Le plan Macron pour plus de diversité dans la haute fonction publique

Philippe Pottiée-Sperry
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« Je veux dire à toutes celles et ceux qui pensent « ce n'est pas pour moi » : seuls les vertus et les talents comptent pour rejoindre la fonction publique. N'ayez pas peur de vous préparer et de vous présenter aux concours. Vous avez votre place ! ».

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Emmanuel Macron a fait le déplacement, le 11 février à Nantes, pour présenter un plan en faveur de « l’égalité des chances dans la fonction publique ». Le lieu choisi était l’IRA (Institut régional d’administration) afin d’échanger avec des élèves fonctionnaires, des élèves de classes préparatoires intégrées et des lycéens. Accompagné d’Amélie de Montchalin, la ministre de la Transformation et de la Fonction publique, le président de la République a annoncé une série de mesures visant à renforcer l'ouverture et l'égalité d'accès aux écoles de service public. « Pour lutter contre l'entre-soi et les corporatismes, nous formons une nouvelle génération de hauts-fonctionnaires qui ressemble à la France, dans toute sa diversité », a indiqué la ministre. Selon elle, le plan « Talents du service public » vise à donner « la même chance pour tous de réussir les grands concours de la fonction publique ».

Lutter contre l'autocensure

Ce plan s'articule autour de deux objectifs : lutter contre l'autocensure face aux concours et diversifier la haute fonction publique. Son constat : le déficit d’information sur les métiers, les modalités et les voies d’accès à la fonction publique conduit à une autocensure des jeunes, même lorsqu’ils sont diplômés d’un cursus universitaire. Une étude de 2016 montre que seul un jeune sur dix en cursus universitaire envisage de présenter un des concours de la fonction publique : 21% estiment que ces concours seraient trop sélectifs et 17% qu’ils ne sont pas suffisamment diplômés pour les concours visés. Par ailleurs, les lauréats des concours externes de la haute fonction publique sont moins divers socialement depuis 15 ans. Les chiffres sont éloquents : la proportion d’élèves de l’ENA (Ecole nationale d’administration) en 2019 ayant un père ouvrier n’est que de 1% alors que celle ayant un père exerçant une profession intellectuelle supérieure s’élève à 73% (67% à l’Institut national des études territoriales – INET). Le plan Talents du service public affiche donc l’ambition de renverser cette tendance à travers plusieurs mesures.

Les Cordées du service public

Première mesure, les Cordées du service public se veulent la déclinaison pour les métiers de la fonction publique des Cordées de la réussite, dispositif favorisant l’égalité des chances porté par le ministère de l’Education nationale. Il s’appuie sur des partenariats entre des collèges, lycées et des écoles de service public, vise à accroître l’ambition scolaire des jeunes « encordés » à lever l’autocensure, et à les accompagner vers les formations et les concours du secteur public. Le dispositif est destiné en priorité aux élèves scolarisés en éducation prioritaire ou résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville comme aux collégiens et lycéens de zone rurale et isolée. Les participants bénéficient d’un conseil en orientation personnalisée. De plus, les jeunes seront accompagnés par des élèves des écoles de service public ou des fonctionnaires dans leur projet d’orientation et leur découverte des carrières publiques. Ce programme prendra différentes formes : tutorat, mentorat, stages dans des administrations.

Les Prépas Talents

Autre mesure : les Prépas Talents. Elles se destinent aux étudiants boursiers les plus méritants de l’enseignement supérieur pour préparer les concours donnant accès aux postes d’encadrement de la fonction publique. « La promesse républicaine d'égalité des chances c'est dès 2021 avec 1700 places de Prépas Talents service public et une voie dédiée aux jeunes boursiers méritants des quartiers et de la ruralité pour accéder aux grandes écoles de la fonction publique », affirme Amélie de Montchalin. Ces classes préparatoires seront présentes sur tout le territoire, intégrées à des écoles de service public, des universités, des instituts d’études politiques, des CPAG (Centres de préparation à l'administration générale) ou des IPAG (Instituts de préparation à l'administration générale). Elles s’appuient sur le réseau des classes préparatoires intégrées des écoles de service public, qui offrent actuellement 700 places. Un appel à manifestation d’intérêt est lancé pour les établissements candidats à accueillir ces classes. Les étudiants seront sélectionnés sous conditions de ressources et de mérite, sur la base d’un dossier et d’un entretien tenant compte du parcours du candidat, de ses aptitudes, de sa motivation et de son potentiel.

Les équipes pédagogiques des Prépas Talents seront formées de fonctionnaires et hauts-fonctionnaires qui dispenseront des enseignements professionnalisants. Chaque étudiant bénéficiera d’un tutorat renforcé par des fonctionnaires et hauts-fonctionnaires en postes ou des fonctionnaires stagiaires des écoles de service public, en s’appuyant notamment sur les réseaux associatifs. Chaque étudiant inscrit en Prépa Talents sera soutenu financièrement pendant sa formation par une bourse dédiée (2000 € en 2020 et 4000 € à la rentrée 2021). Il pourra également bénéficier d’un soutien pour le logement ou la restauration. L’objectif du gouvernement est de disposer d’au moins deux Prépas Talents par région.

Les Concours Talents

Une nouvelle voie d’accès à six concours de la fonction publique (ENA, administrateur territorial, directeur d’hôpital, directeur des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux, commissaire de police, directeur des services pénitentiaires) est ouverte à titre expérimental entre 2021 et 2024. Elle concerne les élèves des Prépas Talents du service public et des classes préparatoires intégrées des trois années précédentes. Le nombre de places dédiées à ce concours sera compris entre 10 et 15 % des places offertes aux concours externes. Les écoles concernées sont l’ENA, l'INET, l'EHESP (Ecole des hautes études de santé publique), l'ENSP (Ecole nationale supérieure de la police) et l'ENAP (Ecole nationale de l’administration pénitentiaire).

DGS de Grand Paris Sud Est Avenir (GPSEA) et président de l’AATF (Association des administrateurs territoriaux de France), Fabien Tastet salue l'initiative dans une interview aux Echos : « Les classes préparatoires intégrées actuelles ne fonctionnent pas assez bien, elles ont des résultats mitigés et n'envoient pas de gros bataillons vers les grandes écoles ». Ce sont 1000 places supplémentaires qui devraient être ouvertes dès la rentrée 2021. Mais encore faut-il « des dispositifs humains » pour accompagner les jeunes de condition modeste qui y seront accueillis, insiste Fabien Tastet. Pour cela, le plan gouvernemental entend développer le tutorat.

Renforcement du tutorat

Faisant figure de « rôles modèles » pour les jeunes, le rôle des tuteurs est jugé essentiel auprès des élèves et des étudiants des Cordées du service public et des Prépas Talents du service public. Pour le renforcer, les élèves des différentes écoles de service public devront assurer dès 2021 des actions de tutorat au bénéfice de ces jeunes. A partir d’avril, une nouvelle plateforme mettra en relation les fonctionnaires et hauts-fonctionnaires volontaires avec des jeunes qui souhaitent des informations sur les concours et les métiers de la fonction publique.

Philippe Pottiée-Sperry

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