L’Union sociale pour l’habitat dénonce un « État prédateur »

Philippe Pottiée-Sperry
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En ouvrant la journée annuelle sur l’actualité de l’habitat « Quoi de neuf acteurs ? », le 20 mars, le président de l’Union sociale pour l’habitat (USH), Jean-Louis Dumont n’a pas mâché ses mots en dénonçant « l’État prédateur qui s’empare de nos financements ».

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À ses yeux, « pour Bercy l’humain et le service à la personne ça n’existe pas. » Cette charge virulente de la part d’un homme connu pour son ouverture, son goût pour la concertation et son désir de contribuer au redressement des finances publiques en dit long sur la situation du logement social. Les ponctions qui lui ont été infligées par le gouvernement (réduction du loyer de solidarité et hausse du taux de TVA notamment) se traduisent par une amputation de ses capacités d’autofinancement d’environ 4 Md€ sur trois ans selon Dominique Hoorens, directeur des études économiques et financières de l’USH. Effet immédiat, la baisse des agréments et des constructions, enregistrée en 2018, entre en contradiction avec la volonté du gouvernement de provoquer un choc de l’offre. Moins de logements sociaux c’est aussi le risque de voir les copropriétés dégradées se multiplier avec des drames comme celui de la rue d’Aubagne à Marseille.

Ponctions sur le logement et les collectivités

Pour compenser la diminution des ressources générée par la réduction du loyer de solidarité, le gouvernement incite les organismes à augmenter les ventes de logements sociaux. Mais son objectif de 40 000 ventes annuelles est jugé inatteignable. Les plus optimistes tablent sur moins de 2 .000 logements vendus dans les prochaines années. « On ne résoudra pas tout avec les regroupements d’organismes et les ventes », souligne d’ailleurs Pierre Quercy, chargé par le ministre du Logement d’une mission d’accompagnement de la réorganisation du tissu HLM. Aux ponctions sur le logement social s’ajoutent celles sur les collectivités locales. Ainsi que l’a rappelé Claire Delpech, conseillère finances et habitat de l’AdCF, elles ont subi ces dernières années une coupe de 20% de leurs dotations de fonctionnement dont la hausse est désormais limitée en moyenne à 1,2% par an inflation comprise.

Des élus très inquiets

La sénatrice des Alpes-Maritimes, Dominique Estrosi-Sassone, a dénoncé « l’assèchement des ressources par l’État ». Elle s’est inquiétée d’une évolution vers la « privatisation du logement social », de sa spécialisation dans l’accueil des publics les plus fragiles et, faute de moyens, d’ambitions revues à la baisse sur les politiques de renouvellement urbain. Propos partagés par le député de Seine-Saint-Denis, Stéphane Peu, qui a alerté sur « le climat d’insécurité sociale qui s’installe dans le pays et que les réformes du logement contribuent à aggraver. » Le président de la Métropole Rouen Normandie, Frédéric Sanchez, a appelé au compromis et constaté « la méfiance qui s’exprime à tous les étages, la difficulté à loger les plus pauvres et l’échec de la mixité sociale avec la formation de quartiers spécialisés. »

Échanges tendus

Le député de l’Indre, François Jolivet, a lui pris le parti de défendre la politique gouvernementale en critiquant le « logement social qui n’a jamais été contributeur aux comptes publics de l’État et son incapacité à construire des logements là où il y en a le plus besoin. » Son intervention a jeté un froid polaire parmi les élus et acteurs de l’habitat présents. Marianne Louis, directrice générale de l’USH, n’a pas manqué de répondre à l’attaque : « Le logement tous secteurs confondus représente 42 Md€ de financements publics, mais il rapporte au budget de l’État 70 Md€ à travers la fiscalité. Par ailleurs, les locataires du parc social bénéficient de 1 Md€ de pouvoir d’achat supplémentaire par rapport aux conditions qui leur seraient faites pour un logement équivalent dans le privé. » Pour faire bonne mesure, Jean-Louis Dumont a tenu à souligner ses bonnes relations avec le ministre du Logement, Julien Denormandie, sur lequel il compte pour défendre aux côtés de l’USH une réduction de la ponction de 1,5 Md€ prévue en 2020 sur le logement social. Tout début avril le Premier ministre doit rendre son verdict.
Victor Rainaldi

Pour en savoir plus :

Les vidéos de la journée (plus de 6 heures d’interventions) seront mises en ligne avant le 30 mars sur le site https://www.acteursdelhabitat.com/Quoi-de-neuf-acteurs-Les,2840
Philippe Pottiée-Sperry
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