Décentralisation : ce que prévoit le projet de loi « 4D »

Philippe Pottiée-Sperry
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Après plusieurs reports et le risque un moment de disparaître à cause d’un calendrier parlementaire très chargé, le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit projet de loi « 4D », a finalement bien été présenté au conseil des ministres du 12 mai.

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Objectif affiché par Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités : ouvrir « un nouvel acte de décentralisation adapté à chaque territoire » sans remettre en cause les équilibres institutionnels actuels. En clair, pas de nouveau big bang territorial au rendez-vous comme cela fut le cas avec la loi « NOTRe » d’août 2015. Le projet de loi « 4D » vise à « répondre aux besoins concrets et opérationnels des collectivités et à leur permettre de conduire une action plus adaptée aux particularités de chaque territoire, en assouplissant un cadre trop souvent rigide et uniforme », affirme la ministre. Par ailleurs, il comprend un titre dédié aux territoires d’outre-mer compte tenu de leurs enjeux propres, ainsi que des mesures adaptées aux espaces transfrontaliers.

« Un texte en concertation avec les élus »

Le texte résulte de nombreuses rencontres locales avec des élus, menées depuis janvier 2020 dans toutes les régions, ainsi que de concertations avec les associations d’élus locaux. Un peu piquée par les critiques de ces dernières sur le « manque d’ambition du texte », Jacqueline Gourault estime qu’elle a « fait un texte en concertation avec les élus et les collectivités, sur le terrain, en ayant vu environ 2000 élus. Je connais leurs attentes et j’y réponds par ce texte ». Le projet de loi « 4D » sera examiné par le Sénat en séance publique à compter du 5 juillet, avec une lecture possible ensuite à l’Assemblée nationale dès la rentrée en septembre, peut-être dans le cadre d’une session extraordinaire.

Les sénateurs ont déjà annoncé leur intention de mettre leur patte au texte afin de l’« enrichir », en s’appuyant notamment sur les résultats d’un sondage et d’une consultation menés auprès des élus locaux et sur les 50 propositions qu’ils avaient présentées en juillet 2020 « pour le plein exercice des libertés locales ». Affirmant que la moitié de ces propositions sont reprises dans le projet de loi , Jacqueline Gourault a salué « la position très contructive » du président du Sénat, Gérard Larcher, et s'est dit « ouverte » aux amendements sénatoriaux.

Différenciation territoriale

Le projet de loi est structuré autour de quatre priorités que sont les 4 D. Tout d’abord, la différenciation territoriale, pour s’adapter aux réalités locales. Il est réaffirmé la capacité d’adaptation de l’organisation et de l’action des collectivités aux particularités de leur territoire, dans le respect du principe d’égalité. Elles auront, par exemple, plus de latitude pour fixer localement la réglementation des compétences qu’elles exercent. Consacrant ce droit à la différenciation territoriale, la loi organique du 19 avril 2021, relative à la simplification des expérimentations, a constitué une première étape. L’article 7 du projet de loi permet aux régions volontaires d’exercer à titre expérimental pendant cinq ans la compétence d’aménagement et de gestion des routes nationales et autoroutes non concédées. Et de préciser : « Les régions étant déjà compétentes pour l’organisation des transports et des mobilités à l’échelle régionale, il est projeté que la région prenne une place prépondérante dans la coordination des pôles d’échanges et dans la détermination des besoins de déplacement sur le réseau structurant son territoire ».

Par ailleurs, l’article 2 élargit le pouvoir réglementaire local sur différents points de compétence identifiés dans le cadre des concertations territoriales, notamment la fixation du nombre d’élus au conseil d’administration des CCAS/CIAS, la facturation de redevance d’occupation pour travaux…

Conforter les compétences des collectivités

La deuxième priorité du texte concerne la décentralisation afin de conforter les compétences des collectivités dans les domaines de la mobilité, du logement, de l’insertion, de la transition écologique ou de la santé. Les départements et les métropoles pourront se voir confier les tronçons de routes nationales liés aux réseaux routiers dont ils ont déjà la responsabilité. Les objectifs de production de logements sociaux applicables aux communes, issus de la loi « SRU » du 13 décembre 2000, seront prolongés au-delà de l'échéance prévue de 2025 tout en prenant davantage en compte les réalités locales (articles 15 et suivants). La prise en charge du financement du revenu de solidarité active (RSA) par l’État sera expérimentée dans les départements volontaires, ce qui permettra de renforcer les politiques d’insertion. Destinées à soulager financièrement certains départements, les expérimentations commenceront dès le 1er janvier 2022 pour une durée de cinq ans. Par ailleurs, les régions pourront poursuivre leurs actions de préservation de la biodiversité via la gestion des sites Natura 2000 (article 13). La décentralisation portera ainsi sur la gestion de 1540 sites terrestres avec une fonction d’autorité administrative confiée au président de la région.

En matière de santé, les collectivités auront la possibilité de financer des établissements de santé ou de recruter du personnel soignant pour les centres de santé qu’elles gèrent. Parmi les conséquences directes de la crise sanitaire, la gouvernance des agences régionales de santé (ARS) est revue (article 31) en transformant le conseil de surveillance en conseil d’administration avec deux des trois vice-présidents nommés qui seront des élus locaux. Le conseil d’administration aura pour mission de fixer les grandes orientations de la politique contractuelle de l’ARS sur proposition de son directeur général. Toujours en matière de santé, l’article 34 permettra aux départements d’intervenir plus directement sur l’accès aux soins de proximité et conforte leur compétence ainsi que celle des communes pour créer et gérer un centre de santé.

« Rapprocher l’État du terrain »

Troisième D du projet de loi : la déconcentration afin de « rapprocher l’État du terrain, dans une logique d’appui et de contractualisation avec les collectivités ». Le préfet de région sera désormais le délégué territorial de l’Ademe pour « garantir sa bonne articulation avec l’action des autres services de l’État ». Par ailleurs, le rôle du préfet sera renforcé dans l’attribution des aides des agences de l’eau (article 46). Le projet de loi vise aussi à faciliter le recours des collectivités aux capacités d’appui en ingénierie du Cerema. Le gouvernement est ainsi autorisé à renforcer, par ordonnance, le rôle d’expertise et d’assistance du Cerem au profit des collectivités (article 48). Constat : le Cerema contractualise aujourd’hui avec environ 350 collectivités et estime que le besoin, reflétant celui de l’ANCT également, s’établit à plus de 1000 collectivités à court terme et 2000 à moyen terme.

Enfin, le dernier D est la décomplexification de l’action publique locale afin de simplifier le fonctionnement des collectivités et des établissements de l’État. Par exemple, l’article 50 prévoit d’accélérer l’échange de données entre administrations au bénéfice de l’usager. Autre illustration : l’accélération de la mise en place des Bases adresses locales (BAL) utiles pour le déploiement du très haut débit (article 52). Il sera attribué aux communes le rôle de garantir l’accès aux informations relatives à la dénomination des voies et au numérotage des immeubles. Ces éléments matériels constituent le support des BAL qui seront généralisées.

Philippe Pottiée-Sperry

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