Stéphane Beaudet, président de l’Amif, défend « un pacte de confiance Etat-collectivités »

Philippe Pottiée-Sperry
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Stéphane Beaudet, président de l’Amif (1) : « Il faut redéfinir un pacte de confiance Etat-collectivités »

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-A l’issue du grand débat, vous souhaitez un nouvel élan de décentralisation. Quelles en seraient les priorités ?

Il y a tout d’abord un besoin de clarification des compétences. Veut-on un acte de décentralisation de plus ou stopper la recentralisation rampante ressentie par les élus depuis plusieurs années ? Ces derniers temps, une série de décisions ont fait perdre du pouvoir aux maires dans leurs communes. A cela s’ajoute une perte d’autonomie financière et fiscale des collectivités, encore aggravée avec la contractualisation financière imposée aux élus. La disparition de la taxe d’habitation, même si j’y suis favorable pour des raisons de pouvoir d’achat, s’inscrit dans cette direction. Son remplacement s’effectuera par une recette d’Etat qui par nature ne sera pas très dynamique. Dans ce contexte, plutôt que de décentralisation, il faut redéfinir un pacte de confiance entre l’Etat et les collectivités, à négocier ensemble. Les communes doivent y avoir une place essentielle.

-Qu’entendez-vous par un pacte de confiance ?

Lors d’un voyage d’étude de l’Amif à Copenhague, nous avons vu une démarche très intéressante de contractualisation entre la ville et le gouvernement. Il ne s’agit pas d’un encadrement des dépenses mais de l’exercice de certaines compétences de l’Etat pour lesquelles il reverse à la ville une partie de l’impôt sur le revenu. Ce n’est qu’un exemple mais ça montre l’intérêt d’une contractualisation par la confiance et le projet que je trouve très intéressante. Le pacte de confiance que je souhaite semble d’autant plus une bonne solution pour répondre en partie à la profonde crise que traverse notre pays. Ce pacte devrait également s’adapter à la grande diversité des territoires. Par exemple, la réponse ne peut pas être la même dans une commune comme la mienne, avec 52% de logements sociaux, ou à Menton. La solution passera aussi peut-être par le droit à la différenciation territoriale.

-Qu’attendez-vous des annonces que doit faire le président de la République ?

C’est vrai que depuis le début de cette crise, l’Etat s’est retourné vers les maires pour retisser des liens avec nos concitoyens. J’espère que cet appel aux maires constitue une vraie prise en conscience quand on se souvient à quel point nous avons été mal traités et vilipendés au début de ce quinquennat, en allant jusqu’à nous traiter de clientélistes. Mais ce comportement vis-à-vis des collectivités, considérées comme trop dépensières, n’est ni une nouveauté, ni une spécificité de ce gouvernement. J’entends ce discours depuis mon élection en 2001 avec des critiques systématiques, toujours à gros traits. Nous nous faisons notamment dézinguer régulièrement par la Cour et les chambres régionales des comptes. La crise des « gilets jaunes » et le grand débat auront eu le mérite de nous remettre au centre du paysage. Avec notamment une forte attente exprimée pour renforcer le pouvoir local et la place de la commune. Cela s’observe aussi en Ile-de-France comme l’ont montré les résultats des cahiers de doléances, démarche initiée par l’Amif dès le début décembre. Le mouvement des « gilets jaunes » n’existe pas dans les banlieues car la politique de la ville a généré un tissu associatif sur le terrain. C’est très intéressant. Mais cela n’a pas empêché au grand débat de se tenir tout autant dans les banlieues.

-Cela fait des mois que des annonces institutionnelles sont attendues sur la métropole du Grand Paris. Le regrettez-vous ?

Sur ce sujet, les lois Maptam et NOTRe ne sont pas satisfaisantes. Il faut tout remettre sur la table avec un nouveau projet de loi. Mais cela sera très difficile avec les trois élections locales à venir. Cela complique beaucoup les choses. Nous devons continuer d’être revendicatif tout en restant lucide sur le calendrier politique. C’est dommage que des décisions n’aient pas été prises plus tôt. Le rapport de Roland Castro, commandé par le président de la République, est intéressant mais sans limites. Il y a des propositions pertinentes, voire parfois géniales, mais d’autres apparaissent totalement impossibles à mettre en œuvre. Ce rapport met aussi en avant la culture du projet qui constitue la bonne solution. C’est la même chose pour le grand débat dont la réponse pour en sortir par le haut doit justement passer par cette culture du projet.
Propos recueillis par Philippe Pottiée-Sperry
(1) Stéphane Beaudet est président de l’Association des maires d’Ile-de-France (Amif), maire d’Evry-Courcouronnes (Essonne) et vice-président chargé des transports de la région Ile-de-France.
Philippe Pottiée-Sperry
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