaux ou le secteur privé » et que « le dépistage dans les Ehpad est désormais lancé ».

Questions sur la réouverture des écoles

Pour le déconfinement prévu à partir du 11 mai, le président de l’AMF considère qu’« il existe encore trop d’interrogations pour une réouverture des écoles à cette date ». Un sentiment partagé par le président de l’ADF, qui précise que « le retour des élèves dans les collèges fera l’objet d’un groupe de travail entre l’ADF et le ministre de l’Éducation nationale » et estime que « la réouverture des collèges nécessitera une coordination entre collectivités, notamment avec les régions compétentes en matière de transport scolaire ». Sur le déconfinement, le président de RF fait lui aussi état de « problèmes de méthodologie » en raison des « controverses scientifiques » et en appelle à une « coordination sur le plan médical ».

Aider le petit commerce et le tourisme

Face aux conséquences économiques de la crise sanitaire dans les territoires, Dominique Bussereau souligne que « les départements assurent pleinement leur mission de solidarité sur le terrain, dans le versement des prestations ou les aides aux communes, en particulier les plus petites ». Il estime que les départements doivent aussi pourvoir « aider le petit commerce et le secteur du tourisme car, sans aide, une grande partie d’entre eux risquent de disparaître ». Sachant que depuis la loi NOTRe, les départements n’ont plus de compétence économique, et ont perdu comme les régions la clause de compétence générale, il juge nécessaire « un assouplissement des compétences réciproques entre les différents niveaux de collectivités ». Renaud Muselier s’alarme aussi d’un « impact désastreux sur le tourisme » et estime que les régions « contribueront à amortir le choc de la crise ».

« Effet dévastateur » sur les recettes des collectivités

Alors que les collectivités représentent 75% de l’investissement public, les trois présidents d’associations d’élus ont alerté sur « l’effet dévastateur » de la crise sanitaire sur leurs recettes. « On attend un effondrement des recettes des communes et des EPCI, de l’ordre de 10 Md€ », s’inquiète François Baroin, qui plaide pour une « nationalisation de la dette Covid des collectivités territoriales par l’État », « solution simple et efficace ». Renaud Muselier estime, pour sa part, la perte de recettes pour les régions à « 720 M€ cette année et de l’ordre de 3 à 4 Md€ l’année prochaine ». Pour la sortie de cette crise, le président de RF plaide pour « inventer un New Deal industriel et environnemental pour réindustrialiser nos territoires ».

Enfin, sur le report des municipales, François Baroin souhaite une « installation rapide des conseils municipaux élus au premier tour » et juge « que le second tour doit avoir lieu dans les meilleurs délais et, si possible, dans la seconde quinzaine de septembre ».

Une « task force » sur le déconfinement

À l’issue de la table-ronde, les trois présidents d’associations d’élus se sont prononcés en faveur de la proposition Jean Marie Bockel de mettre en place une « task force » réunissant, autour du préfet de département, tous les acteurs (élus locaux, administrations, experts, etc.) qui seront en charge du déconfinement. Ils estiment qu’il faudra « tirer toutes les conséquences de la gestion de cette crise sanitaire et aller vers un véritable nouvel acte de décentralisation confiant plus de responsabilités aux collectivités ». « Sur la base de ce qui se passe actuellement devant les yeux de tous les Français, il n’y a pas d’autre choix que d’avoir une immense ambition d’une troisième voie de décentralisation », déclare François Baroin.

Le président de la délégation sénatoriale a par ailleurs annoncé « réfléchir à l’élaboration rapide d’un protocole national, sous l’égide du Sénat et conjointement avec les associations d’élus locaux, des mesures prioritaires pour réussir le déconfinement, destiné au gouvernement et visant à garantir la protection des élus locaux et de nos concitoyens au cours de cette période qui sera complexe ».

P.P.-S.

Philippe Pottiée-Sperry
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