Alerte sur le recul des services publics

Philippe Pottiée-Sperry
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LIBERTÉ

Dans son dernier rapport d’activité, rendu public le 12 mars, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, tire la sonnette d’alarme en montrant l’augmentation de la demande d’accès aux droits et d’égalité dans l’accès aux services publics.

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En 2018, le Défenseur des droits a reçu 95 836 dossiers de réclamations (+6% par rapport à 2017 et +13% sur les deux dernières années). 80% des règlements amiables engagés par l’institution ont abouti favorablement. En outre, le Défenseur des droits a répondu à 34 999 demandes d’information. Il a rendu 295 décisions, adressé 29 avis au Parlement et présenté à 108 reprises des observations devant des juridictions.

Une hausse des réclamations

Le Défenseur des droits constate une augmentation des réclamations dans ses cinq domaines de compétence que sont la défense des droits des usagers des services publics, la lutte contre les discriminations et la promotion de l’égalité, la défense des droits de l’enfant, la déontologie de la sécurité et l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte.Pour la défense des droits des usagers des services publics, le nombre des dossiers reçus atteint près de 56 000 (+10,3% par rapport à 2017). 90 % des demandes présentées aux 501 délégués présents dans 874 points d’accueil relèvent d’une difficulté dans la relation des usagers avec les services publics. « Cette demande traduit le recul des services publics, source de défiance, d’inégalités et de mise en cause des droits », dénonce le Défenseur des droits. Selon lui, la dématérialisation « à marche forcée » des formalités administratives, sur laquelle il a publié un rapport le 17 janvier dernier, « en donne une illustration préoccupante ».

« Faiblesse de la politique de lutte contre les discriminations »

Sur les discriminations, le Défenseur des droits a reçu 5 631 dossiers (+4,2% par rapport à 2017). Le handicap (22,8%) reste, pour la deuxième année, en tête des critères invoqués, devant l’origine (14,9%) et l’état de santé (10,5%). Les critères du sexe, de la situation de famille et de la grossesse, presque totalement mobilisés par des femmes, représentent au total 13 % des dossiers de discrimination. L’emploi demeure le premier domaine concerné par des discriminations qui interviennent à l’embauche et tout au long de la carrière. Le Défenseur des droits continue de regretter « la faiblesse d’une politique globale de lutte contre les discriminations ».Concernant la défense des enfants, l’institution a reçu 3 029 dossiers (+ 2,4%). La protection de l’enfance (24,8%) et le droit à l’éducation (24%) demeurent les deux premiers motifs de réclamations. Par ailleurs, le Défenseur des droits constate une hausse des réclamations visant la situation des enfants malades et handicapés (18,4%) et des mineurs étrangers (12,3%).

Forte hausse des réclamations sur la sécurité

Dans le cadre de sa mission déontologie de la sécurité, l’institution a reçu 1 520 dossiers (+23,8%). Les faits de violences (29,1%) et les refus de plainte (19,3%) constituent les deux premiers motifs de réclamations. Compétent depuis 2017 pour orienter et protéger les lanceurs d’alerte, le Défenseur des droits a été saisi par 155 personnes se prévalant du statut de lanceur d’alerte. Dans 85 % des cas, elles visent des faits dont elles ont eu connaissance dans le cadre de leur travail. L’exercice de cette mission amène le Défenseur des droits à expliquer aux requérants les conditions à remplir pour que les faits dénoncés soient qualifiés d’alerte et que leur démarche soit protégée par la loi.Au-delà, le rapport du Défenseur des droits met en garde contre « un affaiblissement des droits et libertés fondamentales concrétisé dans les textes et dans les pratiques par un déséquilibre entre les exigences légitimes de la sécurité et la garantie du respect des libertés publiques et individuelles ». Et de citer les restrictions aux droits des exilés, notamment des demandeurs d’asile.

Trois grandes recommandations

En conclusion de son rapport, le Défenseur des droits recommande :-de garantir une présence humaine dans les relations des services publics avec leurs usagers ;-d’assurer l’accompagnement des personnes en situation de vulnérabilité, de précarité ou d’éloignement ;-de retrouver l’esprit d’hospitalité et de solidarité qui est la substance même de la République française.
Philippe Pottiée-Sperry
Philippe Pottiée-Sperry
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