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Les municipales, victimes du coronavirus

Philippe Pottiée-Sperry
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55,36%. Le premier tour des élections municipales, le 15 mars, a connu un taux d’abstention record, de près de 20 points supérieurs au scrutin précédent de 2014.

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Cela alors que le scrutin municipal est celui qui connaît traditionnellement la plus forte participation avec l’élection présidentielle. Plus que jamais, les différences sont fortes entre zones urbaines et rurales. Par exemple, l’abstention n’a atteint « que » 33% dans le département de la Lozère, soit un taux près de deux fois inférieur à celui de grandes villes comme Marseille (67,2%), Bordeaux (64%) ou Lyon (61%).

Explication de cette situation inédite : l’aggravation de la crise sanitaire du coronavirus qui a franchi une nouvelle étape la veille au soir du premier tour avec l’annonce par le Premier ministre du passage au « stade 3 » et de la fermeture des commerces non essentiels et des restaurants. La polémique a enflé jusque dans les dernières heures sur la nécessité ou non de maintenir le premier tour, compte tenu de la forte accélération de l’épidémie.

En tout cas, le soir du 15 mars, tous les acteurs s’accordaient pour demander un report du second tour. Et c’est ce qu’a annoncé le lendemain soir le président de la République lors de son allocution , déclarant « la guerre » au coronavirus avec à la clef toute une série de mesures. Toutes les réformes en cours, y compris celle des retraites, sont suspendues. Un « projet de loi permettant au gouvernement de répondre à l'urgence et, lorsque nécessaire, de légiférer par ordonnances dans les domaines relevant strictement de la gestion de crise » sera présenté au conseil des ministres du 18 mars, a annoncé Emmanuel Macron.

Report du second tour en juin

Dans la foulée de l’allocution présidentielle, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, , a précisé que le second tour des municipales se déroulera « au plus tard au mois de juin ». Dans la journée, la date du 21 juin a été plusieurs fois évoquée.

En pratique, un projet de loi, est examiné aujourd’hui par le Conseil d’Etat puis le 18 mars par le conseil des ministres. Il prévoit que dans un délai de six semaines au plus, c’est-à-dire courant mai, « un rapport du conseil scientifique créé pour la gestion de la crise du coronavirus statuera sur la possibilité, au plan sanitaire, d’organiser les élections à un horizon de six semaines, c’est-à-dire à compter de mi-juin », a affirmé Christophe Castaner.

« Nous approuvons pleinement le choix du cadre fixé par le projet de loi présenté au prochain conseil des ministres et élaboré en concertation avec le Parlement », a réagi le président de l’AMF, François Baroin, dans la foulée de l’allocution présidentielle. Suite aux annonces de mesures de confinement faites par le président de la République, François Baroin a tenu « au nom de l’AMF à assurer le chef de l’État du plein et entier soutien et de l’engagement sans faiblesse de chaque maire dans l’accompagnement locale des mesures nationales ».

30 000 maires élus cette semaine

Le premier tour des municipales a permis d’élire les conseillers municipaux de 30 125 communes. Cela signifie que, d’ici à la fin de semaine, les conseils municipaux vont pouvoir élire quelque 30 000 maires. Compte tenu du report du second tour, des doutes existaient chez les juristes concernant la validité du premier tour avec comme conséquence de devoir réorganiser l’intégralité du scrutin. Ainsi, Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel, a estimé dans les colonnes du Monde du 17 mars, que ce report « entrainerait automatiquement l’annulation du premier tour. Selon lui, « les élections municipales forment un bloc, on ne peut pas détacher ces deux moments ». Et d’enfoncer le clou en affirmant que « reporter le second tour revient nécessairement à annuler le premier, y compris pour les maires réélus dimanche ».

Mais ce n’est pas la position qui a été retenue par le gouvernement. « Les élections qui ont été conclusives à l’issue du premier tour sont acquises, a ainsi affirmé le ministre de l’Intérieur. Nul ne comprendrait que les résultats réguliers d’élections organisées conformément aux lois de la République, et qui ont permis de pourvoir à l’issue du premier tour les conseils municipaux, soient remis en cause. C’est l’expression de la volonté du peuple, c’est le respect que nous devons au suffrage universel ».

Situation particulière des intercommunalités

Concrètement, pour organiser le second tour, le projet de loi présenté demain au conseil des ministres comprendra plusieurs mesures. Tout d’abord, il confirmera que les conseillers municipaux et communautaires élus dès le premier tour entrent en fonction immédiatement. Pour les communes où le premier tour n’a pas été conclusif, « le projet de loi prévoira que le mandat des conseillers municipaux, et des maires sera prolongé par la loi autant que nécessaire », a indiqué Christophe Castaner. Les maires et les conseils municipaux en place administreront donc les communes jusqu’à ce que le second tour se soit tenu.

La situation apparaît plus complexe pour les intercommunalités à cause de différents statuts parmi ses élus. Le projet de loi y définira donc un régime spécifique, répondant au caractère exceptionnel de la situation. « Ce régime verra coexister, pour une période limitée, dans une même intercommunalité, les nouveaux élus, dont l’élection était acquise à l’issue du premier tour, ainsi que les élus dont le mandat a été prolongé », a détaillé le ministre de l’Intérieur. Et d’ajouter : « Il sera procédé, dans ces collectivités, à l’élection d’un président, dont le mandat sera limité, jusqu’à ce que le renouvellement général des élus ait pu intervenir. Une fois les élections achevées, un nouvel exécutif sera élu ».

Une forte prime aux sortants

Dans les leçons politiques du scrutin du 15 mars, il ressort une forte prime aux sortants, avec beaucoup de maires réélus dès le premier tour. Autre constat : une forte poussée des écologistes. Dans les grandes villes, leurs candidats sont arrivés en tête notamment à Lyon, Grenoble, Strasbourg ou Besançon. Ils ont enregistré également de très bons scores à Bordeaux (34% contre 35% au maire sortant Nicolas Florian), Lille (seconde position avec 25% contre 30% à la liste de Martine Aubry) ou encore Metz (seconde position à 25% contre 30% à François Grosdidier).

Les partis traditionnels se sortent plutôt bien de ce scrutin avec de bons résultats. C’est le cas de LR avec également beaucoup de maires réélus dès le premier tour (Jean-François Copé à Meaux, Natacha Bouchard à Calais, Arnaud Robinet à Reims…). Pour le PS, les candidats sont en tête à Paris, Nantes, Rennes, Brest, Dijon, Rouen, Clermont-Ferrand, Le Mans, Saint-Denis ou Nancy (Mathieu Klein, président du département de Meurthe-et-Moselle, est trois points devant le maire sortant de Nancy Laurent Hénart).

Parmi les présidents d’associations d’élus réélus dès le premier tour, on peut citer François Baroin, président de l’AMF (66,78% à Troyes dans l’Aube), Vanik Berberian, président de l’AMRF (Gargilesse-Dampierre dans l’Indre), ou Caroline Cayeux, présidente de Villes de France (50,75% à Beauvais dans l’Oise).

Enfin, deux ministres ont été élus dès le premier tour : Gérald Darmanin à Tourcoing et Franck Riester à Coulommiers. Quant au Premier ministre, Édouard Philippe, il est en tête au Havre, avec un score de 43%.

Philippe Pottiée-Sperry

Philippe Pottiée-Sperry
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