Focus sur les résultats du premier tour de la présidentielle

Philippe Pottiée-Sperry
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Focus sur les résultats du premier tour de la présidentielle

Quelles sont les leçons du scrutin du 10 avril ? Une nette domination exercée par trois grands blocs, une abstention qui continue de progresser, la quasi disparition des deux anciens partis de gouvernement ou encore une fracture dans les résultats entre zones urbaines et rurales. 

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Selon les résultats définitifs fournis par le ministère de l’Intérieur, avec 27,84 % des suffrages exprimés, Emmanuel Macron (LREM) arrive en tête du premier tour de l’élection présidentielle du 10 avril, et devance Marine Le Pen (RN) qui obtient 23,15%. Tous deux progressent depuis le scrutin de 2017 où ils avaient obtenu respectivement 24,01% et 21,30% des voix au premier tour. Pour sa part, Jean-Luc Mélenchon arrive troisième du scrutin avec 21,95% des voix, lui aussi en progression. 
Trois gros blocs arrivent donc en tête, loin devant les suivants : Eric Zemmour (Reconquête) (7,07%), Valérie Pécresse (LR) (4,78%), Yannick Jadot (EELV) (4,63%), Jean Lassalle (Résistance) (3,13%), Fabien Roussel (PCF) (2,28%), Nicolas Dupont-Aignan (DLF) (2,06%), Anne Hidalgo (PS) (1,75%), les deux candidats trotskistes fermant la marche – Philippe Poutou (NPA) (0,77%) et Nathalie Arthaud (LO) (0,56%). Il faut également ajouter les résultats, comptabilisés séparément, des votes blancs et nuls qui représentent respectivement 1,14% et 0,5% des inscrits. 

Une abstention toujours en hausse
Avec 26,31%, le taux d’abstention est en forte progression pour ce scrutin sachant que le niveau de 2017 était déjà très élevé (22,23%). Près de 13 millions d'électeurs ont boudé les urnes. Il s’agit du chiffre le plus important depuis vingt ans, sachant que le premier tour de la présidentielle de 2002 avait connu 28,4% d’abstention mais qui s’expliquait par un contexte politique bien particulier. Par la suite, la participation remontera lors des scrutins de 2007 (abstention de 16,2% au premier tour) et de 2012 (20,5%). 
Le phénomène abstentionniste se traduit par de fortes disparités selon les régions et les départements. Il culmine en outre-mer en atteignant souvent plus de 50% et même jusqu’à 60% en Guyane. En métropole, c’est en Corse que le scrutin présidentiel a été le plus boudé avec pas moins de 37,29% d’abstention. Arrive juste après le département de la Seine-Saint-Denis (30,21%), suivi ensuite de la région des Hauts-de-France (26,98% et même 28,34% dans le département du Nord). Dans la ville de Roubaix, la participation ne cesse de dégringoler ces dernières années et atteint même 40,99% lors du premier tour du 10 avril. A l’opposé, la Bretagne demeure la région qui vote le plus avec une abstention limitée à 21,21%. A noter également certains départements d’Occitanie qui affichent des taux d'abstention les plus bas dans le pays : Gers (19,19%), Lot (19,50%), Lozère (19,53%), Haute-Garonne (19,71%).

« Ressentiment démocratique »
Le plan contre l’abstention, déployé par le gouvernement fin février, n’aura donc pas suffi. Il s’agissait notamment d’inciter le maximum de personnes à s'inscrire, en particulier chez les jeunes, avec une campagne uniquement diffusée sur les réseaux sociaux. Autre nouveauté numérique : l’ajout d’un QR Code sur chaque carte d'électeur pour découvrir toutes les informations pratiques sur le scrutin présidentiel. 
Dans le quotidien Libération, Stewart Chau, de l’institut de sondage Viavoice, explique cette nouvelle baisse de participation électorale par « une usure de l’opinion publique qui considère que l’offre politique ne répond pas à ses préoccupations, aux sujets qui les concernent vraiment ». A cette défiance s’ajoutent un contexte inédit avec la guerre en Ukraine mais aussi la crise sanitaire. « 54% des Français considèrent que la campagne n’a pas vraiment eu lieu, et 68% expriment de l’insatisfaction, souligne Stewart Chau. Une forme de ressentiment démocratique s’est créée, dont l’abstention n’est qu’une forme ». 

Quasi-disparition des deux partis de gouvernement
Parmi les leçons du scrutin : les trois blocs arrivés en tête sont très faiblement implantés dans les territoires et l’exercice des responsabilités locales. Autre fait saillant : la quasi-disparition des deux partis de gouvernement (LR et PS, un peu plus de 6,5% à eux deux !) qui ont été en place durant plusieurs dizaines d’années. Au total, pas moins de huit candidats n’ont pas atteint le seuil de 5% des voix au premier tour, nécessaire pour le remboursement de leurs frais de campagne. Une situation financière critique pour certains d’entre eux, Valérie Pécresse et Yannick Jadot ont ainsi lancé un appel aux dons. Certains partis politiques pourront-ils se relever de cette séquence électorale ? Chez Les Républicains, on peut citer la démission de Gilles Avérous (LR), maire de Châteauroux (Indre), de son poste de président du comité des maires LR après la tenue du bureau politique du parti, le 11 avril au matin. « J’ai refusé de voter la motion proposée qui n’appelait pas explicitement à voter pour le président Macron. Néanmoins, cette position fut adoptée par une large majorité des autres membres présents », indique l’élu dans un communiqué. Ne se reconnaissant pas dans « les tergiversions de [son] parti », il réitéré sa « volonté de saisir la main tendue par Emmanuel Macron, dans l’intérêt de la France ».
Pour sa part, avec 1,74%, Anne Hidalgo a obtenu le plus bas score jamais atteint par un candidat socialiste. Un effondrement qui hypothèque gravement l’avenir du PS avec, dans un premier temps, des fortes inquiétudes sur les élections législatives de juin prochain. A noter qu’Anne Hidalgo n’arrive qu’en septième position à Paris, dont elle est la maire, avec seulement 2,17% des voix. Pour sa part ; Valérie Pécresse n’atteint que 6,20% en Ile-de-France, région qu’elle préside. Et dans son département des Yvelines, elle dépasse à peine 8%.

Les meilleurs résultats d’Emmanuel Macron
Emmanuel Macron domine dans 11 861 communes (33,81% du total). Il réalise ses meilleurs scores dans le Grand Ouest avec notamment 36,4% dans la Mayenne, 35,64% en Vendée ou 35,6% dans le Maine-et-Loire. Le président-candidat arrive en tête en Bretagne, mais aussi dans les Pays de la Loire, le Centre Val de Loire et la Nouvelle Aquitaine. Il s'impose même en Normandie, contrairement au premier tour de 2017. En Ile-de-France, Emmanuel Macron connaît ses meilleurs scores dans les Hauts-de-Seine (37,11%) et à Paris (35,33%). En outre-mer, il arrive largement en tête en Nouvelle-Calédonie (40,51%), en Polynésie française (40,25%) ou à Wallis et Futuna (39,47%)

Les meilleurs résultats de Marine Le Pen
Pour sa part, Marine Le Pen arrive en tête dans 20 036 communes (57,12% du total) avec des places fortes situées dans le nord et l'est de la France. Dans les Hauts-de-France (33,35%), cette première place s’observe dans tous les départements dont l’Aisne (39,27 %) ou le Pas-de-Calais (38,68) où elle est députée. Elle est aussi en pole position dans la région Grand Est (29,54%) avec notamment 36,6% dans la Haute-Marne ou 36,02% dans les Ardennes. Par ailleurs, la candidate du RN confirme sa prééminence en région PACA (27,59%) en se trouvant en tête dans cinq des six départements. Elle enregistre aussi de bons résultats dans les Pyrénées-Orientales (32,7%) ou en Corse avec 28,58% des voix, soit plus de dix points devant Emmanuel Macron. 

Les meilleurs résultats de Jean-Luc Mélenchon
Le concernant, Jean-Luc Mélenchon réalise ses meilleures performances en outre-mer : Guadeloupe (56,2%), Martinique (53,1%), Guyane (50,6%) et à la Réunion (40,3%). En Occitanie, il domine à Toulouse (36,95%), six points devant Emmanuel Macron. Globalement, il booste ses résultats dans bon nombre de grandes villes comme à Marseille (22,62%) ou à Strasbourg (35,5%). 
Par ailleurs, le candidat LFI crée la surprise en Ile-de-France (30,24%) en devançant très légèrement le président sortant (30,19%). Il domine dans cinq départements sur huit et surtout en Seine-Saint-Denis (49,1%). Jean-Luc Mélenchon arrive loin en tête dans les quartiers populaires, notamment dans les villes de Clichy-sous-Bois (65,4%), Saint-Denis (61,13%), Trappes (60,6%), Bobigny (60,14 %) ou Aubervilliers (59,99%). 

Clivages entre zones urbaines et rurales
Les résultats du premier tour se caractérisent également par une fracture entre les zones urbaines et rurales. Emmanuel Macron domine dans plusieurs grandes villes (Orléans, Tours, Paris, Lyon, Nice, Bordeaux…) comme Jean-Luc Mélenchon (Nantes, Marseille, Grenoble, Rouen, Rennes...). Pour ce dernier, on peut notamment citer les 40,53% de voix obtenus à Lille ou de 40,73% à Montpellier. De même, les deux candidats Macron et Mélenchon apparaissent loin devant Marine Le Pen dans les villes moyennes. 
En revanche, la candidate RN s’impose beaucoup plus dans les zones plus rurales comme le Pas-de-Calais, les Alpes-de-Haute-Provence, la Creuse ou encore l'Ardèche. Dans le Grand Est, la fracture urbain-rural apparaît clairement pour elle avec notamment juste 11% des voix à Nancy contre 36,02% dans le département très rural des Ardennes.
 

Philippe Pottiée-Sperry
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