Le tiers financement à la rescousse de la rénovation des bâtiments publics

Philippe Pottiée-Sperry
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Le tiers financement veut faciliter la rénovation des bâtiments publics

Publiée le 31 mars, une loi ouvre le tiers financement à l’Etat et aux collectivités pour favoriser la rénovation énergétique des bâtiments publics. Ouvert à titre expérimental, le dispositif vise à contribuer à la massification des travaux dans les collectivités.

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Le chantier est colossal pour l'État et les collectivités dont le bâti représente 30 % du parc tertiaire national. Avec 75 % du parc public, les collectivités sont en première ligne. Les chiffres sont impressionnants : 500 Md€ doivent être engagés dans les 25 prochaines années pour les bâtiments publics, qui représentent 400 millions de m2 à rénover.

Expérimentation sur cinq ans
Dans un certain consensus, l’Assemblée nationale a adopté définitivement, le 22 mars, après le Sénat la veille, la proposition (PPL) visant à ouvrir le tiers-financement à l’Etat, à ses établissements publics et aux collectivités pour favoriser les travaux de rénovation énergétique. La nouvelle loi du 30 mars a été publiée au Journal officiel du 31 mars
Porté par le député de la Gironde Thomas Cazenave (Renaissance), également président de la délégation aux collectivités de l’Assemblée, le texte crée un dispositif expérimental sur une durée de cinq ans, pour les contrats de performance énergétique (CPE), sous la forme d’un marché global de performance. Ce nouvel outil vise à faciliter l'accès aux financements publics en les faisant partiellement reposer sur les économies d'énergie qui résulteront des rénovations.

« Outil complémentaire »
« Ce dispositif expérimental n'est qu'un outil complémentaire, qui ne peut en aucun cas suffire pour l'atteinte des objectifs de réduction de la consommation énergétique des bâtiments, ni avoir vocation à être systématisé dans la mesure où le tiers-financement demeure plus coûteux pour les acheteurs publics », a tenu à préciser Jacqueline Eustache-Brinio (LR), rapporteur du texte au Sénat. Les amendements de la Haute Assemblée ont ainsi visé à rendre plus accessible l’expérimentation, « tout en maintenant une forte exigence en matière de soutenabilité financière des projets de rénovation énergétique », insiste Jacqueline Eustache-Brinio. 

Fonds vert : 2150 demandes de subventions
Constat : les travaux de rénovation énergétique représentent un investissement très important pour les collectivités mais le Code de la commande publique interdit tout paiement différé dans les marchés globaux passés par les établissements publics. Ce qui constituait un frein et que veut justement lever le tiers financement. Présent lors de la lecture finale du texte au Sénat, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, a salué « une avancée concrète », conçue « dans le dialogue avec les élus locaux ». 
Evoquant lui aussi « un outil complémentaire », le ministre affirme qu’il ne signifie pas « un désengagement de l'État, qui se mobilise à travers d'autres dispositifs » en citant la DSIL (dotation de soutien à l'investissement local) Rénovation, les appels à projets des certificats d'économie d'énergie, le Fonds chaleur de l'Ademe et le nouveau Fonds vert. « À ce jour, nous avons reçu 5000 demandes de subvention dans le cadre du Fonds vert, dont 2150 portent sur la rénovation thermique de bâtiments », a-t-il précisé. 

Paiement différé dans le cadre des CPE 
Le nouveau dispositif consiste à faire financer la rénovation énergétique de bâtiments publics par un tiers, privé, qui réalise les travaux, et cela en étalant dans le temps leur remboursement et les intérêts. L’expérimentation porte sur un régime dérogeant au droit de la commande publique. 
Les dérogations doivent permettre aux collectivités et aux intercos de recourir à titre exceptionnel au paiement différé dans le cadre des contrats de performance énergétique (CPE), qui fixent des objectifs chiffrés de gain d'énergie. Le paiement différé serait à terme simplifié par les économies d'énergie qu'entraîneraient ces travaux de rénovation énergétique.

Sécuriser l’intervention des intercos
Le texte prévoit également de sécuriser l’intervention des syndicats d’énergies et des intercos dans la réalisation des études et des travaux de rénovation, et en leur permettant de conduire eux-mêmes les opérations de tiers financement. La maîtrise d’ouvrage restant entre les mains de l’État ou des collectivités, il ne s’agit donc pas du modèle des très décriés PPP (partenariats public-privé). 
La discussion parlementaire a permis de renforcer la sécurité juridique des futurs contrats, avec notamment une plus grande transparence et une meilleure anticipation des conséquences financières des contrats. 
Le rapport demandé au gouvernement devra permettre d'évaluer l'expérimentation et de suivre de manière régulière et précise les conséquences du nouveau dispositif.

Philippe Pottiée-Sperry
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