Recrutement des cadres dirigeants, un véritable casse-tête pour les collectivités
Claus Habfast, président de Grenoble Habitat et conseiller municipal à la Ville de Grenoble, et Sylvie Nouvel, directrice générale de SCET GE, partagent leur analyse des enjeux du recrutement dans les secteurs public et parapublic. Entre raréfaction des talents, montée des compétences et limites des outils de recrutement, trouver la perle rare relève souvent du miracle.
Le recrutement dans le secteur public et parapublic est aujourd’hui confronté à de nombreux défis, liés à la fois aux spécificités des métiers et aux transformations rapides des besoins territoriaux. Claus Habfast souligne la complexité de recruter des dirigeants dans des structures parapubliques telles que les offices de tourisme, les bailleurs sociaux ou les palais des congrès. « Dans ces structures, les présidents n’ont souvent pas les outils nécessaires pour recruter un directeur général ou un cadre dirigeant », explique-t-il. Contrairement aux grandes collectivités comme Grenoble, qui disposent de services RH solides et structurés, ces entités plus modestes doivent souvent se tourner vers des cabinets de recrutement externes.
Le défi est d’autant plus grand que ces postes exigent des compétences très spécifiques et une expérience solide dans des secteurs bien définis. Trouver la personne adéquate nécessite une combinaison de savoir-faire, de rapidité d’action et d’une connaissance fine des bassins de candidats disponibles.
Des profils rares et des attentes en mutation
Sylvie Nouvel élargit la perspective en évoquant le manque généralisé de compétences qualifiées dans le public et le parapublic. Selon elle, les projets locaux et territoriaux sont souvent freinés par l’absence de talents pour les piloter, même lorsque les financements sont disponibles. « Ce n’est pas une question de budget, mais de difficulté à recruter les bons profils, notamment dans les métiers techniques et les fonctions dirigeantes », précise-t-elle.
Elle pointe également le défi pour les petites collectivités de rivaliser avec les grandes villes ou les secteurs privés en termes de salaires, d’opportunités de carrière ou de qualité de vie professionnelle. « Pour attirer et fidéliser des talents, il faut intégrer des enjeux de responsabilité sociétale et environnementale dans la culture de l’entreprise, offrir de la flexibilité et favoriser l’innovation. »
La montée en compétences comme solution clé
Face à ces difficultés, la formation continue des collaborateurs en poste apparaît comme une solution essentielle. Claus Habfast met en avant les efforts réalisés par des structures comme Grenoble Habitat pour promouvoir la formation et la montée en compétences, notamment en favorisant la promotion interne. « Cela fonctionne bien dans de grandes structures où les opportunités sont multiples, mais reste difficile dans les petites organisations avec des effectifs restreints », reconnaît-il. Sylvie Nouvel partage cette vision, en insistant sur l’importance de programmes adaptés aux nouveaux défis des territoires : sobriété foncière, décarbonisation, technologies vertes ou production d’énergie renouvelable. « Former les collaborateurs tout au long de leur carrière est indispensable pour maintenir leur qualification et répondre aux attentes des projets locaux. »
Des outils de recrutement inégalement maîtrisés
Les outils numériques, notamment LinkedIn, jouent un rôle croissant dans le recrutement. Toutefois, comme le souligne Claus Habfast, leur utilisation reste limitée dans les petites collectivités ou structures publiques locales, qui manquent de moyens humains et financiers pour les exploiter efficacement.
Sylvie Nouvel confirme cette tendance, en expliquant que les candidatures les plus pertinentes proviennent souvent des réseaux sociaux professionnels. « Les petites collectivités doivent être accompagnées pour mieux maîtriser ces outils, qui sont devenus indispensables dans les processus de recrutement. »
Répondre aux besoins locaux avec des approches innovantes
En conclusion, les deux experts appellent à une adaptation des stratégies de recrutement pour répondre aux spécificités locales. Cela passe par des partenariats renforcés entre collectivités, universités et entreprises pour développer des filières de formation adaptées, mais aussi par une réflexion sur l’attractivité des territoires.
« Attirer et fidéliser des talents dans des contextes de raréfaction des compétences exige de repenser les modèles actuels, en valorisant les atouts locaux et en innovant dans les pratiques de gestion des ressources humaines », résume Sylvie Nouvel.