Vers un tour de vis de 10 Md€ envers les collectivités sur cinq ans
Si Emmanuel Macron est réélu, « une trajectoire de réduction des coûts de fonctionnement sur l'ensemble des collectivités publiques » devrait se partager entre l’Etat (10 Md€) et les collectivités locales (10 Md€). Les « contrats de Cahors », suspendus depuis le début de la crise sanitaire, pourraient faire le retour.
Pour financer son programme de 50 Md€ par an, qu’il a présenté le 18 mars, Emmanuel Macron compte s’appuyer sur la réforme des retraites, la poursuite de celle de l’assurance-chômage, des mesures dites « de modernisation et de simplification » mais aussi sur « une trajectoire de réduction des coûts de fonctionnement sur l'ensemble des collectivités publiques » à hauteur de 20 Md€. Mais sans en dire plus, en particulier sur la contribution des collectivités à l’effort demandé. L’objectif affiché est d’avoir une dette qui pèse de nouveau moins de 3% du PIB à l’horizon 2027.
On commence à y voir plus clair avec les propos de Laurent Saint-Martin, député LREM du Val de Marne et rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, reconnaissant que la moitié de ces 20 Md€ proviendraient des collectivités, lors de son audition le 22 mars par France urbaine et Intercommunalités de France, comme dix représentants de candidats à la présidentielle.
« Participer à l’effort de réduction de la dépense publique »
Il faut noter que le représentant du candidat-président n’en avait pas dit un mot durant ses 15 mn d’intervention devant les élus. Mais interrogé ensuite par l’AFP sur les propos de Xavier Bertrand (représentant de Valérie Pécresse) dénonçant « une économie de 15 Md€ sur le dos » des territoires., il a précisé qu’il s’agira d’« un effort de 10 Md€ sur la progression des finances locales que nous attendons des collectivités si Emmanuel Macron est réélu de la même manière que l'État doit le faire ». Et d’ajouter : « Les finances locales font partie des finances publiques. Il est donc de bon ton que l'ensemble des administrations publiques participe à cet effort de réduction de la dépense publique ».
Le retour des « contrats de Cahors »
Cette annonce ressemble beaucoup au retour des « contrats de Cahors » (réduction des dépenses de fonctionnement des grandes collectivités), suspendus depuis le début de la crise sanitaire. A ce sujet, Olivier Dussopt, ministre délégué aux Comptes publics, dans une interview à la Gazette des communes le 4 mars, avait déjà prévenu que « le chantier de la contractualisation sera rouvert par le prochain gouvernement si le président de la République est réélu ».
Pour sa part, Jean-René Cazeneuve, député LREM du Gers et président de la délégation aux collectivités de l’Assemblée nationale, tient à relativiser l’effort demandé aux collectivités : « on ne parle absolument pas de baisse de dotations, on réfléchit à modérer l’augmentation des dépenses des collectivités en leur donnant de la visibilité sur leurs ressources et notamment sur leurs dotations ». Il faut rappeler qu’en juillet 2017, Emmanuel Macron avait annoncé aux élus locaux sa volonté de réaliser 13 Md€ d’économies sur la durée du quinquennat qui s’étaient traduits par la création de contrats de Cahors.
Besoin de stabilité dans la fiscalité locale
Durant son intervention devant les élus de France urbaine et Intercommunalités de France, Laurent Saint-Martin a joué sur un registre beaucoup plus consensuel en évoquant « un besoin de renforcement de la confiance entre l’Etat et les collectivités ». Comme Jean-René Cazeneuve, il a insisté sur « les promesses tenues du maintien de la DGF », tout en reconnaissant que « les systèmes de péréquation ont pu créer d’importantes différences de dotation ». Défendant le bilan du quinquennat, il a insisté sur « la compensation à l’euro près » de la suppression de la taxe d’habitation » ou les aides à l’investissement local accordées dans le cadre du plan de relance via la DETR (dotation d'équipement des territoires ruraux) et la DSIL (dotation de soutien à l'investissement local).
Le député LREM est aussi revenu sur la suppression de la CVAE (7 Md€), prévue dans le programme du candidat Macron, en promettant « une compensation dynamique ». Au-delà, il prône la stabilité dans la fiscalité locale et confirme que la révision des bases locatives est bien prévue mais « sur le plus long terme ». S’agissant de l’aide à l’investissement local, il estime que « s’il y a besoin de plus de DETER, de DSIL et d’accompagnement dans les territoires, il faut y aller car il s’agit d’un des leviers importants de relance après les crises ».
Priorité à la clarification des compétences
Interrogé sur les rapports Etat collectivité et l’éventualité d’un nouvel acte de décentralisation, Laurent Saint-Martin plaide en premier lieu pour « clarifier les compétences » suivant le principe « d’une mission et d’un responsable ». Sur ce sujet, il cite notamment la compétence logement et son transfert au bloc communal. « Par exemple il faut arrêter la délégation des aides à la pierre et donner une vraie dotation pour pouvoir exercer cette politique, précise-t-il. Cela ne veut pas dire que l’Etat se désengage mais qu’il y a plus de confiance avec les collectivités, avec un rôle de garant pleinement joué par l’Etat. Cela est reconnaître que les territoires connaissent mieux que Paris la réalité du terrain ».
Co-construction des politiques publique
Par ailleurs, le représentant d’Emmanuel Macron défend l’intérêt de coconstruire ensemble les politiques publiques. Selon lui, « on a une face immergée de l’iceberg qui fonctionne très bien entre l’Etat et les collectivités, particulièrement avec le bloc communal. Et on a eu une face émergée qui fait parfois de la politique plus politicienne que locale et dont on pourrait se passer collectivement, et cela d’où qu’elle vienne ».
Le député LREM estime que cette volonté de dialogue se retrouve dans les grands chantiers d’avenir sur l’école, la santé ou les institutions (dont la décentralisation), défendus par Emmanuel Macron dans son programme. « Dans deux chantiers sur trois, il faut que le bloc communal ait une place centrale de réflexion et de discussion (partages de compétences, moyens pour y parvenir…), indique-t-il. Le meilleur moyen de dénouer les problèmes est de concerter et de se mettre ensemble autour de la table. Il faut un vrai dialogue sur des dossiers qui sont complexes et demandent du temps ». A savoir si cette « nouvelle volonté de gouverner » se traduira vraiment dans les faits.