Le difficile combat contre les RPS

Philippe Pottiée-Sperry
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« La fonction publique territoriale est particulièrement touchée par les RPS à cause de fortes contraintes budgétaires, de restructurations permanentes et d’un management complexe dû à une double hiérarchie élus/administration ».

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Le président du Groupe Macif, Pascal Michard, a bien planté le décor en ouverture du colloque organisé par la MNFCT (Mutuelle nationale des fonctionnaires des collectivités territoriales, Groupe Macif), le 11 octobre dernier à Paris, sur les risques psychosociaux (RPS) dans la FPT. Né il y a une trentaine d’années, le concept de RPS n’a cessé de prendre de l’importance allant parfois jusqu’à des drames. Le suicide, fin septembre, d’une directrice d’école maternelle à Pantin (93) témoigne à nouveau des ravages possibles d’un épuisement professionnel croissant doublé d’un isolement fort par rapport à sa hiérarchie.

Souffrance et violence au travail

« Il faut cesser la novlangue managériale et parler clairement de souffrance et de violence au travail », s’emporte Vincent de Gaulejac, sociologue et grand témoin de la journée. Selon lui, ces maux trouvent avant tout leurs racines dans « une idéologie gestionnaire et managériale ». Concernant le trop fréquent fonctionnaire bashing, Florence Baco-Ambrass, DGS de Palaiseau (91) et secrétaire générale du SNDGCT (syndicat national des DG des collectivités), pointe « un terreau de souffrance pour les agents ». « Il faut donc les faire davantage participer même si cela prend du temps car c’est essentiel », reconnaît-elle. Et d’évoquer aussi une autre cause : l’impact plus fort des alternances politiques, notamment lors des municipales de 2014, avec « une remise en cause de la neutralité administrative par certains élus ».

Un déni trop fréquent des employeurs

Le Dr André Guenec, médecin au Sdis 83 et secrétaire national « Santé et sécurité au travail » à la FA-FPT, constate une posture fréquente de déni des RPS de la part du gouvernement comme des employeurs. « Face à l’absentéisme, qui peut être une alerte réelle, on préfère parler d’agents fragiles, regrette-t-il. Et dans les cas de suicides, évoquer juste des problèmes personnels est inacceptable ». Chez les sapeurs-pompiers, dont les conditions de travail se sont fortement dégradées comme l’atteste le mouvement de grève actuel, « les RPS apparaissent d’autant plus exacerbés qu’il s’agit de personnels au départ extrêmement motivés », souligne André Guenec.
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Forte usure professionnelle

Une des spécificités de la FPT est de compter de très nombreux agents de catégorie C (75%). « Ils exercent souvent des tâches techniques avec une forte usure professionnelle et des conséquences physiques mais aussi psychiques », constate Philippe Douillet, chargé de mission à l’Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail). Ce qui signifie des « facteurs aggravants de RPS ». Il évoque aussi la forte montée des exigences de la société. « Les citoyens deviennent de plus en plus des clients. Avec de fortes tensions, difficiles à vivre, pour les agents en contact avec le public ». Sur ce sujet, Palaiseau a travaillé sur la qualité des conditions de travail et des relations avec les usagers. « Cela a payé avec moins d’incidents et une baisse des RPS », se réjouit sa DGS. Le remède passe aussi par des formations, en particulier pour les cadres. « Un encadrement qui va bien signifie aussi des agents qui vont bien », insiste Philippe Douillet.

Des solutions existent

Pour prévenir les RPS, des solutions existent. Souvent modestes mais combinées les unes aux autres, idéalement dans le cadre d’un plan d’actions, elles permettent d’améliorer la situation. Virginie Paquien, depuis peu DGS du Gard, détaille son expérience à la tête des services du département du Rhône. Convaincue des bienfaits de la digitalisation, elle reconnaît aussi ses effets négatifs comme l’éloignement avec les usagers et entre les agents eux-mêmes. Sa méthode ? « L’adoption d’une charte de la déconnexion et se garder du temps d’équipe pour redonner du sens au travail mais aussi pour pouvoir respirer, échanger ou trouver plus de convivialité ». Et d’insister sur l’importance du collectif : « Le DGS seul ne peut pas faire avancer les choses ». Plutôt favorable au télétravail, Virginie Paquien met néanmoins en garde sur son impact en termes de baisse du lien social. Interpellée dans la salle par une travailleuse sociale de département se disant de plus en plus submergée par son travail, elle préconise de « savoir trier entre ce qui est urgent et ce qui l’est moins, avec un rôle particulier d’accompagnement du management de proximité ».

Actions bien ciblées et travail collectif

Pour sa part, la Dr Florence Carruel, médecin-préventeur à Noisy-le-Grand (93) et présidente de l’Association nationale de médecine professionnelle des personnels territoriaux, plaide avant tout pour « soigner l’organisation du travail, en améliorant les relations de confiance avec la hiérarchie et en mettant en place des collectifs de travail ». Pas une solution miracle, reconnaît-elle vu la persistance de certaines souffrances, mais des résultats réels grâce à des actions ciblées. Autre initiative : la cellule « RPS » à Versailles (78), créée il y a trois ans, montre aussi qu’il s’agit avant tout d’un problème d’organisation du travail. « Tout agent peut y venir signaler une situation de souffrance et bénéficie de plusieurs entretiens », explique Delphine Piou, conseillère prévention des risques de Versailles. Selon elle, les « managers jouent globalement le jeu et la démarche révèle aussi parfois leur propre part de souffrance, trop souvent mésestimée ». Sur ce sujet, Florence Baco-Ambrass pointe « les conditions de travail des cadres, souvent difficiles car soumises à beaucoup de stress et de conflits voire à des intérêts divergents ».

Ateliers de prévention du stress

Plus modestes mais avec eux aussi des résultats : des ateliers de prévention du stress ou des actions du type « Vis ma vie ». Garges-lès-Gonesse (95) propose ainsi depuis plusieurs années « le dispositif « Echange ton poste » qui permet aux agents et aux cadres de découvrir les autres métiers de la collectivité durant une semaine », explique Yves Cordonnier, le DGA « Ressources ». Il parle d’un levier parmi d’autres pour agir sur la qualité de vie au travail. De son côté, Elancourt (78) a mis en place depuis 2016 des actions qui associent un ostéopathe, une diététicienne, un ergonome… « Notre démarche atypique et bienveillante vise à prévenir le stress ou certains troubles physiques », explique Adrien Chaffoteaux, son DRH. A ceux qui lui parlent de « gadgets », il répond chiffre avec une baisse de 50% des arrêts maladie. Elancourt agit aussi en direction des chefs de service pour faire remonter le plus tôt possible les situations potentielles de RPS. « Toutes ces initiatives sont intéressantes mais la vraie question sur les RPS est de s’attaquer à l’organisation du travail et non seulement à ses effets », interpelle Vincent de Gaulejac, en guise de conclusion. Philippe Pottiée-Sperry
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