Ce que prévoit la loi « Séparatismes » pour les collectivités

Philippe Pottiée-Sperry
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La loi confortant le respect des principes de la République du 24 août, dite loi « séparatismes », a été publiée au JO du 25 août, après avoir été validé en grande partie par le Conseil constitutionnel le 13 août. Objectif : apporter des réponses au repli communautaire et au développement de l'islamisme radical, en renforçant le respect des principes républicains et en modifiant les lois sur les cultes.

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En premier lieu, pour renforcer la laïcité et la neutralité, la loi indique que ces principes s'appliquent aux salariés des titulaires de contrats de marché public, des concessionnaires, des bailleurs sociaux et des organismes qui ont une mission de service public (SNCF réseau, RATP, sociétés HLM...). Un référent laïcité et une journée de la laïcité le 9 décembre de chaque année seront mis en place dans les administrations.

Le contrôle sur les actes des collectivité locales qui porteraient gravement atteinte à la laïcité ou à la neutralité dans un service public (cantines, équipements sportifs...) est revu. Le préfet pourra déférer l'acte et en demander la suspension au juge administratif, qui aura 48 heures pour décider.

Protéger les élus et les agents contre les menaces ou les violences

Un nouveau délit de séparatisme vise à protéger les élus et agents publics contre les menaces ou violences pour obtenir une exemption ou une application différenciée des règles du service public. Les agents pourront, par ailleurs, signaler via le dispositif d'alerte existant les menaces ou atteintes à l'intégrité physique dont ils sont victimes. Par ailleurs, les associations ou fondations, qui demandent une subvention publique, devront s'engager à respecter le caractère laïque et les principes de la République (égalité femme-homme, dignité humaine, fraternité...) dans un "contrat d'engagement républicain". Si elles violent cette obligation, la subvention devra être remboursée. Le respect du contrat devient une condition pour l'obtention d'un agrément ou la reconnaissance d'utilité publique.

Contrôle renforcé des associations sportives

Le contrôle par l'État des associations sportives et des fédérations sportives est renforcé. Les associations agréées seront aussi soumises au contrat d'engagement républicain. De plus, la liste des motifs de dissolution des associations est complétée. Les associations pourront se voir imputer des agissements commis par leurs membres, agissant en cette qualité, ou des agissements directement liés à leurs activités.

Les fonds de dotation, outil de financement du mécénat, seront mieux contrôlés par les préfets. L’administration fiscale pourra vérifier que seules les associations qui remplissent les conditions prévues par la loi peuvent bénéficier de la générosité du public et délivrer des reçus fiscaux. En outre, les financements étrangers reçus par les associations loi 1901 qui touchent plus de 153 000 € de dons par an et par les fonds de dotation seront contrôlés.

Un nouveau délit contre la haine en ligne

Un délit de mise en danger de la vie d'autrui par diffusion d'informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle est créé. Ce nouveau délit sera puni de cinq ans de prison et 75 000 € d'amende si la victime est un agent public, un élu ou un journaliste ou si elle est mineure. Par ailleurs, un nouveau régime de modération des contenus illicites est imposé - jusqu'à la fin 2023 - aux plateformes en ligne (procédures de traitement des demandes judiciaires, information du public sur le dispositif de modération, évaluation des risques...). Le CSA devra superviser les processus de modération mis en place par les réseaux sociaux, plateformes de partage de vidéos, moteurs de recherche... et pourra prononcer des sanctions financières (jusqu'à 20 M€ ou 6% du chiffre d'affaires mondial).

L'instruction des enfants et les mesures sur la famille

La scolarisation de tous les enfants dans un établissement scolaire devient obligatoire à la rentrée 2022 (au lieu de la rentrée 2021 dans le texte initial) et l'instruction d'un enfant en famille dérogatoire. L'école à la maison sera soumise à autorisation (et non plus seulement à déclaration) et accordée uniquement pour quatre motifs : état de santé ou handicap de l’enfant ; pratique d’activités sportives ou artistiques intensives ; itinérance de la famille ; situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif. Les écoles privées hors contrat devront répondre à de nouvelles obligations. Un régime de fermeture administrative des écoles non déclarées ou qui n’ont pas remédié aux défaillances constatées par l'administration est créé. Le préfet pourra s’opposer à l’ouverture d’écoles hors contrat soutenues par un État étranger hostile à la République.

Pour assurer aux femmes une égalité de droits, le texte renforce la protection des héritiers réservataires sur les bien situés en France lorsque la succession relève d'une loi étrangère qui ne reconnait pas l'égalité des enfants héritiers. Il traite aussi de la polygamie sous l’angle des titres de séjour et des pensions de réversion et renforce la lutte contre les mariages forcés. En cas de suspicion, l’officier de l’état civil devra s'entretenir individuellement avec chaque futur époux. Si des doutes persistent, il devra saisir le Parquet.

Le contrôle des associations cultuelles et des lieux de culte

La loi modifie la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État et la loi du 2 janvier 1907 sur l’exercice public des cultes. Les conditions de création et de gouvernance des associations gérant un lieu de culte prévues par la loi de 1905 sont revues afin de les protéger des prises de contrôle malveillantes par des groupes radicaux. Ces associations cultuelles devront se déclarer auprès du préfet tous les cinq ans. Leurs obligations comptables sont renforcées. Les dons étrangers de plus de 10 000 € et la cession de lieux de culte à un État étranger devront être déclarés. Le préfet pourra s’y opposer lorsqu’un intérêt fondamental de la société est en jeu.

Un amendement du gouvernement dit « mosquée de Strasbourg » renforce la transparence sur les avantages accordés par les collectivités pour la construction de lieux de culte. Les communes et départements devront informer préalablement le préfet, avant toute garantie publique pour un emprunt destiné à la construction d’un édifice cultuel, ou la conclusion d’un bail emphytéotique.

Pour les associations dites mixtes, qui relèvent de la loi du 1er juillet 1901 et qui exercent un culte, leurs obligations, notamment administratives et comptables, sont alignées sur celles des associations cultuelles : certification dans certains cas de leurs comptes, distinction comptable de leurs activités cultuelles du reste de leurs activités, déclaration de l'argent provenant de l'étranger... Le préfet pourra enjoindre à une association dont l'objet est en réalité l'exercice d'un culte à se déclarer comme association cultuelle. Aujourd'hui, plus de 90% des mosquées sont sous le régime de la loi de 1901.

Par ailleurs, la tenue de réunions politiques dans des lieux de culte est plus sévèrement sanctionnée. L’organisation d’opérations de vote pour des élections politiques françaises ou étrangères y est prohibée. Le préfet pourra fermer provisoirement les lieux de culte en cas d'agissements provoquant à la haine ou à la violence.

P.P.-S.

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Philippe Pottiée-Sperry
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