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Renforcer la négociation collective : une ordonnance en préparation

Philippe Pottiée-Sperry
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Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, a reçu, fin mai, un rapport visant à améliorer la qualité et la densité du dialogue social dans la fonction publique.

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Suite à la loi du 6 août 2019 (article 14), il avait lancé en novembre dernier une mission sur les conditions dans lesquelles les accords collectifs passés dans les trois fonctions publiques pourraient être dotés d’une force juridique les rendant opposables aux parties. Constat : depuis 2010, seuls quatre accords ont été signés au niveau inter-fonctions publiques, et vingt-neuf à l’échelle ministérielle. Aux autres niveaux, et quel que soit le versant concerné, il n’existe ni suivi, ni analyse des accords négociés ou conclus dans la fonction publique.

Selon la mission, « reconnaître aux accords collectifs une portée juridique contraignante constituerait une innovation juridique majeure tout autant qu’une opportunité pour contribuer à l’amélioration de la qualité et la densité du dialogue social dans la fonction publique ». Selon son rapport, les accords collectifs pourraient ainsi déterminer « des normes juridiques opposables, à caractère général ».

« Une évolution plus profonde de la culture du dialogue social »

Reconnaissant que l’octroi d’une portée juridique aux accords collectifs ne suffit pas pour rénover le dialogue social, la mission plaide « une évolution plus profonde de la culture du dialogue social ». A cette fin, elle préconise plusieurs mécanismes nécessitant des changements législatifs ou la généralisation de bonnes pratiques. « En premier lieu, les partenaires sociaux devraient s’efforcer de rechercher la conclusion d’accords de méthode en préalable à une négociation, ainsi que d’accords sur les agendas sociaux », estime la mission. En second lieu, et en s’inspirant du Code du travail, elle propose d’introduire une obligation de négocier sur certains thèmes prioritaires (par exemple les conditions de travail et l'égalité professionnelle). Le rythme de ces négociations obligatoires serait fixé par accord collectif, ou, à défaut, par la loi. Cette dernière évolution pourrait être accompagnée de mécanismes complémentaires : suspension temporaire, légale ou volontaire, du pouvoir de décision unilatéral de l’employeur sur un sujet dès lors qu’une négociation est ouverte sur ce même sujet, possibilité pour les syndicats de contraindre à l’ouverture de négociations sur un thème de négociation obligatoire en cas de carence de l’employeur.

De plus, la mission suggère que la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) organise la mise en place d’un réseau de médiateurs, formés aux techniques de médiation, qui pourraient intervenir à la demande pour accompagner ou aider à débloquer un processus de négociation en difficulté. Par ailleurs, elle met l’accent sur l’utilité de développer la formation au dialogue social et à la négociation collective.

Un projet d’ordonnance à l'agenda social

Suite à la remise de ce rapport, le gouvernement indique « vouloir renforcer par ordonnance le dialogue social au sein des trois versants de la fonction publique ». Cette innovation structurera les étapes futures de la négociation, en termes de conception, d’organisation et de mise en œuvre au sein de l’administration. L’acculturation des parties prenantes sera également nécessaire à la transformation du dialogue social et devra être accompagnée par des mesures opérationnelles.

Le gouvernement veut inscrire, courant juin, à l’agenda social, le projet d’ordonnance relatif à la négociation collective afin d’élaborer un texte puis de le présenter rapidement au Conseil commun de la fonction publique (CCFP). « Notre objectif est de construire des solutions innovantes et adaptées aux enjeux majeurs et sans cesse évolutifs des services publics dans chaque territoire », a déclaré Olivier Dussopt. Même si un projet d’ordonnance figure en annexe du rapport qui lui a été remis, ce texte risque de mettre un peu de temps pour aboutir.

Satisfaction du SNDGCT

Parmi les réactions, le Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT) « se félicite du contenu du rapport remis ». Reçu par la mission le 11 mars, il lui avait présenté 14 mesures pour « un dialogue social revisité et vivifié en collectivité ». Satisfait de les voir en grande partie reprises, le SNDGCT estime ainsi que « le rapport porte la vision d’un dialogue social sincère, éloigné des postures, qui doit permettre de faire face aux défis de la transformation de la fonction publique ». Saluant le fait de donner une valeur légale aux accords signés, la future ordonnance sera donc, selon lui, « porteuse d’une innovation majeure dans la gestion des collectivités ». Par ailleurs, il approuve la promotion du principe de favoriser les accords de méthode, « gage et signe d’un dialogue social apaisé et constructif ».

Si le SNDGCT est satisfait que soit reconnue la capacité des employeurs territoriaux à conclure des accords nationaux, il regrette que « cela ne se traduise pas encore par une préconisation pourtant nécessaire ». Autre regret : le retard pris par la mission et le calendrier de l’ordonnance, à cause de l’état d’urgence sanitaire. « Les collectivités ne pourront pas disposer des outils nécessaires pour sa mise en application dans les délais imposés qui n’ont pas été reportés, estime le SNDGCT. Une réflexion complémentaire avec les organisations syndicales sur l’opportunité du recours à la technique, intermédiaire, de l’accord "minoritaire sauf opposition majoritaire", pourrait être une piste intéressante à conduire ».

Parmi les réactions des organisations syndicales au rapport remis au gouvernement, la CFDT évoque « un pas important mais qui reste à concrétiser pour poursuivre ce qui avait été initié en 2008 par les accords de Bercy ». Selon ce syndicat, il faudra « identifier et renforcer l’ensemble des acteurs - y compris représentant les employeurs -, notamment en engageant une réflexion sur la mesure de la représentativité syndicale et la composition des instances représentatives ».

P.P.-S.

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