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Second tour des municipales : ce sera (enfin) le 28 juin

Philippe Pottiée-Sperry
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« Après avoir pesé le pour et le contre, nous pensons que la vie démocratique doit reprendre tous ses droits ». Fin du suspense ! C’est par ses termes que le Premier ministre a annoncé, le 22 mai, que le second tour des municipales se tiendra finalement le 28 juin.

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Tout en précisant : « si les conditions sanitaires le permettent ». En clair, une décision réversible » avec une clause de revoyure d’ici deux semaines et un nouveau rapport du conseil scientifique présenté mi-juin. Edouard Philippe reconnaît qu’il ne s’agira pas d’« un second tour comme avant » car « nous avons la double responsabilité d’assurer à la fois la sécurité de ceux qui participent au processus électoral et la sincérité du scrutin ».

Concertation avec les maires et les partis

En pratique, un décret sera présenté au conseil des ministres du 27 mai pour permettra la tenue du scrutin. De plus, un projet de loi, présenté à « titre conservatoire », permettra son report jusqu’en janvier si jamais la situation sanitaire ne permettait pas l’organisation du second tour fin juin. Le scrutin se tiendra dans 4922 communes, dont l’essentiel des grandes villes, ce qui représente environ 16,5 millions d’électeurs. Cela concernera aussi 1100 intercommunalités dont les conseils communautaires ne sont pas totalement renouvelés. Des institutions locales « qui seront aux avant-postes de la reprise », a tenu à préciser Edouard Philippe.

Le 27 mai également, le ministre de l’Intérieur ministre engagera une concertation avec les associations de maires pour « organiser en toute sécurité les opérations électorales », mais aussi avec les partis politiques pour « adapter la campagne à la situation sanitaire ». « La sincérité du scrutin est une condition sine qua non du bon fonctionnement de la démocratie », insiste le Premier ministre en admettant la possibilité de faire évoluer certaines règles électorales.

« Faire campagne différemment »

Il a rappelé l’avis du conseil scientifique qui conditionne le scrutin à une « modification profonde de l’organisation de la campagne électorale ». Et d’ajouter : « La campagne aura moins d’intensité, à cause du cadre sanitaire, mais elle sera beaucoup plus longue. Je fais confiance à l’inventivité des tous les candidats pour faire passer leurs idées dans le respect des conditions sanitaires. »

« Il faudra faire campagne différemment en respectant toutes les précautions sanitaires », a précisé Christophe Castaner. Parmi les premières pistes avancées : la possibilité de faire des professions de foi plus longues, la simplification au maximum du cadre légal des procurations. Autre précision importante : à la différence du premier tour, le masque sera obligatoire. Pour les électeurs, il pourra s'agir d'un masque "grand public" alors que les membres du bureau devront porter un masque chirurgical. « La fourniture du gel et des masques sera assurée par les communes avec le soutien plein et entier de l’Etat », a indiqué Christophe Castaner.

Satisfaction de l’AMF

Parmi les premières réactions à la décision du gouvernement, l’AMF a estimé qu’elle « permet de terminer le cycle électoral municipal afin que les communes et leurs intercommunalités puissent prendre tout leur part à la relance de l'activité économique de notre pays dans des conditions de légitimité et de stabilité incontestables ». Ajoutant qu’avec la sortie du déconfinement, « il est normal que la vie démocratique reprenne son cours », l’AMF affirme se tenir « à la disposition du gouvernement dans le cadre de la concertation qu'il a annoncée ». Sur la même position, Jean-Luc Moudenc, le président de France urbaine, affirme que le choix fait « conforte la vie démocratique et permettra aux collectivités de participer pleinement à la relance de l’économie, et donc à la préservation de l’emploi. »

Pragmatique, Agnès Le Brun, maire de Morlaix et vice-présidente de l’AMF, estime dans une interview à 20 Minutes que « l’organisation d’un second tour le 28 juin nous semble être la moins pire des solutions ». Selon elle, « il faut sortir de ce no man’s démocratique et reprendre les investissements publics qui servent l’économie locale ». Rassurante, elle estime que les mesures barrières mis en place pour l’organisation du premier tour « ont plutôt bien fonctionné si on en juge par l’étude menée par des épidémiologistes et des statisticiens ». Même discours pour Jean-Luc Moudenc : « tout le monde a désormais la culture de la protection contre le Covid-19, ce qui n’était pas le cas en mars ». Selon lui, « les mairies n’auront aucune difficulté à installer des dispositifs de protection sanitaire renforcés et efficaces ».

Vote électronique et vote par correspondance écartés

Dans une interview au Parisien du 24 mai, le ministre de l'Intérieur confirme un recours facilité aux procurations, en élargissant le nombre de personnes habilitées à établir ces procurations. Les directeurs d'Ehpad pourraient par exemple recueillir ces procurations dans leur établissement, comme cela avait été prévu au premier tour. En outre, Christophe Castaner n'exclut pas une dérogation au Code électoral qui permettrait à une personne de détenir non plus une, mais plusieurs procurations. « C'est une piste que le gouvernement est prêt à étudier », indique-t-il. D'autres outils, comme le vote électronique et le vote par correspondance, sont en revanche écartés, rappelle le ministre.

Sur le vote par correspondance, de nombreux élus continuent néanmoins de demander sa remise en place. Il a été supprimé en 1975 en raison des nombreuses fraudes qu’il générait. Ainsi, Laurent Hénart, maire de Nancy et président du Mouvement radical, a publié une tribune dans le JDD du 24 mai, pour demander la possibilité de l’expérimenter dans les communes volontaires le 28 juin. Une solution, selon lui, pour lutter contre « la perspective d’une abstention massive qui se profile ». Pour rappel, elle a été de près de 20 points supérieure, le 15 mars, au premier tour du scrutin des municipales de 2014 (55,34%, contre 36,45%). Selon Laurent Hénart, « pour éviter un nouveau fiasco qui entacherait la légitimité des maires et celle de l’Etat, nous appelons le gouvernement à prendre des mesures pour adapter notre vie démocratique au Covid-19 ». Pour le maire de Nancy, le vote par correspondance permettrait de « favoriser la participation du plus grand nombre ». A noter que d’autres élus comme François Bayrou sont sur la même position.

Frais de campagne : +20% pour le plafond de remboursement

Si l'exécutif évoque « une campagne numérique » pour éviter le brassage des populations, Christophe Castaner ne ferme pas la porte pour autant à la possibilité d'organiser des réunions publiques durant la campagne. « Nous en parlerons avec les associations d'élus et les partis politiques, mais s'ils le jugent indispensable et s'engagent à observer une organisation stricte pour respecter en particulier les mesures de distanciation physique, on peut imaginer que ce sera possible », explique-t-il. En raison de ce scrutin très spécial, qui rallonge considérablement la période de campagne de l'entre-deux tours (plus d'un mois, contre jusque quelques jours en temps normal), Christophe Castaner indique aussi que le plafond de remboursement des frais de campagne serait exceptionnellement augmenté de 20% pour les candidats.

Sur l’organisation de la campagne, Agnès Le Brun reconnait que cela « va nous obliger à inventer de nouveaux formats ». « La campagne devrait passer davantage par l’écrit, estime-t-elle. On peut imaginer des professions de foi plus longues, plus explicatives, mais aussi davantage de débats dans les médias ». De plus, elle juge le délai plus long de la campagne comme « une compensation » qui « va permettre aux candidats d’expliquer davantage leurs projets ».

Préconisations de France urbaine

Avant même le démarrage des concertations avec Christophe Castaner, France urbaine a déjà formulé plusieurs propositions pour faciliter le vote par procuration comme l’assouplissement de leurs conditions d’établissement, en supprimant l’obligation pour le mandant de donner un motif et l’obligation pour le mandataire d’être inscrit dans la même commune que le mandant. Ces améliorations, déjà votées dans la loi « Engagement et proximité », nécessitent un décret pour leur mise en œuvre. Elle suggère aussi de permettre la signature en ligne du formulaire de procuration. Autres propositions des élus urbains : désigner d’autres catégorie d’agents publics, sous le contrôle du juge, comme cela est déjà prévu pour les directeurs d’Ehad, afin de recueillir les demandes des personnes fragiles, malades ou isolées ; autoriser le mandataire à disposer de deux procurations établies en France, contre une seule actuellement ; rétablir le vote par correspondance pour ce scrutin.

Par ailleurs, le jour même de l’annonce d’Edouard Philippe, plusieurs sénateurs ont déposé une proposition de loi visant à simplifier les procurations et assurer la sécurité sanitaire des électeurs et des membres des bureaux de vote. « C’est le corollaire nécessaire à la décision du Premier ministre de tenir le second tour des municipales le 28 juin », estime Philippe Bas (LR), le président de la commission des lois du Sénat. Cosignée avec les présidents des groupes UC et LR, Hervé Marseille et Bruno Retailleau, la proposition de loi est circonscrite au seul second tour des municipales du 28 juin.

Absence de consensus politique

La tenue du second tour des municipales le 28 juin aura notamment pour conséquence la possibilité des élections sénatoriales en septembre, sachant que le collège électoral se compose à 95% de conseillers municipaux. Il n’empêche qu’un projet de loi organique sera présenté du 27 mai pour prolonger d’un an le mandat des 178 sénateurs concernés si jamais les conditions sanitaires obligeaient à nouveau le report des municipales.

Avant d’annoncer la décision de l’exécutif sur la date du second tour, Edouard Philippe avait réuni, le 20 mai, les partis politiques, précisant que le scrutin ne pourrait avoir lieu que fin juin ou en janvier 2021 (avec deux tours), l’hypothèse du mois de septembre devant être abandonnée. Explication : la trop grande proximité avec la rentrée scolaire et le calendrier législatif. Il serait en effet compliqué de suspendre les travaux parlementaires à un moment particulièrement chargé sur le registre budgétaire.

La réunion avec les patrons de partis a montré l’absence de consensus sur le sujet. Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI et député de Seine-Saint-Denis, s’est dit « totalement contre » la solution du mois de juin « car ce n’est pas responsable sanitairement et c’est aberrant démocratiquement ». Et de pointer l’impossibilité de pouvoir faire campagne, « alors que plus personne ne se souvient des propositions du premier tour », et la suspension à la date du 13 juin pour savoir si le scrutin pourra ou non se tenir. Jean-Christophe Lagarde craint une forte abstention et « l'insincérité du scrutin ». Sur la même position de rejet : le Rassemblement national, Debout la France ou La France insoumise (LFI). A l’opposé, tous les autres partis politiques présents à la réunion s’étaient prononcés pour l’organisation de l’élection le 28 juin. A l’instar des différentes associations de maires.

Philippe Pottiée-Sperry

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