La démission du maire de Saint-Brevin sera-t-elle un électrochoc ?

Philippe Pottiée-Sperry
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Démission du maire de Saint-Brevin

Après des menaces, allant jusqu’à l’incendie de son domicile, Yannick Morez a décidé de jeter l’éponge. L’émotion est générale et remet sur le devant de la scène le sujet des agressions d’élus locaux et de leurs démissions. Le gouvernement va mettre en place, le 17 mai, une cellule d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus locaux.

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Une onde de choc au sein de la classe politique et un soutien unanime, relayé au Parlement comme dans l’exécutif. Les réactions sont très nombreuses après l’annonce de la démission, le 10 mai, du maire de Saint-Brevin-les-Pins (14 000 habitants, Loire-Atlantique). 
« J’ai pris cette décision pour des raisons personnelles, notamment suite à l’incendie criminel perpétré à mon domicile et au manque de soutien de l’Etat, et après une longue réflexion menée avec ma famille », explique Yannick Morez sur la page Facebook de la ville. Cet incendie, le 22 mars, avait détruit ses deux voitures et endommagé une partie de sa maison. L’élu a même décidé de quitter la ville où il habite depuis trente ans. 
Rappel des faits : le projet de déplacer près d’une école élémentaire le centre d’accueil de demandeurs d’asile (Cada) local, demande de la préfecture, suscite depuis des mois de fortes tensions et plusieurs manifestations organisées à l’appel de l’extrême droite. L’ouverture du Cada en 2016, accueillant 400 demandeurs d’asile, n’a pas suscité le moindre problème en sept ans, souligne le maire de Saint-Brevin. 

Yannick Morez reçu à Matignon et au Sénat
Dans un tweet, Emmanuel Macron a dénoncé des « attaques indignes » contre l’élu en l’assurant de sa « solidarité ». Egalement sur Twitter, Gérard Larcher, le président du Sénat, a jugé « inacceptable que la violence fasse reculer la République ». Pour sa part, la Première ministre s’est dit « choquée » et en réponse au regret du « manque de soutien de l’Etat » dans cette affaire, elle a exprimé sa volonté de « mieux protéger les maires » et d’« intervenir plus tôt pour repérer leurs difficultés et mieux les accompagner face à des violences dont ils peuvent être victimes ». 
Elisabeth Borne a aussi invité Yannick Morez à la rencontrer, à Matignon, le 17 mai. Le même jour, le maire démissionnaire de Saint-Brevin-les-Pins sera reçu au Sénat. « La commission des lois du Sénat a souhaité l’auditionner afin qu’il porte devant la représentation nationale son témoignage de maire confronté à des agressions inacceptables liées à l’exercice de son mandat », indique-t-elle dans un communiqué.

Indignation des associations d’élus
Se déclarant totalement solidaires du maire de Saint-Brevin, les associations d’élus locaux demandent à l’Etat de renforcer la protection des maires. Selon l’AMF, cette démission « met en lumière la multiplication des violences, physiques et morales, subies de façon croissante par les maires : des agressions physiques aux menaces, au harcèlement et au dénigrement sur les réseaux sociaux comme dans leur vie privée ou professionnelle ». Le nombre des violences verbales et physiques subies par les élus est passé de 1720 en 2021 à 2265 en 2022, soit une hausse de près d’un tiers en un an, indique le ministère de l’Intérieur.
Sur BFMTV, le 11 mai, David Lisnard, président de l’AMF, a alerté sur « un niveau record de démission des maires, adjoints et conseillers municipaux depuis dix ans ». Tout en reconnaissant que l’affaire de Saint-Brevin constitue « un cas particulier », avec des attaques politiques de l’extrême droite, il fustige « l’incapacité de l’Etat à assumer ses responsabilités ». Au-delà, il dénonce « des pressions quotidiennes sur les maires dans un contexte global de crise de la démocratie ». Et de s’inquiéter d’une « crise civique majeure ». 

« Une justice qui sanctionne réellement »
Dans un communiqué du 13 mai, l’AMF interpelle le gouvernement en demandant que les maires soient « considérés avec équité par une justice qui sanctionne réellement ceux qui les menacent et les agressent ». Et d’ajouter : « ils ne demandent aucun traitement de faveur pour eux-mêmes, mais appellent à la responsabilité de tous, exécutif, Parlement, autorité judiciaire et citoyens, pour inverser cette tendance et retrouver des conditions d’exercice des mandats municipaux conformes aux principes démocratiques qui sont ceux de notre pays ». 
Pour sa part, l’APVF (Association des petites villes de France) demande une nouvelle fois au gouvernement « de mobiliser les parquets et de s’assurer qu’une enquête systématique effective et approfondie est menée dans tous les cas où une plainte est déposée par un élu pour des faits subis dans l’exercice de ses fonctions ». Elle regrette « que, malgré deux circulaires dans ce sens, l’action publique n’est pas toujours engagée avec la célérité et l’ampleur requises ».
De son côté, l’AMRF (Association des maires ruraux de France) a réaffirmé sa demande d’un renforcement du statut de l’élu « qui protège et responsabilise l’élu communal », en regrettant qu’elle soit « sans réponse des pouvoirs publics depuis des années ».

Création d’une cellule d’analyse et de lutte
Evoquée mi-mars par la ministre déléguée aux Collectivités et à la Ruralité, Dominique Faure, la création d’une « cellule d’analyse et de lutte spécifiquement dédiée à la lutte contre les atteintes aux élus » sera mise en place le 17 mai. Elle sera installée par Dominique Faure avec le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. 
Objectif ? « Analyser, cartographier, comprendre. Après cela, on va pouvoir prendre des mesures de prévention », a répondu la ministre, le 13 mai, au micro de RMC. Il s’agira notamment de mieux coordonner la réponse de l’ensemble des acteurs concernés (police, justice, préfet) et d’assurer une protection renforcée par la police et la gendarmerie. A l’étude aussi l’alignement des sanctions pénales contre les agressions d’élus sur celles des personnels en uniforme (policiers, gendarmes, pompiers). 
Par ailleurs, Dominique Faure promet de continuer à travailler avec l’AMF pour créer « un choc civique », dès le plus jeune âge. Objectif affiché : « développer le respect de l’autorité et de la tolérance auprès des jeunes » mais aussi « faire comprendre aux Français qu’il est totalement inconcevable de s’en prendre à un élu ».

Philippe Pottiée-Sperry
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