Cahiers de doléances : de fortes attentes sur le niveau de vie et la gouvernance

Philippe Pottiée-Sperry
Image

Autre association d’élus locaux avec l’AMRF (maires ruraux) à avoir lancé l’initiative d’ouvrir des cahiers de doléances dans les mairies, dès le début décembre, l’Amif (Association des maires d’Ile-de-France) a rendu le résultat de sa démarche le 15 février.

Partager sur

Une remise officielle de la synthèse des 2850 contributions par son président, Stéphane Beaudet, au préfet de la région Ile-de-France, Michel Cadot, en présence du ministre chargé du Logement et de la Ville, Julien Denormandie. Près de 500 communes ont joué le jeu sur les 1200, surtout rurales, que compte l’Ile-de-France. Tout en disant satisfait de ce résultat, Stéphane Beaudet affirme que « cette paupérisation rampante, ces difficultés de la population, on les sent venir depuis longtemps ». Julien Denormandie s’est félicité de la démarche de l’Amif, jugeant qu’elle constitue « une pierre à l’édifice du grand débat ».

Difficulté des classes moyennes

Deux grandes thématiques ressortent des cahiers de doléances : le niveau de vie (pouvoir d’achat, retraite, fiscalité) et la gouvernance. Sans surprise, les deux tiers des contributeurs traitent des questions de fiscalité et de justice fiscale. La moitié des contributeurs aborde la question du pouvoir d’achat et 40% celle des retraites. La mobilité est relativement peu présente avec seulement 20% des contributions, tout comme le logement ou l’aménagement du territoire. Un résultat a priori surprenant dans une région où ces questions sont très sensibles mais qui prouve que les habitants ont avant tout répondu sur « des considérations nationales ». Concernant la thématique du niveau de vie, les témoignages montrent un sentiment général de difficulté des classes moyennes, jugées comme pénalisées, surtout en matière fiscale. Un quart des contributeurs évoquent les services publics en concentrant leurs propos sur l’accès aux soins de proximité et sur l’augmentation des moyens de l’hôpital public.

Demande de plus de participation

68% des contributeurs abordent des sujets relatifs à la gouvernance nationale, au sens large : élus, exécutif, train de vie de l’Etat, organisation territoriale, référendum et participation citoyenne. Sur cette thématique, il ressort un jugement très critique. Les habitants appellent à plus d’exemplarité et de considération de la part de l’exécutif et des parlementaires. Ils dénoncent beaucoup les « avantages » et « privilèges » des élus nationaux, des anciens élus et des hauts fonctionnaires. Ils réclament une plus forte participation des citoyens aux décisions via une démocratie plus directe (référendum) et plus participative. S’agissant des sujets sur lesquels devraient porter les référendums, la très grande majorité ne le précise pas, mais certains pensent qu’ils doivent concerner tous les sujets ou sur les « questions importantes ». Les contributeurs se prononcent aussi pour la prise en compte du vote blanc et la mise en place d’une dose importante de proportionnelle dans les modes de scrutin.

Attachement aux élus locaux et à la commune

Les cahiers de doléances expriment également un fort attachement aux élus de proximité et en particulier aux maires. Sylvine Thomassin, maire de Bondy (93) et secrétaire générale de l’Amif, se réjouit de ce « message de confiance des citoyens envers les élus locaux et les maires ». Pour sa part, le maire d’Evry-Courcouronnes (91), Stéphane Beaudet, estime « que pour les Français, il y a juste deux catégories d’élus importants : le président de la République et le maire ». La plus grande partie des contributeurs témoignent de leur attachement au bloc communal : commune et intercommunalité. Dans le principe, cette dernière n’est pas rejetée avec beaucoup de contributeurs jugeant que « l’intercommunalité ou la fusion de communes peut renforcer l’efficacité de l’action publique » mais à condition que cette intercommunalité ne tombe pas dans « le gigantisme » et, surtout, s’effectue à l’échelle du bassin de vie.

Simplifier l’organisation territoriale

Critiquant le « mille-feuille » institutionnel, les contributeurs plaident pour réduire le nombre trop important de strates territoriales, surtout pour « éviter les doublons ». Les contributions évoquant les départements le font surtout pour les citer parmi les collectivités à réduire voire à supprimer. La région est quant à elle citée comme une alternative à la suppression des départements. Très présente dans les contributions, cette demande de simplification apparaît particulièrement en région Ile-de-France où la complexité est encore plus forte qu’ailleurs. Plusieurs maires franciliens, présents le 15 janvier, ont abondé dans ce sens. Comme ses collègues, Jacques Gautier, maire de Garches (92) et président de l’association des maires des Hauts-de-Seine, a jugé que « les six niveaux institutionnels existants dans notre région sont beaucoup trop nombreux. Il en faudrait juste trois ». Selon lui, les EPT (établissements publics territoriaux) « ne fonctionnent pas bien ». Et plusieurs élus de dénoncer « le retrait de compétences des maires au profit des EPT ». « Il faut revoir la loi NOTRe et nous redonner nos compétences », lance ainsi une élue. Pour sa part, Stéphane Beaudet a annoncé la préparation par l’Amif d’un vade-mecum pour accompagner les maires dans la pédagogie auprès des habitants sur l’action publique, le fonctionnement démocratique et la gouvernance territoriale de l’Ile-de-France.

Plus de décentralisation

A l’occasion de cette remise des cahiers de doléances, le président de l’Amif, a souhaité, une nouvelle fois, que la période actuelle débouche sur un renforcement de la décentralisation. Selon lui, « l’acte II du quinquennat présidentiel est bien le moment de réinterroger la décentralisation. C’est un enjeu majeur pour nous les maires qui accompagnons la population ». Julien Denormandie a reconnu que ce sujet revient dans tous les débats avec des élus. « Soit il faut faire une nouvelle loi, soit il faut stabiliser la situation actuelle », a-t-il affirmé. Et d’ajouter que la « situation institutionnelle francilienne devra également bouger ».
Philippe Pottiée-Sperry
Philippe Pottiée-Sperry
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire