Lutte contre l'habitat indigne : le besoin urgent de simplifier les procédures

Philippe Pottiée-Sperry
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Près d’un an après le drame de la rue d'Aubagne à Marseille, Guillaume Vuilletet, député LREM du Val d’Oise, a remis récemment au Premier ministre son rapport sur la lutte contre l’habitat indigne. Il contient avant tout des recommandations pour simplifier les procédures, mais aussi changer d'approche face à ce fléau. Dès le début son rapport, le député dénonce « des moyens mis en œuvre pour traiter le logement indigne dispersés et notoirement insuffisants ».
Concernant l’importance du phénomène, il reconnaît la difficulté à le cerner : l’Etat parle de 420 000 logements indignes, la fondation abbé Pierre de 600 000 et l’Insee cite 800 000 logements dégradés, notion plus large.

Dispositif actuel insuffisant

Actuellement, la lutte contre l’habitat indigne repose sur des mesures incitatives, notamment des aides financières et un accompagnement des propriétaires pour la rénovation de leur logement ; et, quand cela est nécessaire, à travers des mesures coercitives et pénales à l’encontre des propriétaires indélicats et des marchands de sommeil. Mais cela ne suffit pas constate le parlementaire : malgré les mesures coercitives de la loi « Elan », la solution doit passer aussi par des mesures de simplification des procédures. En effet, les procédures pour obtenir l’exécution des travaux ou des condamnations sont complexes, trop longues, imbriquées les unes dans les autres, avec pour résultat de créer du contentieux et de ralentir le but recherché de lutter contre l’habitat indigne.

Créer une police unique « habitabilité »

Parmi 30 recommandations, Guillaume Vuilletet plaide pour simplifier les polices spéciales de l’habitat indigne. Il existe aujourd’hui 13 polices de l'habitat, qui dépendent de quatre autorités administratives différentes, « c'est beaucoup trop ! », reconnaît-il. Avec de la complexité et souvent donc de l’inefficacité. Il propose ainsi de créer une police unique « habitabilité et bâtiments dangereux » (autorité disposant de la compétence habitat) qui serait confiée à une autorité unique. Cette autorité unique de police pourrait être différente et s’adapter l’acteur selon les territoires. En clair, cette police serait à l'échelon départemental (notamment si le département est délégataire des aides à la pierre) ou intercommunal lorsque l’EPCI dispose de la compétence habitat.

Transférer la compétence aux EPCI ou aux départements

Au-delà, il préconise de préparer le transfert de la compétence « habitabilité » aux EPCI de plus de 100 000 habitants disposant d’un PLH qui sont, selon lui, les « chefs de file naturels de la lutte pour la garantie de l’habitabilité ». Ils signeraient avec l’Etat une convention leur déléguant la compétence pour l’attribution des aides à la pierre, la réhabilitation et la démolition des logements sociaux, la création de places d’hébergement et l’amélioration de l’habitat privé. L’Etat n’interviendrait qu’en cas de défaillance de la collectivité. Le PLH deviendrait le document de programmation de l’action sur la prévention et sur l’habitabilité et pour identifier les secteurs prioritaires. Le rapport propose le seuil de 100 000 habitants pour confier aux EPCI la compétence « habitabilité ». Dans les autres cas, elle serait du ressort du département, sauf si des EPCI plus petits ou des communes souhaitent conserver cette compétence. Tout cela devrait passer par de nouveaux moyens humains (en nombre et compétence) pour assurer l’instruction des dossiers (avec une expertise nationale et régionale en appui), notamment pour prévenir le contentieux. Par ailleurs, le député plaide pour sortir de l’hygiénisme et de l’approche sectorielle pour basculer de l’indignité vers l’habitabilité. Cela passerait notamment par la création d’un référentiel national unique sur les normes minimales d’habitabilité (santé, sécurité, confort).

Une ordonnance avant mai 2020

Le rapport de Guillaume Vuilletet et ses propositions doivent « éclairer » les travaux interministériels qui aboutiront à la rédaction de l’ordonnance prévue par l’article 198 de la loi « Elan » visant à simplifier drastiquement ces procédures. Cette ordonnance est attendue avant fin mai 2020.Philippe Pottiée-Sperry
Philippe Pottiée-Sperry
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