Réforme des retraites : ce qui change dans la fonction publique

Philippe Pottiée-Sperry
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Réforme des retraites : ce qui change dans la fonction publique

Les grands principes de la réforme des retraites s’appliqueront de façon identique dans le privé et le public. Les caractéristiques du régime de la fonction publique sont conservées mais adaptées à l’allongement des carrières. Le gouvernement annonce de nouveaux droits, notamment sur la pénibilité. L’intersyndicale de la fonction publique est vent debout contre une réforme jugée « injuste et inutile ».

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La Première ministre, Élisabeth Borne, a présenté le 10 janvier, en présence de trois ministres (Bruno Le Maire, Olivier Dussopt et Stanislas Guerini), le projet du gouvernement pour « garantir l’avenir de nos retraites ». Cette réforme fera partie d’un projet de loi rectificatif de financement de la Sécurité sociale (possibilité d’adoption via l’article 49-3), présenté au conseil des ministres du 23 janvier, et discuté à l’Assemblée nationale dès le début février. 

Un report étalé sur huit ans
S’il arrive à faire passer cette réforme, le gouvernement veut aller vite. L’âge légal de départ à la retraite sera ainsi progressivement relevé dès le 1er septembre 2023, à raison de trois mois par année de naissance (2027 : 63 ans et 3 mois ; 2030 : 64 ans). Progressif, le report s’étalera donc sur huit années. Un départ à 62 ans pour les personnes en invalidité, incapacité ou inaptitude est maintenu. Quatre personnes sur dix pourront partir de façon anticipée et n’auront pas à travailler jusqu’à 64 ans, souligne le gouvernement.
Par ailleurs, il faudra, à partir de 2027 (et non plus 2035 comme prévu par la réforme Touraine), avoir travaillé 43 années pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Les personnes partant à 67 ans bénéficieront automatiquement d’une retraite à taux plein (sans décote) même sans avoir travaillé 43 ans.

Fin des régimes spéciaux
Autre mesure importante de la réforme annoncée : la fin des régimes spéciaux de retraite. « La réforme est fondée sur un principe d’équité et donc sur une symétrie des paramètres entre privé et public », a prévenu d’emblée Stanislas Guerini, le ministre de la Transformation et de la fonction publiques. 
Les caractéristiques du régime de la fonction publique sont conservées mais adaptées à l’allongement des carrières, précise le gouvernement. Les modalités de calcul de la pension de retraite des fonctionnaires ne changeront pas en continuant de se baser sur le traitement indiciaire des six derniers mois (salaires hors primes). Les ajustements des paramètres s’appliqueront à tous les agents, fonctionnaires comme contractuels. Il n’y aura pas de changement pour les fonctionnaires en catégories actives, avec des métiers aux risques particuliers (éboueurs, policiers municipaux, aides-soignants, sapeurs-pompiers…), bénéficiant aujourd’hui d’un départ anticipé à 57 ans voire à 52 ans. Mais l’âge d’ouverture des droits, relevé progressivement de deux ans, les concernera comme tous les autres agents publics et les salariés du privé. « La liste des métiers en catégorie active ne sera pas modifié », précise le cabinet de la Première ministre. 

« Nouveaux droits »
En contrepartie, la réforme promet de « nouveaux droits » notamment pour les personnes exposées à la pénibilité, tout particulièrement les catégories actives. La prise en compte de la pénibilité continuera à se faire par le régime des catégories actives dont les principales caractéristiques seront maintenues. Les bonifications de la durée d’assurance attachées à certains de ces métiers seront également maintenues. 
Les durées de service en catégorie active permettant un départ anticipé (17 ou 27 ans d’exposition selon les métiers) ne seront pas modifiées : il ne sera pas demandé de travailler plus longtemps dans un métier exposé pour pouvoir bénéficier d’un départ anticipé. « Ces périodes de 17 ans et de 27 ans constituent une forme de reconnaissance de l'exposition à la pénibilité et c’est pour cela que la réforme n'y touche pas », indique le cabinet de la Première ministre. 

Dispositif de retraite progressive 
Le gouvernement promet de garantir la portabilité des droits associés aux catégories actives. « Les contractuels pourront comptabiliser leurs années exercées dans un métier pénible, s’ils se titularisent », souligne Stanislas Guerini. L’extension de la retraite progressive à la fonction publique permettra d’« aménager les fins de carrière ». Et de donner l’exemple d’un agent d’entretien des espaces verts de 62 ans se mettant à temps partiel tout en touchant par anticipation une partie de sa retraite.
Autre avancée évoquée : les périodes sous statut de contractuel avant titularisation sur un métier relevant de la catégorie active seront prises en compte dans le calcul de la durée de service pour bénéficier du droit à un départ anticipé. « C'est une avancée importante dans la dynamique des carrières et l'attractivité de la fonction publique mais aussi une reconnaissance de certains métiers, comme les aides-soignantes ayant souvent commencé par des périodes de contractuel avant d’être titularisées », souligne Matignon. 

Pénibilité de certains métiers territoriaux
Par ailleurs, l’usure professionnelle de certains emplois territoriaux fait l’objet d’échanges avec les employeurs de la FPT, indique le gouvernement. Objectif : identifier les modalités permettant de renforcer la prévention, le maintien dans l’emploi ou la transition professionnelle. « Nous poursuivrons les travaux lancés avec les collectivités, sur la base de leurs propositions, pour développer des instruments collectifs de prévention et maintien dans l'emploi », indique Stanislas Guerini.
« Avec plus de 75% d’agents de catégorie C, la forte pénibilité de certains métiers territoriaux a de lourdes conséquences en termes d’espérance de vie, de sinistralité et d’inaptitude », insiste l’AMF. Elle appelle ainsi le gouvernement à « être plus ambitieux » dans la prise en compte de la pénibilité au sein de la FPT, laquelle ne peut s’appréhender exclusivement sous l’angle des catégories actives ». L’AMF rappelle son attente forte d’une extension à la fonction publique du compte professionnel de prévention (C2P). Et d’ajouter que « l’accompagnement financier de la pénibilité proposé pour le secteur privé et la fonction publique hospitalière doit trouver son équivalent pour la fonction publique territoriale ».

Prévention de l’usure professionnelle
Parmi les avancées évoquées par le ministre Stanislas Guerini : la création d’un fonds de prévention de l’usure professionnelle pour le secteur de la santé. Concernant les professionnels des établissements de santé et des établissements médico-sociaux, un fonds de prévention de l’usure professionnelle sera créé auprès de l’assurance maladie. Une mission vient d’être mise en place à Sophie Lebret, inspectrice générale des affaires sociales (Igas), et Rodolphe Soulié, DRH du CHU de Strasbourg, pour la nature et les missions de ce fonds de prévention de l’usure professionnelle, a précisé le cabinet de la Première ministre, indiquant aussi qu’il sera doté de 100 M€ par an. 
Les conclusions de la mission seront rendues au printemps avec un rapport d’étape prévu dès la mi-février. 

L’AMF craint un impact sur les finances locales
Parmi les associations d’élus locaux à réagir à la présentation de la réforme du gouvernement, l’AMF se satisfait de l’absence d’augmentation des taux de cotisations des retraites mais demande « des études d’impacts dynamiques des coûts réels induits sur le calcul des pensions de retraite pour en mesurer les effets sur des finances locales déjà très contraintes ». 
L’association approuve la réintroduction de la retraite progressive qui avait disparu depuis 2011 de la FPT. Elle demande maintenant à « être étroitement associés à la définition de son périmètre, son financement et ses modalités d’application ».

Front uni des syndicats contre la réforme
L'intersyndicale qui réunit les huit organisations syndicales de la fonction publique (CFDT, CFE-CGC, CGT, FA-FP, FO, FSU, Solidaires, UNSA) a dénoncé une réforme des retraites « injuste et inutile » et exigé un retrait du projet. Dès le lendemain de sa présentation, elle a appelé tous les agents publics à se mobiliser et de participer « massivement » à la première journée de grève le 19 janvier. 
« Les améliorations évoquées des droits des agents par la mise en place d’une retraite progressive dans certains cas, la conservation des droits liés au service actif et désormais leur portabilité, ne peuvent en aucun cas compenser le recul de l’âge d’ouverture des droits à la retraite ou l’allongement de la durée de cotisation », estime l’intersyndicale dans son communiqué.

Philippe Pottiée-Sperry
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