Complémentaire santé des agents : 50% seront pris en charge par les employeurs
Après plusieurs mois de concertation, Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, a annoncé le 18 décembre une mesure très attendue par les agents : le financement par les employeurs publics de la complémentaire santé.
« Contrairement aux salariés, les agents publics doivent trop souvent supporter leur coût de complémentaire santé. Dès ma prise de fonction je m'étais engagée à mettre fin à cette injustice. Le gouvernement tient ses promesses », a-t-elle déclaré. La ministre doit présenter le 18 janvier aux organisations syndicales et aux employeurs publics un projet d'ordonnance qui instaure une participation obligatoire des employeurs publics à la complémentaire santé. « Cette mesure attendue de tous permet un gain de pouvoir d'achat concret pour chaque agent public, et de lutter contre le non recours aux soins », a affirmé Amélie de Montchalin. Il faut rappeler que contrairement aux salariés du privé, bénéficiant d’une protection sociale financée à 50% par leurs employeurs, les agents supportent souvent l’intégralité du coût de leur couverture. La participation des employeurs publics reste en effet facultative.
Le projet d’ordonnance sur la protection sociale complémentaire (PSC) fixera pour chacune des fonctions publiques une obligation de prise en charge d’au moins la moitié de la complémentaire santé des agents. Cette obligation s’appliquera progressivement dès 2024 pour l’État et, au plus tard en 2026, pour la FPH et la FPT. Elle concernera tous les agents sans distinction de statut. S’agissant des agents de l’État, sans attendre l’arrivée à échéance des contrats souscrits par les ministères, avec souvent de très fortes inégalités, le gouvernement prévoit une prise en charge forfaitaire dès 2022. L’ordonnance sera présentée en conseil des ministres avant fin mars 2021.
Mise en place de contrats collectifs
La ministre souhaite que les employeurs publics puissent également s’impliquer davantage dans la prévoyance. L’ordonnance permettra donc une participation de l’employeur à ces contrats et fixe, pour les employeurs territoriaux et à leur demande, une participation obligatoire aux contrats de prévoyance. Dès 2021, le gouvernement reviendra sur une mesure adoptée en 2015 ayant limité le versement d’un capital décès à 13 888 € pour l’établir à un an de rémunération. Des discussions s’engageront également pour la mise en place d’un régime pérenne plus protecteur pour les agents de l’État. Les employeurs territoriaux définiront leur participation aux contrats de prévoyance.
Le projet d’ordonnance prévoit en outre, à la suite d’une négociation collective, la possibilité de mettre en place des contrats collectifs à adhésion obligatoire. Ceux-ci permettent une meilleure mutualisation des risques. Dans ce cas, les employeurs publics et leurs agents pourront bénéficier du même régime fiscal et social que celui applicable aux employeurs privés. Les contrats collectifs constitueront ainsi un nouvel outil pour enrichir l’offre de protection sociale des employeurs publics. Un décret précisera certaines règles et notamment les mécanismes de solidarité entre les assurés.
Propositions des employeurs territoriaux
Dans le cadre de la préparation de l’ordonnance, la coordination des employeurs territoriaux a présenté, le 14 décembre, à Amélie de Montchalin ses propositions sur les volets « prévoyance » et « santé » qui se veulent adaptées à la structure sociodémographique de la FPT et à la diversité des collectivités. Philippe Laurent, porte-parole de la coordination, a notamment rappelé : « C’est une initiative pionnière dans l’histoire de la FPT proposée, après discussion entre elles, par toutes les associations d’élus à l’unanimité ». Les employeurs territoriaux sont également conscients qu’il s’agit d’« un enjeu d’attractivité pour l’ensemble des collectivités et que ces éléments font désormais partie intégrante de la qualité de vie au travail ».
Ils souhaitent maintenir la liberté de choix offerte aux agents, entre labellisation et convention et veulent instaurer un débat obligatoire de l’organe délibérant sur la PSC des agents, en début de mandat. Les élus locaux privilégient la prévoyance (maintien de salaire et capital décès) et considèrent que la montée en charge peut s’étaler jusqu’à 2024, pour atteindre un seuil minimal de 20% du coût d’une offre socle. De la même manière, pour la complémentaire santé, ils proposent pour fin 2026 un taux de 50% en moyenne de participation à un socle minimal santé, dont le contenu sera à définir. Pour les petites communes, ils plaident pour que « les centres de gestion jouent pleinement leur rôle de mutualisation et de groupement d’achat ».
La coordination a envoyé un courrier à la ministre, le 16 décembre, cosigné par tous les présidents d’associations d'élus (AMF, ADF, Régions de France, AdCF, AMRF, APVF, Villes de France et France urbaine) qui rappelle leurs principales propositions : un débat obligatoire au début de chaque mandat sur la PSC dans la collectivité ; une prise en charge de 50% du coût d’une complémentaire santé calculée sur la base du panier de soin minimum du secteur privé ; une prise en charge de 20% du coût d’une prévoyance socle composée de la garantie de maintien de salaire et du capital décès.
Diversité de situations dans les grandes collectivités
Le dernier bureau de France urbaine, le 15 décembre, s’est prononcé en faveur d’un renforcement des garanties de PSC des agents territoriaux. Et de souligner que si la prise en charge est quasi nulle dans beaucoup de ministère, de nombreuses grandes collectivités ont en revanche développé une politique de prise en charge dans le cadre du dialogue social et d’une volonté de mieux protéger leurs agents. Ainsi, selon une enquête menée par France urbaine, et à laquelle la moitié de ses membres a participé, 97% des collectivités urbaines proposent déjà une PSC à leurs agents, mais avec des modalités et des niveaux de prise en charge très variés : pour 60%, elle porte à la fois sur la complémentaire santé et à la prévoyance ; pour 22%, elle porte uniquement sur la prévoyance ; pour 15%, elle porte uniquement sur la complémentaire santé. Sur cette base, le bureau de France urbaine a fixé trois grands objectifs : assurer une meilleure protection des agents et renforcer l’attractivité de la FPT par un alignement avec les obligations légales dans le secteur privé ; inscrire la mise en œuvre de cette réforme dans une trajectoire compatible avec la situation budgétaire des collectivités urbaines dans un contexte de forte contrainte du fait de la crise et où d’autres chantiers RH majeurs vont devoir être traités au cours du mandat (1607 heures, lignes directrices de gestion, etc.) ; garantir un socle minimum universel, qui laisse ensuite toute la place aux organisations syndicales et aux employeurs urbains pour négocier localement et le cas échéant aller plus vite et plus loin.
Priorité à la couverture prévoyance pour les DRH
Pour sa part, l’association des DRH des grandes collectivités (ADRHGCT) estime que la priorité doit aller à la couverture prévoyance, compte tenu du faible nombre d’agents aujourd’hui couverts (environ 50%) et du risque de précarité lié à l’incapacité de travail et à l’invalidité. « La prévoyance couvre des risques financiers majeurs, qui sont souvent méconnus des agents, et peuvent conduire à des situations sociales dramatiques. Or, les agents couverts sont aujourd’hui relativement peu nombreux au regard du risque encouru », indique l’ADRHGCT. Et de proposer un socle obligatoire comprenant au moins : l’incapacité temporaire de travail (couverture de la perte de salaire liée au passage à demi-traitement, en cas de maladie ordinaire, congé longue maladie et congé longue durée) et le capital décès. Les DRH plaident pour des mécanismes permettant une large adhésion des agents pour permettre des contrats équilibrés, et donc des tarifs stables dans le temps pour les adhérents.
Un pilotage paritaire du risque et des contrats de PSC
Concernant la participation de l’employeur, elle doit porter sur des offres compétitives au plan des tarifs, qualitatives au plan des prestations, et qui repose sur une logique de solidarité entre adhérents. Ils défendent une négociation au niveau national, en suivant la logique d’une branche professionnelle : un socle minimum en santé et en prévoyance est négocié au niveau national, à charge pour les employeurs, au niveau local (par les grands employeurs en propre et par les CDG pour les autres collectivités) de négocier et déployer des offres avec des niveaux plus importants de couverture. Cela se ferait en option complémentaire au choix des agents ou par une offre plus qualitative pour l’ensemble des agents, proposée par l’employeur.
L’ADRHGCT plaide pour un pilotage paritaire du risque et des contrats de PSC pour permettre l’implication des employeurs et des représentants du personnel dans la gestion des dispositifs. « A l’heure où l’absentéisme est important dans les collectivités, notamment sous l’effet du recul de l’âge de départ en retraite des agents, et où les dépenses de santé augmentent de manière globale, le pilotage paritaire responsabilise les parties prenantes et permet de déployer l’effort de pédagogie nécessaire auprès des agents, souvent éloignés de ces dispositifs par méconnaissance de leurs droits et par l’apparente technicité du sujet », estime-t-elle.
« Un engagement historique »
Parmi les premières réactions des organisations syndicales, la CFDT Fonctions publiques a salué « un engagement historique » qui permettra d’atteindre « le seuil des 50% de participation pour tout le monde entre 2024 et 2026 ». Elle rappelle qu’elle aurait préféré que les employeurs territoriaux et hospitaliers prennent les mêmes engagements que l’Etat pour atteindre la cible en 2024. La CFDT se réjouit aussi d’avoir pu obtenir des engagements pour les retraités qui pourront faire partie du champ des contrats négociés. Les premiers effets de ces engagements arriveront dès 2021 sur la prévoyance (révision à la hausse du capital-décès) puis, sur les feuilles de paie, à partir de 2022 pour une participation forfaitaire à la complémentaire santé. « Ce sont maintenant de longs mois de travaux qui s’ouvrent, sur la base d’un dialogue social riche qui mettra en avant l’intérêt renforcé de la négociation », conclut la CFDT.
Philippe Pottiée-Sperry
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