Plaidoyer en faveur de la ruralité

Philippe Pottiée-Sperry
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Les questionnements relatifs à l’avenir du monde rural sont mal posés. Faisant ce constat, Emmanuel Faivre et Yves Krattinger, respectivement DGS et président du département de la Haute-Saône, ont pris ensemble la plume pour dire tout le bien qu’ils pensent de la ruralité et tout le mal de sa remise en cause.

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Dans leur essai intitulé « Ruralité : stop ou encore ? », et publié aux Éditions Atlande, les deux auteurs posent des diagnostics sans concession sans se focaliser uniquement sur des symptômes jugés bien souvent superficiels.

Selon eux, « respecter le monde rural, c’est aussi se poser la question de son utilité. C’est définir les prérequis obligatoires pour qu’il soit compétitif. C’est aussi ne pas renoncer à peupler le monde rural, à y investir massivement sans quoi il est condamné ».

Refusant de le considérer simplement comme un coût, ils plaident pour le définir comme un investissement d’avenir pour le pays. Ils dénoncent ici l’attitude de l’Etat qui n’aurait eu cette réflexion que pour les métropoles : « tout le monde s’accorde à dire qu’il ne faut pas opposer urbain et rural mais l’Etat par l’absence de réflexion étayée sur le monde rural nourrit cette opposition. C’est ainsi que le ressentent de plus en plus les acteurs ruraux. »

 

L’urgence d’une « cure de jouvence »

Pour « construire un profond changement d’approche dans les solutions proposées », Emmanuel Faivre et Yves Krattinger défendent une « prise de conscience de la richesse de la ruralité et de la nécessité de se doter d’une réelle ambition pour elle ».

Opposés à une « vision passéiste et nostalgique », les deux auteurs livrent le plaidoyer d’une renaissance nécessaire. Selon eux, « de simples soins palliatifs ne suffiront pas ! ». Et de plaider pour « décréter le rôle central de la ruralité dans la cohésion et l’équilibre de notre collectif national. Il y a urgence à lui appliquer une cure de jouvence pour la régénérer afin qu’elle devienne une ruralité moderne, solide et offensive ».

Face à « une ruralité malade et en danger », ils défendent « des traitements sur le temps long ».

11 propositions qui se veulent opérationnelles

Ils formulent onze propositions qui se veulent « concrètes, opérationnelles et mobilisables à très court terme pour créer un premier électrochoc visant à préparer un changement plus profond ».

  • Mesure 1 (institutions) : transformer progressivement le département rural en fédération de communautés de communes pour affermir une gouvernance des politiques publiques.
  • Mesure 2 (finances) : aboutir par étapes en 2025 à une égalité réelle des ressources affectées par l’Etat aux collectivités par l’affectation de moyens équivalents aux citoyens ruraux et urbains. Il s’agirait aussi de confier aux départements la mission de répartir la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR).
  • Mesure 3 (ingénierie) : doter les territoires ruraux d’une ingénierie intégrée sous la direction des collectivités via un cadre réglementaire sur-mesure et complétée par l’incorporation d’agents de l’Etat.
  • Mesure 4 (réglementaire) : appliquer le principe « La République fixe le cadre, les territoires adaptent l’application » en adoptant un certain nombre de normes à la vie rurale pour libérer les énergies et responsabiliser les acteurs ruraux.
  • Mesure 5 (emploi) : construire des circuits courts de l’emploi rural basés sur le primat du travail et la responsabilisation des collectivités à l’échelle du bassin de vie.
  • Mesure 6 (numérique) : faire des aménagements et des usages numériques en milieu rural une hyper-priorité nationale en les considérant comme des investissements productifs d’avenir.
  • Mesure 7 (éducation) : développer une démarche proactive des organisations scolaires rurales et ouvrir les écoles et les collèges sur leur environnement direct en mutualisant leur utilisation avec les forces vives locales.
  • Mesure 8 (santé) : construire la médecine rurale ambitieuse de demain en mobilisant davantage les professions médicales. Objectifs : les lier de manière volontariste aux territoires, articuler médecine rurale, secteur médico-sociale, centres de soin et hôpital de proximité.
  • Mesure 9 (mobilité) : face à une offre de transports en commun inexistante, développer le covoiturage et accompagner financièrement les salariés ruraux qui n’ont que la voiture comme moyen de transport.
  • Mesure 10 (transition énergétique) : faire le parti d’une transition énergétique ambitieuse et concrète à partir des territoires ruraux en priorisant trois secteurs d’intervention (l’habitat privé, l’agriculture, la gestion de l’eau).
  • Mesure 11 (social) : passer d’une logique de guichet délivrant des prestations à une démarche de développement social local, véritable assise de la vie rurale.

P.P.-S.

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Philippe Pottiée-Sperry
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