L’amélioration de la protection des lanceurs d’alerte
Entrées en vigueur le 1er septembre dernier, deux lois du 21 mars 2022 (1) améliorent la protection des lanceurs d’alerte (2). Le rôle du Défenseur des droits est notamment renforcé en matière de signalement d’alerte.
Fiche juridique réalisée par Agathe Delescluse, avocate au Cabinet Seban & Associé
Quelle est la nouvelle définition d’un lanceur d’alerte ?
Un lanceur d'alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l'intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d'une violation d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, du droit de l'Union européenne, de la loi ou du règlement. Lorsque les informations n'ont pas été obtenues dans le cadre des activités professionnelles, le lanceur d'alerte doit en avoir eu personnellement connaissance.
En quoi élargit-elle la notion du lanceur d’alerte ?
Du point de vue de l’auteur du signalement, l’absence de contrepartie financière vient remplacer la notion de désintéressement initialement retenue et qui était à la fois plus large et floue. En outre, auparavant, le lanceur d’alerte devait dans tous les cas avoir eu personnellement connaissance des faits. Désormais, ce sera le cas seulement lorsque les informations n’auront pas été obtenues dans le cadre professionnel.
Du point de vue du champ de l’alerte, dans l’état antérieur du droit, la menace ou le préjudice pour l’intérêt général devaient être graves et la violation du droit devait être grave et manifeste. De plus, la tentative de dissimulation de cette violation n’était pas comprise dans la définition et la référence au droit de l’Union européenne a été ajoutée.
Qu’est-ce qu’un facilitateur et en quoi est-il protégé ?
Un facilitateur est toute personne physique ou toute personne morale de droit privé à but non lucratif qui aide un lanceur d'alerte à effectuer un signalement ou une divulgation dans le respect de la loi. Désormais, cette catégorie de personnes bénéficie d’une protection légale.
Plus précisément, les facilitateurs bénéficient, de la même manière que les lanceurs d’alerte, de la protection contre les mesures de représailles prises à leur encontre (illégalité de ces mesures, inversion de la charge de la preuve en cas de contentieux contre une telle mesure, possibilité de demander une provision pour frais de l’instance et l’abondement du compte personnel de formation, possibilité de recourir au référé prud’homal), de l’exonération de responsabilité civile à raison du signalement ou de la divulgation, de l’exonération de responsabilité pénale en cas d’atteinte portée à un secret protégé par la loi ou de soustraction, détournement ou recel de documents ou tout autre support contenant les informations dont il a eu connaissance de manière licite, de la procédure d’amende civile en cas de recours abusif ou dilatoire à leur encontre.
Qu’est-ce qu’une mesure de représailles ?
Une mesure de représailles est une mesure prise à l’encontre du lanceur d’alerte ou du facilitateur du fait du signalement opéré.
Le législateur en a dressé une liste non exhaustive qui comprend :
- la suspension, la mise à pied, le licenciement ou les mesures équivalentes ;
- la rétrogradation ou le refus de promotion ;
- le transfert de fonctions, le changement de lieu de travail, la réduction de salaire, la modification des horaires de travail ;
- la suspension de la formation ;
- l’évaluation de performance ou l’attestation de travail négative ;
- les mesures disciplinaires imposées ou administrées, la réprimande ou autre sanction, y compris une sanction financière ;
- la coercition, l’intimidation, le harcèlement ou l’ostracisme ;
- la discrimination, le traitement désavantageux ou injuste ;
- la non-conversion d'un contrat de travail à durée déterminée ou d'un contrat temporaire en un contrat permanent, lorsque le travailleur pouvait légitimement espérer se voir offrir un emploi permanent ;
- le non-renouvellement ou la résiliation anticipée d'un contrat de travail à durée déterminée ou d'un contrat temporaire ;
- tout préjudice, y compris les atteintes à la réputation de la personne, en particulier sur un service de communication au public en ligne, ou pertes financières, y compris la perte d'activité et la perte de revenu ;
- la mise sur liste noire sur la base d'un accord formel ou informel à l'échelle sectorielle ou de la branche d'activité, pouvant impliquer que la personne ne trouvera pas d'emploi à l'avenir dans le secteur ou la branche d'activité ;
- la résiliation anticipée ou l’annulation d'un contrat pour des biens ou des services ; l’annulation d'une licence ou d'un permis ;
- l’orientation abusive vers un traitement psychiatrique ou médical.
Quelle est la portée de l’exigence de confidentialité de l’identité du lanceur d’alerte ?
L’exigence de confidentialité a été étendue puisqu’elle s’applique non seulement à la procédure de recueil mais aussi, désormais, au traitement de l’alerte. En outre, les éléments de nature à identifier le lanceur d’alerte ne peuvent être divulgués qu’avec le consentement de celui-ci. Ils peuvent toutefois être communiqués à l’autorité judiciaire, dans le cas où les personnes chargées du recueil ou du traitement des signalements sont tenues de dénoncer les faits à celle-ci.
Quelle est l’étendue de la protection du lanceur d’alerte sur le plan de la responsabilité civile et pénale ?
Les personnes ayant signalé ou divulgué publiquement des informations dans le respect de la loi ne sont pas civilement responsables des dommages causés du fait de leur signalement ou de leur divulgation publique dès lors qu’elles avaient des motifs raisonnables de croire, lorsqu’elles y ont procédé, que le signalement ou la divulgation publique de l’intégralité de ces informations était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause.
L’irresponsabilité pénale du lanceur d’alerte a, elle, été étendue aux cas de soustraction, détournement ou recel de documents ou autre support contenant des informations dont il a eu connaissance de manière licite et qu’il signale ou divulgue.
D’autres mesures de protection ont-elles été instituées ?
Oui. Le législateur a également prévu des mesures de soutien psychologique ainsi qu’un secours financier temporaire si la situation financière du lanceur d’alerte s'est gravement dégradée en raison du signalement.
En quoi la procédure de signalement a-t-elle été simplifiée ?
Initialement, le signalement devait d’abord être effectué en interne. En l'absence de diligences de la personne destinataire de l'alerte dans un délai raisonnable, un signalement externe pouvait ensuite être effectué auprès de l'autorité judiciaire, de l'autorité administrative ou des ordres professionnels. En dernier ressort, à défaut de traitement par l'un de ces organismes dans un délai de trois mois, ou en cas d’urgence, le signalement pouvait être rendu public.
La procédure a été simplifiée puisque le lanceur d’alerte peut à présent effectuer directement un signalement externe, lequel peut désormais être reçu par de nouvelles entités comme le Défenseur des droits par exemple.
L’alerte publique peut être mise en œuvre en l’absence de traitement à la suite d’un signalement externe dans un certain délai, en cas de risque de représailles ou si le signalement n’a aucune chance d’aboutir, en cas de « danger grave et imminent » ou, pour les informations obtenues dans un cadre professionnel, en cas de « danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général ».
Quel est le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement et d’alerte ?
Le Défenseur des droits peut informer, conseiller et défendre les lanceurs d’alerte et facilitateurs, ainsi que recueillir et traiter les signalements qui entrent dans son champ de compétences. Un nouvel adjoint au Défenseur des droits est chargé de ces nouvelles missions.
(1) Loi organique n° 2022-400 du 21 mars 2022 visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte et loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte.
(2) C’est principalement la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique qui a été modifiée.