Relance, finances, CPER : deal réussi entre l’Etat et les régions
Une rencontre le 30 juillet entre le Premier ministre, Jean Castex, et le président de Régions de France, Renaud Muselier, a donné lieu à la signature d’un accord État-régions, dit de « méthode ». Renaud Muselier n’a pas hésité à parler de « révolution partenariale ».
Parmi les premières réactions, la région Nouvelle-Aquitaine a salué « la confiance retrouvée ». « C'est un excellent accord pour les régions et la Nouvelle-Aquitaine. Il va permettre de construire un plan de relance ambitieux dès l'automne, adapté aux impacts de l'épidémie sur le territoire régional, dans cette région exposée dans le secteur de l'aéronautique notamment, mais aussi en raison de retards sur différents investissements, comme les infrastructures ferroviaires du quotidien », a affirmé Alain Rousset, président de la région Nouvelle-Aquitaine.
Fait d'engagements réciproques, l’accord passe tout d’abord par la sécurisation par l’Etat des ressources des régions. Ainsi, dès 2020, 600 M€ de dotations d'investissement supplémentaires permettront d’accélérer dans les territoires certains projets jusqu’alors ralentis par manque de moyens. Et en 2021, les régions bénéficieront d’une garantie de ressources sur la TVA sur la dernière base connue suite à la volonté du gouvernement de supprimer la CVAE dans le cadre de la baisse des impôts de production. « Les régions doivent être des acteurs de premier plan du plan de relance : l'État débloque 600 M€ pour soutenir l'investissement régional. C'est dans cet esprit de coopération et de confiance mutuelle que nous surmontons plus vite la crise et atténuerons ses effets », a affirmé Jean Castex. Ces crédits d’investissement pour 2020 seront contenus dans un éventuel quatrième PLFR ou plus probablement dans le projet de finances pour 2021. Ils seront fléchés sur des opérations spécifiquement liées au plan de relance.
Remplacement de la CVAE par une part de TVA
Pour faire face aux conséquences financières de la crise sur les régions, et en complément de plusieurs mesures déjà prévues dans la 3ème loi de finances rectificative (LFR 3), l’Etat s’engage aussi à neutraliser intégralement la baisse attendue de la CVAE en 2021. En pratique, dans le cadre de la baisse des impôts de production, la part de la CVAE perçue par les régions sera supprimée à compter de 2021, et compensée par une fraction de TVA égale en 2021 au montant de CVAE perçu par les régions en 2020. L’accord prévoit de garantir l’évolution de cette fraction de TVA sur le rythme d’évolution nationale de cet impôt à compter de 2022. Cela doit permettre aux régions de conserver une ressource fiscale dynamique qui doit leur permettre de maintenir une capacité d’investissement à long terme, précise l’accord de partenariat.
Très satisfait, Renaud Muselier a estimé que « quand les choses fonctionnent, il faut le dire ». Et d’ajouter : « Le Premier ministre et les régions ont réussi en 15 jours à bâtir ce plan de relance. Merci à Jean Castex pour son écoute et son efficacité. Merci à Jacqueline Gourault et Bruno Le Maire pour le travail que nous avions déjà engagé ». Selon le président de Régions de France, « cet accord global passé avec l'État permettra aux régions d’investir dans les petits et les grands projets de nos territoires. Éducation, santé, transports, entreprises, formation et emploi : tous les Français en bénéficieront de façon concrète ». Bref, le climat s’est sacrément réchauffé entre l’Etat et les régions quand on se souvient que ces dernières n’étaient pas vraiment contentes, fin mai, de ne pas être concernées par les mesures de soutien d’urgence de 4,5 Md€ pour les collectivités dans la LFR 3.
Les engagements des régions
En contrepartie, l’accord de partenariat prévoit que les régions s’engagent à investir massivement dans la relance selon les axes définis dans le présent accord de partenariat. Ainsi, le montant investi par les régions dans les contrats de plan État-régions (CPER) 2021/2027, qui intègre les investissements dans les infrastructures de mobilités, atteindra 20 Md€ contre 15 Md€ prévus initialement. Autre mesure prévue : la mise en place d’un « serpent budgétaire » consistant à épargner une partie de la hausse de la fiscalité des régions pour alimenter un fonds de sauvegarde. Ce fonds sera mobilisé pour accompagner les régions en cas de nouvelle crise, sur le modèle du fonds de sauvegarde des départements créé par la loi de finances 2020.
L’accord vise aussi à rénover le système de péréquation en l’amplifiant afin de réduire plus efficacement les inégalités territoriales. Il pourrait s’agir de redistribuer chaque année entre 1% et 2% des recettes de fonctionnement totales des régions.
Des contrats de plan rénovés
Cet accord de partenariat s’appuie sur « la conviction partagée » que les CPER et les contrats de convergence et de transformation (CTT) constituent « des supports adaptés à une relance durable ». Il définit les principes et les modalités d’action conjointe de l’État et des régions en faveur de la relance des entreprises les plus touchées par la crise, d’une plus grande résilience des territoires et d’une véritable transition écologique et énergétique pour une économie bas carbone. Les prochains CPER auront de nouveaux axes d'investissement consécutifs à la crise du Covid-19 : la santé, la formation professionnelle, la politique industrielle, l'agriculture, l'inclusion numérique, la culture, le sport et le patrimoine. Les anciens thèmes de contractualisation ne sont pas oubliés, puisque l'enseignement supérieur et la recherche, mais aussi les transports publics figurent en bonne place, avec un volet ferroviaire qui devrait se débloquer.
L’accord comporte quatre engagements entre l’Etat et les régions afin de :
- poursuivre leur mobilisation au service de la relance des secteurs économiques les plus éprouvés par les conséquences de la crise du Covid-19 ;
- s’accorder sur des priorités stratégiques à inscrire dans les CPER pour construire le « monde d’après » ;
- convenir d’une approche territorialisée et différenciée de la relance ;
- convenir de la nécessité de mobiliser davantage de moyens pour construire la relance.
Les CPER rénovés pourront être complétés par la suite par des conventions d’application thématiques et territoriales précisant des plans de financement détaillés. L’Etat et les régions s’engagent à adopter une logique de différenciation et d’expérimentation plus marquée, pour des contrats plus évolutifs laissant plus de marges de manœuvre aux échelons décentralisés et déconcentrés. Un autre objectif est d’associer davantage toutes les autres collectivités.
Une meilleure coopération économique
L’accord signé le 30 juillet veut traduire une meilleure coopération entre l’Etat et les régions dans le domaine économique, avec la mise en place de cellules Etat-région sur l'industrie automobile et aéronautique, un cadre de coordination pour les entreprises en difficulté, la régionalisation d'une partie du plan d'investissements d'avenir (PIA4), le renforcement des territoires d'industrie… S’y ajoute l'installation de deux comités ministre-régions : l'un sur l'économie avec Bruno Le Maire, l'autre sur l'emploi et la formation professionnelle avec Elisabeth Borne
Philippe Pottiée-Sperry