Gouvernement Borne : comment sont traitées les collectivités ?

Philippe Pottiée-Sperry
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Gouvernement Borne : comment sont traitées les collectivités ?

Le premier conseil des ministres du nouveau gouvernement Borne, composé de 28 membres, s’est tenu le 23 mai. La Première ministre a la responsabilité directe de la planification écologique avec deux ministres à ses côtés. Christophe Béchu fait son entrée en tant que ministre délégué aux Collectivités.

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La planification écologique est à présent rattachée directement à la Première ministre. Emmanuel Macron l’avait promis, dans la dernière ligne de la campagne présidentielle, le 16 avril à Marseille, en affirmant : « La politique que je mènerai dans les cinq ans à venir sera écologique ou ne sera pas ».
Pour cette nouvelle priorité, Elisabeth Borne avance un sacré CV avec une expérience réelle en la matière. Haute fonctionnaire âgée de 61 ans, cette polytechnicienne, également diplômée des Ponts et Chaussées, fut notamment préfète de l’ancienne région Poitou-Charentes, directrice du cabinet de la ministre de l’écologie Ségolène Royal, puis trois fois ministres depuis 2017 (transports ; transition écologique ; travail, emploi et insertion). Elle fut aussi directrice générale de la RATP ou directrice de la stratégie de la SNCF et des concessions chez Eiffage.

Parité parfaite
Annoncé le 20 mai, le nouveau gouvernement compte 28 membres dont Elisabeth Borne, avec la moitié de nouveaux ministres et l’autre moitié issue de l’équipe sortante. La parité est parfaite avec 14 femmes et 14 hommes. La Première ministre a indiqué que le premier texte examiné par la nouvelle Assemblée nationale, issue des élections législatives des 12 et 19 juin prochains, sera un projet de loi de finances rectificative (PLFR), présenté dès le mois juillet, portant pour l’essentiel sur le pouvoir d’achat. Au menu : la prolongation du bouclier tarifaire et de la remise sur les prix du carburant, la création du chèque alimentation, la revalorisation des minima sociaux ainsi que des retraites sur l’inflation, le relèvement du point d’indice de la fonction publique, la suppression de la redevance audiovisuelle…

Un trio de femmes à la tête de la planification écologique
La planification, qui « doit irriguer l’ensemble des politiques publiques », est donc directement rattachée à la Première ministre. Dans cette organisation, les deux ministres nommées auprès d’elle peuvent surprendre pour ne pas être des spécialistes du sujet. Jusqu’alors ministre en charge de la fonction publique, Amélie de Montchalin récupère un très gros ministère de la Transition écologique à laquelle s’ajoute la Cohésion des territoires (avec donc aussi le logement et les transports). « Elle devra mettre en œuvre avec les élus la transition écologique dans les territoires, c’est-à-dire soutenir des projets d’aménagement en évitant les consommations excessives de ressources naturelles, accompagner les mobilités propres ou la rénovation des bâtiments. Bref, des choses très concrètes », explique la Première ministre dans un entretien au Journal du dimanche du 22 mai. 
Autre ministre du tandem : Agnès Pannier-Runacher (en charge de l’industrie dans le précédent gouvernement) est en charge de la Transition énergétique. Devenant donc un ministère autonome, celui-ci aura en charge le développement massif des énergies renouvelables, le lancement de nouveaux réacteurs nucléaires, l’élaboration d’une stratégie hydrogène ou d'une stratégie de sobriété énergétique. La ministre a pour mission « de mener une politique fondée sur le renouvelable et le nucléaire, composante essentielle d’un mix énergétique, et de renforcer nos progrès en matière d’économie d’énergie », a précisé Elisabeth Borne.

Un secrétariat général à la planification écologique
A cette organisation s’ajoute un secrétariat général à la planification écologique, rattaché à la Première ministre pour « s’assurer que chaque ministre porte dans son champ d’action l’ambition en matière de transition écologique », précise Elisabeth Borne. Placé auprès d’elle, il est chargé de coordonner l’élaboration des stratégies nationales en matière de climat, d’énergie, de biodiversité et d’économie circulaire. Doté d’un pouvoir très important, il doit veiller à la bonne exécution des engagements pris par tous les ministères en matière d’environnement. Sera-t-il ainsi le vrai ministre de la Planification écologique ? 
Nommé Secrétaire général à la planification écologique, Antoine Pellion devra également assurer les fonctions de conseiller au cabinet de la Première ministre, en tant que chef de pôle Écologie, Transports, Énergie, Logement et Agriculture. Haut fonctionnaire et ingénieur des Mines âgé de 38 ans, Antoine Pellion était déjà conseiller Écologie, Transports, Énergie, Logement et Agriculture du cabinet de Jean Castex.

Christophe Béchu chargé des collectivités
Le gouvernement compte également un ministre délégué aux Collectivités territoriales, en la personne de Christophe Béchu (secrétaire général d’Horizons, le nouveau parti d’Edouard Philippe), maire d’Angers et président d'Angers Loire Métropole depuis 2014. Il fut aussi président du département de Maine-et-Loire (2004-2014), élu à tout juste 29 ans. Ayant été élu à tous les mandats locaux, il fut également conseiller régional, ainsi que sénateur et député européen. 
En outre, Christophe Béchu préside depuis 2015 l’Observatoire nationale de l’action sociale (Odas) et, depuis 2018, l’Agence de financement des infrastructures de transport en France (AFITF), établissement public national chargé de coordonner le financement de grands projets d'infrastructures de transport. « Je n’arrive pas en terrain inconnu », a indiqué le nouveau ministre auprès de Ouest-France. 
Il est en définitive l’un des très rares représentants des territoires au sein du gouvernement Borne, ce qui peut surprendre alors qu’on annonçait notamment l’entrée au gouvernement des maires de Dijon, Poissy ou Reims. Christophe Béchu est rattaché à la ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, mais également à celui de l’Intérieur. Une double tutelle qui lui permettra de bénéficier de la DGCL. 

Pas de ministre aux transports
Même si le gouvernement est assez complet, avec la nomination de six ministres délégués et quatre secrétaires d’Etat, il est surprenant de ne voir personne auprès d’Amélie de Montchalin, en charge du logement comme des transports. Mais il est possible que des secrétaires d'État soient nommés après les élections législatives. 
En attendant, sur le sujet des transports, le GART (Groupement des autorités responsables de transport) a exprimé son « regret » de l’absence d’un ministre en charge de ce secteur. Il évoque son étonnement sachant que « nos concitoyens sont confrontés à une augmentation du coût de l’énergie et à des injonctions en responsabilité pour changer leurs modes de déplacements afin d’adopter un comportement plus vertueux ». Le GART demande à être reçu au plus vite par la Première ministre, notamment pour savoir les suites qui seront données à ses propositions transmises durant la campagne présidentielle : un nouveau plan d’investissement de l’Etat de 5 Md€ en faveur de la mobilité du quotidien, transformer en subventions les avances de trésorerie versées dans le cadre de la crise sanitaire, garantir la pérennité du versement mobilité, développer à l’échelle nationale un titre unique pour toutes les mobilités, intégrer le BioGNV dans les énergies à très faibles émissions… 

Stanislas Guerini à la fonction publique
Surprise à la fonction publique, Amélie de Montchalin est remplacée par Stanislas Guerini, délégué général de la LREM, pas vraiment connu sur ce sujet. Avant 2017, il a fait toute sa carrière dans le secteur privé. Son intitulé reste le même : ministre de la Transformation et de la Fonction publique. Dès sa prise de fonction, il a affirmé sa volonté de placer « l’accessibilité » des services publics et les enjeux climatiques « au cœur » de son action. Il souhaite également développer une relation « partenariale » entre l’État, ses opérateurs et les collectivités.
Stanislas Guerini sera rapidement mis sous pression avec huit des neuf organisations syndicales de la fonction publique qui ont déjà interpellé Elisabeth Borne et Emmanuel Marcon, dans un courrier du 17 mai, sur les questions de rémunération et du pouvoir d’achat des agents publics. Elles demandent une « forte » revalorisation du point d’indice, en dénonçant « la quasi-absence d’augmentation et de mesures générales depuis douze ans ». Cette hausse a été promise par l’ancien gouvernement il y a quelques semaines, et réitérée par Elisabeth Borne, mais sans en préciser le montant. Elle fera partie du PLFR « pouvoir d’achat », déposé au Parlement dès juillet.
Dès la nomination du ministre, la CFDT Fonctions publiques a affirmé que « la priorité, c’est le pouvoir d’achat et la mise en œuvre – enfin ! – de la hausse annoncée de la valeur du point d’indice ». Le syndicat insiste aussi pour une tenue rapide du rendez-vous salarial annuel mais aussi pour « engager avant l’été une concertation sur les perspectives salariales ». Pour sa part, la CGT Services publics souligne plusieurs urgences dont en premier lieu « la revalorisation conséquente des salaires, des carrières et des retraites ». 

Brigitte Bourguignon chargée du dossier des déserts médicaux
Par ailleurs, Olivier Véran est remplacé par Brigitte Bourguignon (Santé et prévention) et Damien Abad (Solidarités, autonomie et personnes handicapées), fragilisé dès sa nomination par des accusations de viol. Dans le gouvernement Castex, Brigitte Bourguignon était ministre déléguée chargée de l’autonomie après présidé la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale jusqu’en juillet 2020. Parmi ses dossiers prioritaires : la crise de l’hôpital et des urgences mais aussi la lutte contre la désertification médicale qui a occupé une place importante durant la campagne présidentielle. Elle devra aussi mettre en musique la promesse d’Emmanuel Macron de lancer une grande concertation sur la santé, traitant notamment de l’accès aux soins et des déserts médicaux. Les élus locaux devraient y être associés. 
Pour sa part, Olivier Véran devient ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé des Relations avec le Parlement mais aussi de la Vie démocratique. A ce dernier titre, il devrait donc s’occuper de la réforme institutionnelle, annoncée par le chef de l’Etat durant la campagne présidentielle. Marc Fesneau devient quant à lui ministre de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire (une nouvelle appellation) après avoir été pendant près de quatre ans en charge des Relations avec le Parlement. 

Yaël Braun-Pivet nommée aux Outre-mer
Olivier Dussopt quitte Bercy et son ministère délégué aux Comptes publics (repris par Gabriel Attal) pour devenir ministre du Travail, du Plein Emploi (une nouvelle appellation) et de l’Insertion, portefeuille assuré jusqu’alors par Elisabeth Borne. Bruno Le Maire reste à Bercy comme ministre de l'Économie et des Finances, et la Relance dans son intitulé est remplacé par Souveraineté industrielle et numérique. Gabriel Attal lui est donc rattaché. 
Pour sa part, Sébastien Lecornu quitte le ministère des Outre-mer, repris par Yaël Braun-Pivet, jusqu’alors présidente (LREM) de la commission des lois de l’Assemblée nationale, pour celui des Armées. Ancienne joueuse de tennis et directrice générale de le fédération française de tennis, Amélie Oudéa-Castéra devient ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques. Son ministère est de plein exercice, n’étant plus rattaché à celui de l’Éducation nationale comme cela était le cas pour Roxana Maracineanu. 
A noter également l’arrivée rue de Valois, au ministère de la Culture, de Rima Abdul Malak, jusqu’alors conseillère culture et communication de l'Élysée. Elle a notamment passé six ans à la mairie de Paris, en charge de plusieurs postes dont celui de conseillère spectacle vivant et directrice de cabinet de l'adjoint à la Culture Christophe Girard.

Gérald Darmanin chargé de la mise en œuvre de la LOPMI
Parmi les rares vraies surprises du gouvernement : la nomination de l’universitaire Pap Ndiaye, normalien, agrégé d’histoire, spécialiste de l’histoire sociale des Etats-Unis et de la lutte contre les discriminations, au ministère de l’Education nationale et de la jeunesse, en remplacement de Jean-Michel Blanquer. Il avait été nommé directeur général du musée national de l'histoire de l'immigration, en mars 2021. 
Reconduit à la tête du ministère de l'Intérieur, comme il le souhaitait, Gérald Darmanin aura parmi ses chantiers celui de la modernisation de la police avec la mise en œuvre de la LOPMI (loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur), dotée de 15 Md€ sur cinq ans, dont le projet de loi avait été présenté dès le 16 mars dernier au conseil des ministres. En fera notamment partie la coopération avec les autres forces de sécurité, dont les polices municipales, et un éventuel partage des compétences. Le 10 janvier dernier, à Nice, Emmanuel Macron avait affiché sa volonté de « travailler avec toutes les villes qui y sont prêtes ». Et de souhaiter « avoir une position de l’AMF pour savoir jusqu’où les maires sont prêts à aller en matière de partenariat. Moi, je suis volontaire pour aller aussi loin qu’ici, à Nice, une ville exemplaire ». Pas de réponse pour l’instant.
 

Philippe Pottiée-Sperry
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