Le Sénat plaide pour développer l’ingénierie territoriale
La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales du Sénat a publié, le 21 septembre, un rapport des sénateurs Josiane Costes et Charles Guené, intitulé « Les collectivités et l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) au défi de l’ingénierie dans les territoires ». A l'appui de ce rapport, ils ont entendu une cinquantaine de personnalités et ont fait plusieurs déplacements.
Constat dressé : « après plus d’une décennie de désengagement de l’État des activités d’ingénierie publique relevant du champ concurrentiel et de réformes des services déconcentrés, RGPP en 2007, MAP à partir de 2012, les rapporteurs font le constat d’une forte réduction des capacités d’intervention de l’administration territoriale de l’Etat au profit des collectivités ».
Difficultés dans le secteur de l’eau
Les sénateurs pointent le manque d’anticipation de l’abandon, entre 2012 et 2016, des prestations de maîtrise d’œuvre, d’administration de l’application du droit des sols (ADS), d’assistance technique fournie par l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (Atesat) ou encore des missions de régulation des services publics d’eau potable et d’assainissement. Une situation qui n’a pu être compensée qu’imparfaitement par les collectivités. Selon une consultation réalisée par la délégation sénatoriale auprès des élus locaux sur le soutien attendu de l’ANCT, dans 52% des cas, les collectivités ne sont pas parvenues à prendre en charge la suppression de l’ingénierie publique d’Etat dans le domaine de l’eau.
Aide des départements et des intercos
Dans ce contexte, des initiatives ont été prises. L’ingénierie publique locale s’est ainsi développée surtout au niveau départemental : 70 départements fournissent des services d’assistance technique, juridique ou financière sous la forme de régies ou d’agences techniques départementales. Cette aide existe aussi au niveau intercommunal par le biais des mutualisations de services en matière d’urbanisme. Mais malgré ces efforts « demeure la difficulté récurrente pour nombre de collectivités d’accéder à une ingénierie stratégique et de conception », constatent les sénateurs. Ils appellent donc au développement d’une ingénierie publique locale qui dispose de plus de moyens et soit mieux répartie sur l’ensemble du territoire.
25 propositions
S’agissant de l’ANCT, les rapporteurs estiment que sa création ne doit pas se limiter à une simple réorganisation administrative sans moyens supplémentaires. Selon eux, « son ambition devrait bénéficier en priorité à l’émergence des projets locaux ». Le rapport formule ainsi 25 propositions. Une première série de 12 propositions visent à mieux faire reconnaître le rôle de l’ingénierie publique locale, à adapter les ressources humaines des collectivités aux besoins de nouvelles compétences et à dégager des moyens financiers supplémentaires en faveur de cette ingénierie. Une seconde série de 13 propositions, spécifiques à l'ANCT, plaident pour en faire un outil de lutte contre les inégalités territoriales, notamment en priorisant une ingénierie « sur-mesure » à l’écoute des besoins des territoires pour faire émerger les projets locaux.
S’il est encore trop tôt pour faire un premier bilan de la mise en place de l’ANCT, les rapporteurs lui demandent néanmoins d’« adapter la doctrine d’action aux spécificités du maillage territorial, qu’il s’agisse des échelons communaux, départementaux et de la nécessaire coordination avec les stratégies régionales, mais aussi des intercommunalités et des pôles d’équilibre territoriaux et ruraux (PETR) qui, dans les territoires de faible densité, constituent la maille adéquate de gestation et de réalisation des projets ».
P.P.-S.