Services publics aux Antilles : l’urgence de garantir l’accès aux droits
Face aux nombreuses défaillances des services publics en Guadeloupe et en Martinique, la Défenseure des droits plaide pour améliorer la situation dans tous les secteurs. Ses propositions insistent aussi sur la prise en compte des spécificités de ces deux territoires et de leurs populations.
Qualité de l'eau, contamination au chlordécone, difficultés liées au droit de la propriété, décrochage scolaire, pénurie médicale, fracture numérique... Après avoir diligenté une délégation en Guadeloupe et en Martinique (mission menée fin 2022), un rapport récent de la Défenseure des droits, Claire Hédon, pointe les très nombreuses défaillances dans le fonctionnement des services publics aux Antilles. Cette situation pèse fortement sur la vie quotidienne des habitants et suscite un climat de défiance marqué envers les institutions.
Des dysfonctionnements déjà anciens
Son bilan critique rappelle des dysfonctionnements connus depuis déjà bien longtemps. Il s’agit des problèmes relatifs à la distribution et à la qualité de l’eau, dus à des infrastructures très dégradées, à la rareté des transports publics sur les deux territoires ou à l’importance des déserts médicaux voire même parfois à des refus de soins discriminatoires. A cela s’ajoutent le manque d’agents dans les préfectures et les juridictions, ce qui retarde l’accès aux droits, les difficultés liées à la dématérialisation des démarches administratives, accrues pour des populations très touchées par l’illettrisme et la fracture numérique, en particulier pour les personnes âgées.
Autres dysfonctionnements importants : le faible nombre de places dans les cantines scolaires ou la mauvaise scolarisation des élèves en situation de handicap. Conséquence : la difficulté de la majorité des jeunes à suivre une scolarité normale avec un taux de décrochage scolaire qui augmente fortement.
Des saisines en hausse
Pour la Défenseure des droits, ces situations se sont traduites par une très forte hausse des saisines depuis 2020 : +50 % en Guadeloupe et +27 % en Martinique. En 2022, les délégués de l’institution dans les Antilles ont enregistré 816 sollicitations (497 en Guadeloupe et 319 en Martinique).
La très grande majorité des réclamations concerne le fonctionnement des services publics (95 % en Guadeloupe et 96 % en Martinique). Il s’agit notamment de difficultés liées au silence des administrations ou à des délais de réponse beaucoup trop longs. Ces réclamations concernent plus spécifiquement la protection sociale (19 %), la fiscalité (9 %) et le droit des étrangers (8 %).
Garantir l’accès aux droits
Le rapport « Services publics aux Antilles : garantir l’accès aux droits » formule une série de recommandations pour rendre effectifs ces droits des usagers. Par exemple, en Guadeloupe, il plaide pour accélérer le renouvellement des compteurs d’eau et mettre en œuvre rapidement les engagements pris pour la remise en état des réseaux d’eau et d’assainissement. La Défenseure des droits appelle, en outre, à prononcer un abandon de créances pour les factures d'eau aux particuliers émises avant le 1er janvier 2021, compte tenu des défaillances du service de distribution de l’eau et de sa facturation.
Elle propose aussi une meilleure prise en charge en santé des personnes en situation de grande vulnérabilité. En Martinique, la branche vieillesse de la sécurité sociale doit apporter un renfort exceptionnel pour liquider au plus vite les pensions que de nombreux retraités attendent depuis plusieurs mois, voire plusieurs années.
Claire Hédon n’oublie pas le risque « sargasses » (algues brunes invasives) en recommandant d’engager des discussions avec les compagnies d’assurance pour inclure ce risque dans les contrats d’assurance. De même, elle insiste pour renforcer la communication sur le dépistage de la présence de chlordécone dans le sang en associant les médecins prescripteurs et en adaptant l’information délivrée au public par l’usage du plurilinguisme.
Améliorer la couverture des transports publics
Autre urgence mise en avant dans les deux territoires : organiser le rattrapage des jours d’école perdus. Le rapport préconise également de favoriser l’accès de tous les enfants aux modes d’accueil collectif en développant des offres d’accueil flexibles permettant des temps de présence modulables. Au registre des transports publics, il faudrait améliorer la couverture territoriale en agissant à la fois sur les infrastructures routières, les équipements et l’entretien, et mettre en place un système de bus à haut niveau de service pour le transport scolaire.
De façon plus générale, les modalités de réalisation du service public doivent être adaptées pour tenir compte des caractéristiques spécifiques du territoire et de sa population : cela passe par une prise en compte du plurilinguisme à l’école, mais aussi dans l’accueil des différents services publics.