« Une campagne à rebours »

Philippe Pottiée-Sperry
Image
image

A l’approche des élections municipales des 15 et 22 mars, entretien avec Vincent Aubelle, professeur associé des universités en droit public - Ecole d’urbanisme de Paris - Université Gustave Eiffel. Entretien à retrouver aussi dans le dernier numéro de Zepros Territorial

Partager sur

-Par rapport à novembre 2018, le nombre de maires sortants voulant se représenter a bondi. Un phénomène classique ou les suites de la crise des gilets jaunes ?

L’analyse du nombre de maires se représentant mériterait d’être étendue aux conseillers municipaux pour appréhender avec justesse l’état de la vitalité de l’engagement. Par ailleurs, la décentralisation a été introduite pour favoriser une nouvelle citoyenneté. Ceci nécessite que la démocratie locale puisse se fonder sur une lutte électorale : le nombre de listes en présence dans chacun des scrutins municipaux devra être pris en compte. Il ne faudrait donc pas se réjouir trop vite

-La nouvelle loi "Engagement et Proximité" remotive-t-elle les élus des petites communes ?

Cela se saurait depuis longtemps si une loi était à même de susciter l’envie et le désir d’exercer une fonction élective. N’en déplaise au promoteur de ce texte, ce ne sont pas les petites réponses apportées qui modifieront quoi que ce soit dans les ressorts intimes qui fondent l’engagement.

-La campagne de 2020 se différencie-t-elle des précédents scrutins ?

Répondre avec justesse à cette question nécessite d’opérer un retour sur les invariants des campagnes électorales. Le manuel que Quintus publia en 64 avant J.C. à l’attention de son frère Cicéron les recense. Dans une campagne écrit-il, la méthode importe plus que le programme : flatter les électeurs, être attentif à sa réputation, quadriller le territoire, laisser espérer sans rien promettre en constituent les principes. Le scrutin de 2020 n’y dérogera pas. Au-delà, l’un des enjeux de cette campagne à rebours des précédentes consistera à examiner les conséquences du délitement des partis au regard de la formation des équipes municipales élues.

-La crise démocratique actuelle doit-elle modifier les programmes en matière de concertation ?

Avant de répondre à cette question, reconnaissons que le taux d’abstention n’a jamais été aussi élevé qu’en 2014 et que les colères grondent. La participation n’est pas une panacée, même s’il existe de toute évidence une demande. Car, la notion de programme qui organisait jusqu’ici les scrutins municipaux a perdu de son évidence dans un monde plus incertain. La démocratie participative ne doit pas viser à instaurer une dictature de ceux qui ont le temps. Par ailleurs, elle ne peut se résumer à une procédure et doit contenir une visée substantielle. Le droit d’interpellation, sous réserve de réunir un nombre de signatures suffisant, ou la constitution d’un jury populaire pour des grands projets sont des voies méritant d’être explorées.

-Le rôle des intercommunalités reste-il un thème ignoré de la campagne ?

Hormis le cas de Lyon, l’élection des représentants au sein des structures intercommunales s’effectue au niveau de la commune. Leur municipalisation a donc encore de beaux jours devant elle !

Propos recueillis par Philippe Pottiée-Sperry

 

 

Philippe Pottiée-Sperry
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire