Municipales : ce qui se prépare pour le scrutin du 28 juin
Les choses se précisent pour le second tour des municipales qui doit normalement se tenir le 28 juin, sauf imprévu dû aux conditions sanitaires. 4922 communes sont concernées pour près de 16,5 millions d’électeurs.
Pour l’organisation du scrutin, notamment concernant la campagne électorale, plusieurs mesures étaient au menu du dernier conseil des ministres du 27 mai. Un décret, présenté par le ministre de l'Intérieur et publié dès le 28 mai au Journal officiel, entérine la date du 28 juin. Il est complété par un autre décret qui adapte le droit électoral et organise le scrutin.
Mais ce n’est pas tout. En prévision de l'éventuelle impossibilité d'organiser les élections fin juin, un projet de loi a aussi été présenté pour autoriser un nouveau report jusque fin janvier 2021 (avec donc l’organisation de deux tours), au plus tard. Il sera discuté par les députés, en séance publique, le 5 juin. Un autre projet de loi, organique, concerne pour sa part le « report des élections sénatoriales et des élections législatives partielles » qui en découlerait. Il doit être discuté au Sénat, en séance publique, le 17 juin.
Si le second tour peut se tenir le 28 juin, cela signifiera le déroulement comme prévu des élections sénatoriales (178 sièges concernés par la série 2, 170 sièges de la série 1 ayant été renouvelés en septembre 2017) le dernier dimanche de septembre. Début juillet, des informations devront être communiquées aux collectivités sur les modalités de désignation des grands électeurs (95% sont des conseillers municipaux).
L'adaptation du droit électoral
La clause de revoyure prévue par le gouvernement se traduira par un nouveau rapport du Conseil scientifique, remis deux semaines avant le scrutin, qui indiquera si les conditions sanitaires sont remplies ou non pour sa tenue. Dans l’hypothèse probable que le second tour puisse se tenir le 28 juin, le dépôt des candidatures est obligatoire dans les communes de 1000 habitants et plus. Dans les plus petites, les candidats au premier tour, s'ils n'ont pas été élus, sont automatiquement candidats au second sans avoir à déposer leur candidature. Dans le cas où, au premier tour, le nombre de candidats était inférieur au nombre de sièges à pourvoir, de nouveaux candidats peuvent se présenter au second tour. Pour cela, ils doivent déposer une déclaration de candidature, entre le 29 mai à 9 h et jusqu'au 2 juin à 18 h.
Par ailleurs, la campagne électorale officielle démarrera le 15 juin. Le 27 juin à 0 h démarrera l'interdiction de diffusion de tracts et de tout message électoral. Le même jour à minuit sera la clôture de la campagne.
Dépenses électorales : hausse de 20% du plafond
Evidemment cette campagne sera bien différente des précédentes, compte tenu des circonstances actuelles. Sachant que les regroupements restent limités à dix personnes, les meetings ne seront pas possibles. Le porte-à-porte deviendra très compliqué avec l’obligation des règles de distanciation physique et de port du masque. « Nous allons privilégier une campagne numérique, dans les médias, nous réfléchissons à des professions de foi plus détaillées », a expliqué le ministre de l’Intérieur. Parmi les rares avantages de cette campagne hors norme : elle sera bien plus longue que les quelques jours habituels de l’entre-deux tours.
Pour tenir compte du report du second tour, les modalités de remboursement des dépenses de propagande électorale sont revues avec un plafond augmenté de 20%. De même, la durée maximale des prêts contractés par les candidats au second tour est portée à 24 mois. Dans l'organisation du bureau de vote, en cas d'absence d'assesseurs, les assesseurs manquants seront alors pris parmi les électeurs présents selon l'ordre de priorité suivant : l'électeur le plus jeune, puis le deuxième électeur le plus jeune. Le décret introduit donc une dérogation au Code électoral qui prévoit que l'ordre de priorité est d'abord l'électeur le plus âgé.
Priorité à la lutte contre l’abstention
Un des premiers objectifs est d’améliorer la participation, particulièrement faible lors du premier tour du 15 mars (44,66% soit près de vingt points de moins qu’en 2014) compte tenu des inquiétudes des électeurs. Le gouvernement a déjà élargi les conditions de vote par procuration. Toutes les procurations établies pour le 22 mars restent valables pour le 28 juin. Autre mesure : l’absence de justification nécessaire pour demander une procuration. De plus, les directeurs d’Ehpad pourront recueillir les procurations de leurs résidents. Objectif : « éviter d’augmenter le risque d’introduction du Covid au sein de ces établissements en recourant à des personnes qui y travaillent déjà », a indiqué le ministre de l’Intérieur.
Au-delà de ces premières mesures, deux réunions étaient organisées, le 27 mai, par Christophe Castaner, Jacqueline Gourault (ministre de la Cohésion des territoires) et Sébastien Lecornu (ministre chargé des Collectivités), avec les partis politiques et les associations d’élus, pour étudier les modalités d’organisation du second tour afin de faciliter la participation.
Le retour du vote par correspondance ?
Dès le 25 mai, la plupart des associations de maires (AMF, AMRF, APVF, Villes de France, AdCF, France urbaine, Association des maires Villes et banlieue) avaient envoyé un courrier à Emmanuel Macron. Elles y formulaient plusieurs propositions pour assouplir les conditions d’établissement des procurations, en supprimant notamment l’obligation pour le mandant de donner un motif et l’obligation pour le mandataire d’être inscrit dans la même commune que le mandant. Cela devrait passer, selon elles, par la publication très rapide d’un décret permettant la mise en œuvre de ces deux simplifications dès le prochain scrutin. Les associations proposent aussi de rétablir le vote par correspondance (supprimé en 1975). « L’Allemagne ne l’a‐t‐elle pas pratiqué sans problème il y a quelques semaines en plein confinement ? » font-elles remarquer. François Bayrou, maire de Pau et président du Modem, s’y est dit favorable pour lutter contre le risque d’abstention très élevée. Et d’indiquer que le groupe Modem de l’Assemblée nationale a déposé, le 28 mai, une proposition de loi pour rétablir le vote par correspondance. « Au-delà du scrutin du 28 juin, le rétablissement du vote par correspondance, en facilitant la participation du plus grand nombre aux élections, est une condition nécessaire du regain de vitalité démocratique », estime Jean-Noël Barrot, député des Yvelines et secrétaire général du Modem. Mais avec quelle chance d’aboutir pour cette proposition de loi ?
Premières avancées
Opposé jusqu’à présent au vote par correspondance, Christophe Castaner semble à présent plus ouvert. « Le ministre a annoncé [lors de la réunion du 27 mai] que la décision du gouvernement n’était pas prise à cette heure », relate ainsi l’association Villes de France. Se disant « plutôt réservé à titre personnel sur cette option très compliquée à mettre en place », il souligne aussi son « surcoût » en évoquant un montant global de 80 M€ dont 18 M€ rien que pour l’impression des enveloppes.
Sur les procurations, le ministre s’est dit ouvert à des évolutions mais en les limitant à deux par personne. L’élargissement des conditions des procurations a été acté avec la suppression de la mention du « motif » dans le formulaire. De plus, il a annoncé « la mobilisation exceptionnelle des délégués de la police judiciaire pour récolter les dossiers et la validation des dossiers », indique Villes de France.
Par ailleurs, le ministre de l’Intérieur a annoncé aux élus la prise en charge intégrale par l’État de tous les coûts induits par les mesures de protection comme des mesures de nettoyage des bureaux de vote. Il a aussi assuré la mobilisation de son ministère avec des moyens humains renforcés dans les préfectures pour le dépôt des listes à la date convenue sur rendez-vous. Sur le vote adapté le jour du scrutin, peu de choses nouvelles par rapport au premier tour, constate Villes de France. Il y aura peut-être des plexiglas pour protéger les assesseurs.
Une campagne numérique
Un site internet national devrait être ouvert pour la mise en ligne des professions de foi pour toutes les communes concernées. La législation actuelle relative au bon usage réglementaire sur l’utilisation des outils numériques pour les candidats sortants devrait être maintenue. Les médias seront incités à relayer la campagne des municipales. Mais de quelle façon ? Pas de réponse pour l’instant.
L’idée d’une profession de foi de quatre pages en format papier, et expédiée aux électeurs (au lieu de deux pour le premier tour), a aussi été évoquée lors de la réunion. Mais le surcoût de l’opération estimé à 8 M€ a suscité des réserves. En revanche, les listes candidates bénéficieront de deux panneaux pour les affiches au lieu d’un seul actuellement (avec prise en charge de l’État, pour ce surcoût de 3,5 M€), indique Villes de France.
Une proposition de loi discutée rapidement
De leur côté, les sénateurs veulent aussi faire entendre leur voix dans l’organisation du scrutin municipal. La commission des lois du Sénat a ainsi adopté, le 27 mai, une proposition de loi LR « tendant à sécuriser l’établissement des procurations électorales » qui doit être discuté en séance publique dès le 2 juin. Ce texte permet à chaque mandataire de disposer de deux procurations. De plus, il vise à mieux protéger les électeurs et les citoyens qui participent aux opérations de vote (présidents du bureau de vote et assesseurs, scrutateurs du dépouillement, agents municipaux, etc.).
Selon le quotidien en ligne Contexte, cette proposition de loi pourraient être le véhicule législatif des annonces gouvernementales, suite aux concertations avec les associations d’élus et les partis politiques, notamment sur la possibilité de deux mandats de procuration par personne (un seul possible à ce jour). Après son passage au Sénat, il serait donc inscrit très rapidement à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Dans la foulée du scrutin du 28 juin, la première réunion du conseil municipal se tiendra de plein droit au plus tôt le vendredi 3 juillet et au plus tard le dimanche 5 juillet pour élire les maires et les adjoints. Les nouvelles équipes entreront en fonction le 17 juillet au plus tard. Pour leur part, les conseils communautaires devront être installés dans les trois semaines (au lieu de cinq semaines en temps normal) après l’installation des nouveaux conseils municipaux.
Philippe Pottiée-Sperry