Congrès des maires : les gestes d’apaisement d’Elisabeth Borne

Philippe Pottiée-Sperry
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Congrès des maires : les gestes d’apaisement d’Elisabeth Borne

Retrait des sanctions dans le mécanisme de contrôle des dépenses, rappel des mesures pour faire face à la flambée des coûts de l’énergie, dérogations possibles au ZAN… La Première ministre a tenté de répondre aux inquiétudes des maires. « On a obtenu des choses », a reconnu David Lisnard, le président de l’AMF, qui reste néanmoins prudent.
 

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« J’ai entendu vos remarques. Notre intention n’est pas de maintenir un mécanisme de sanctions. Nous ne voulons pas de nouveaux contrats de Cahors, mais trouver un chemin avec les parlementaires et avec vous ». Sur ce sujet inflammable et hautement symbolique, la Première ministre a joué la carte de l’apaisement. Elisabeth Borne a ainsi annoncé, le 24 novembre, en clôture du congrès des maires, que le mécanisme de contrôle des dépenses des élus ne serait finalement pas assorti de sanctions. En reconnaissant que ce dispositif avait pu apparaître « comme vexatoire, voire inutile ».

« Une avancée considérable »
De quoi rassurer les maires ? Pas totalement. Tout en reconnaissant « une avancée considérable », David Lisnard, le président de l’AMF, a aussitôt ajouté que « ce n’est pas satisfaisant », au micro de Public Sénat, juste après le discours de la Première ministre. Et de pointer la petite phrase ajoutée après cette annonce : « il y aura une équivalence dans l’effort ». « Nous, on fait déjà des efforts, s’emporte le maire de Cannes. On vote des budgets à l’équilibre. Il est temps de sortir de cette fiction d’une problématique des comptes publics pour la France, par les collectivités ». 
Toujours sur Public Sénat, la sénatrice Françoise Gatel, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités, salue malgré tout le geste. « Qu’on renonce aux contrats de Cahors est une bonne chose. Il faut rappeler que les collectivités ne font qu’exercer une série de missions essentielles, pour le compte de l’Etat », souligne-t-elle. 
Parmi les premières réactions, France urbaine se réjouit des annonces de la Première ministre mais « sera attentive à leur traduction concrète ». Selon l’association des élus urbains, « c’est essentiel au moment où les contraintes climatiques et sociales vont plus que jamais guider l’action des élus locaux ». 

Dérogations possibles au ZAN
Autre geste du gouvernement sur un sujet très sensible pour les maires : des dérogations possibles au principe du ZAN (zéro artificialisation nette des sols). Déjà la veille, en recevant un millier de maires à l’Elysée, Emmanuel Macron avait promis de « territorialiser et différentier les objectifs ».
Affirmant « avoir entendu les maires », Elisabeth Borne a pris le même engagement. Tout d’abord, elle confirme que les projets d’envergure nationale, comme les lignes à grande vitesse ou les grands projets d’infrastructure, ne seront pas décomptés à l’échelle de chaque région mais à l’échelle nationale. La liste de ces grands projets doit être arrêtée au premier trimestre 2023. Ensuite, l’AMF sera associée à la préparation d’un décret relatif à la nomenclature de l’artificialisation afin « qu’il soit plus lisible et opérationnel ». Et de s’engager à rechercher un « équilibre entre développement de projets d’intérêts majeurs et sobriété foncière ». La Premier ministre promet aussi « une prise en compte spécifique » des communes rurales en leur permettant de construire, « en particulier lorsqu’elles ont peu construit par le passé ». 
Côté ingénierie, elle a confirmé la nouvelle enveloppe de 200 M€ de la Caisse des dépôts destinée à accompagner en particulier les communes rurales

Préserver le mécanisme d’évolution des bases fiscales
Défendant les mesures prises contre la flambée des prix de l’énergie (filet de sécurité élargi, amortisseur électricité), Elisabeth Borne chiffre ce soutien en faveur des collectivités à 2,5 Md€. Elle promet aussi de simplifier les aides, en baissant les seuils, pour rendre le filet de sécurité plus accessible, et en simplifiant les critères, « devenus trop nombreux et trop complexes ».
S’agissant de la compensation de la suppression de la CVAE par une part de TVA, elle dit avoir « entendu » les inquiétudes et promet une nouvelle fois que « la dynamique de la TVA sera répartie dès 2023 en tenant compte du développement de l’activité économique ». Et d’ajouter : « j’ai souhaité, à la demande de l’AMF et de plusieurs associations d’élus, préserver le mécanisme d’évolution des bases fiscales. Il permettra à vos recettes d’évoluer à hauteur de 7%, l’année prochaine, à taux inchangé ». Jouant la carte du dialogue, elle affirme que « nous établirons ensemble la clef des recettes supplémentaires ». En revanche, c’est toujours niet à la demande d’indexation de la DGF sur l’inflation. 

Bilan des lois « Maptam » et « Notre »
Sur le sujet de la décentralisation, la Première ministre propose tout d’abord pour un « bilan complet » des lois « Maptam » du 27 janvier 2014 et « Notre » du 7 août 2015. Mais aussi pour aller au bout de l’application de la loi « 3DS » du 21 février 2022. Pour la suite, elle énonce quatre principes en faveur d’une « vraie décentralisation » : « transférer des compétences, accorder des ressources dynamiques et adaptées, donner des capacités de différenciation, et enfin, assumer les responsabilités qui vont avec ».
Devant les maires, le 23 novembre, Emmanuel Macron a, pour sa part, indiqué que ce chantier de la décentralisation sera abordé « au premier semestre de l'année prochaine dans les travaux de conception collective et de réforme institutionnelle ». Mais après avoir tenu un discours pour le moins critique sur la décentralisation : « l'expérience montre qu’elle n'a jamais réglé aucun problème ». Que faut-il comprendre ? 

Ode au couple maire-préfet 
Sachant s’adapter à ses auditoires, la Première ministre affirme que « le développement des intercommunalités et des métropoles ne doit pas se faire au détriment des communes », alors qu’à Bordeaux, lors de la dernière convention d’Intercommunalités de France, début octobre, elle leur avait fait une vraie déclaration d’amour, suscitant même la colère de l’AMRF. Après y avoir défendu le couple président d’interco-préfet, elle a estimé devant l’AMF que « le couple maire-préfet est le fondement de l’action publique locale. C’est le maillon essentiel pour la réussite de nos politiques publiques dans les territoires ». Et de lancer, un brin lyrique, « quand il avance ensemble, le couple maire-préfet peut tout surmonter ». 

Philippe Pottiée-Sperry
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