Finances locales : la Cour des comptes prône un chamboule-tout

Philippe Pottiée-Sperry
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Rapport de la Cour des comptes sur le financement des collectivités

Le financement des collectivités repose sur « un système complexe et à bout de souffle ». Dressant ce constat, la Cour des comptes plaide en faveur d’une totale remise à plat. Le scénario proposé, combinant les différentes ressources en cherchant à concilier l’autonomie et la solidarité, ne fait pas l’unanimité chez les associations d’élus locaux.

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Dans son rapport publié, le 12 octobre, sur le système de financement des collectivités, la Cour des comptes le juge « à bout de souffle » et « fortement critiqué pour son manque de lisibilité et de prévisibilité ». Elle identifie les conditions d'une réforme devant passer par une gouvernance renouvelée et un nouveau pacte de confiance entre l’État et les collectivités. 
Son constat : la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales et la baisse des impôts de production ont profondément modifié le panier de recettes de tous les niveaux de collectivités, avec notamment une part croissante des impôts nationaux partagés avec l’État.

Trois options et un scénario de réforme
Dans ce contexte, et alors qu’une nouvelle loi de programmation des finances publiques devra tracer une trajectoire incluant les finances locales à partir de 2023, la Cour juge indispensable de se pencher sur les évolutions possibles des modalités de financement des collectivités. 
Présent devant les sénateurs, le 12 octobre, son premier président, Pierre Moscovici, a détaillé trois options : « soit un financement renforcé par les ressources locales, soit par la fiscalité nationale partagée, soit par les dotations et subventions. A partir de ces options, la Cour a élaboré un scénario possible ». Constatant les limites du système actuel, il défend un « nouveau modèle [qui] doit faire l'objet d'une concertation structurée ». 

La nécessité d’une clarification
Bien que leur situation financière soit favorable, avec un excédent de 4,7 Md€ fin 2021 contrastant avec les autres administrations publiques, le système de financement des collectivités souffre d’un manque de lisibilité et de prévisibilité. La Cour des comptes constate ainsi un « financement peu compréhensible pour les responsables locaux et les contribuables, avec des inégalités qui se creusent entre certains territoires ». 
Les magistrats financiers plaident donc pour « une clarification ». Pour respecter le principe d’autonomie financière, ils défendent une part minimale de ressources propres par niveau de collectivités. Autre constat : la péréquation n’a pas d'objectifs clairement définis et reste trop peu développée au sein de chaque niveau de collectivités. De plus, les modalités de compensation des transferts de compétences ont conduit à « rigidifier et émietter les transferts de fiscalité, au risque d'altérer la lisibilité d'ensemble de la fiscalité nationale partagée », estime la Cour des comptes.
 
Avantages et inconvénients de chaque option

Elle a analysé trois options consistant à pousser au maximum chacun des trois pôles de ressources (fiscalité locale et redevances). Celles-ci représentent aujourd'hui la moitié des recettes des collectivités avec une part nettement plus importante pour le bloc communal (66% des recettes) que pour les départements (34%) et les régions. 
Cette option de renforcement des ressources locales répondrait bien au critère de territorialisation, mais exigerait une péréquation horizontale plus importante entre collectivités, souligne la Cour des comptes. 

Renforcer les dotations pour sécuriser les recettes 
S'agissant de la fiscalité nationale partagée, elle représente environ 21% des recettes des collectivités, avec trois principaux impôts : la TVA (37,4 Md€), la taxe intérieure de consommation des produits énergétiques (TICPE, pour 11 Md€) et la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA, pour 8,2 Md€). L’option répondrait bien aux critères d'équilibre et de solidarité, mais selon les magistrats financiers, « le critère de territorialisation implique une attention particulière à la définition concertée des règles et indicateurs de répartition pour tenir compte des caractéristiques socio-économiques des territoires ». 
Les dotations et les subventions représentent aujourd'hui 26% des ressources locales. La troisième option défend un renforcement des dotations pour sécuriser les recettes à un « niveau adapté aux dépenses ». Mais il ferait dépendre les collectivités des transferts financiers de l'État, reconnaît la Cour des comptes.

Concilier les objectifs d'autonomie et de solidarité
Compte tenu des limites des trois options proposées, une réforme du financement des collectivités devrait viser à combiner les différentes ressources en conciliant les objectifs d'autonomie et de solidarité. La Cour a ainsi élaboré un scénario de réforme avec une répartition par grandes strates de collectivités de la fiscalité et des concours de l’État. 
Dans le détail, il recentrerait la fiscalité locale sur le bloc communal pour plus d'autonomie et de responsabilité, mettrait en place un système plus solidaire de financement des départements pour leur permettre de faire face à leurs dépenses sociales et renforcerait le financement des régions par la fiscalité nationale économique.
 
Créer une autorité indépendante
Aucune réforme profonde du système de financement des collectivités ne sera possible sans un climat de confiance avec l'État et une concertation fondée sur un partage et une appropriation plus forte des données, rappellent les magistrats financiers. Cet impératif implique, selon eux, de créer une autorité indépendante, chargée d'organiser ce dialogue, ou de réformer l'actuel Comité des finances locales. 
Ce dialogue plus équilibré exige des outils partagés et des données de qualité, facilement accessibles sur les recettes et les dépenses. La Cour pose ici deux impératifs : la simplification et l'équilibre financier. Elle formule une série de recommandations pour accroître la lisibilité et la résilience du système de financement, clarifier les responsabilités sur les impôts locaux mais aussi simplifier le partage des impôts nationaux en tenant compte des réalités socio-économiques pour leur répartition entre collectivités.
 

Philippe Pottiée-Sperry
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