Covid-19 : ce que prévoient les ordonnances pour les collectivités

Philippe Pottiée-Sperry
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A peine trois jours après le vote par le Parlement de la loi d’urgence sur le Covid-19, le conseil des ministres a adopté, le 25 mars, pas moins de 25 ordonnances – un record historique – publiées dès le lendemain au Journal officiel.

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Le Premier ministre l’a expliqué « pour protéger nos concitoyens et limiter les graves dommages économiques et sociaux que provoque inévitablement le confinement ». Dans la foulée, le ministère de la Cohésion des territoires a publié une note sur quatre de ces 25 ordonnances qui concernent plus directement les collectivités territoriales. Sur son site, il propose aussi une foire aux questions destinée aux collectivités, spécifiquement sur les dispositions budgétaires, fiscales et financières.

En préparation, une autre ordonnance concernera le fonctionnement et la gouvernance des collectivités et de leurs groupements. Elle doit être prise « très prochainement ». « Des informations seront communiquées rapidement aux élus locaux sur les mesures de souplesse qui seront prises », précise le ministère.

A noter que l’ensemble de ces dispositions permettront aux collectivités de continuer à apporter leur soutien au secteur associatif. « Les souplesses budgétaires prévues par la loi, et enrichies par l’ordonnance, permettront d’apporter des financements », indique le ministère.

Un fonds de solidarité pour les entreprises les plus en difficulté

Une ordonnance prévoit la création, pour trois mois, d’un fonds de solidarité pour aider les entreprises très touchées par les conséquences du Covid-19. Ce délai peut être prorogé par décret pour une durée maximale de six mois.

Le fonds de solidarité est financé par l’Etat (750 M€) et les régions (250 M€). Toutes les collectivités, y compris les départements, pourront y contribuer si elles le souhaitent. Le montant et les modalités des contributions financières seront définis dans le cadre d’une convention conclue entre l’Etat et chaque collectivité volontaire. Le champ d’application du fonds ainsi que les conditions d’éligibilité et d’attribution des aides seront déterminés par décret. Il fixera également le taux ou le montant maximum des aides attribuées.

Mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale

Une ordonnance permettra tout d’abord aux présidents de régions d’octroyer directement des aides aux entreprises, dans la limite de 100 000 € par aide, par délégation du conseil régional. Cette délégation durera au plus six mois et permettra au président d’agir sans devoir réunir son assemblée délibérante.

En deuxième lieu, en matière budgétaire, plusieurs échéances légales sont reportées afin de laisser davantage de temps aux élus pour s’organiser :

-L’adoption du budget primitif : date limite au 31 juillet 2020 contre le 15 ou le 30 avril 2020.

-L’arrêt du compte administratif 2019 : date limite au 31 juillet 2020 contre le 30 juin 2020.

-L’information budgétaire des élus locaux : les délais afférents à la présentation du rapport d’orientation budgétaire (ROB) et à la tenue du débat d’orientation budgétaire (DOB) sont suspendus. Ils pourront intervenir lors de la séance d’adoption du budget primitif.

En outre, en matière fiscale, davantage de temps est laissé aux élus locaux pour décider des tarifs et taux des impositions locales.

-Le vote des taux et tarifs des impôts locaux par les collectivités (TFPB, TFPNB, CFE, TEOM, GEMAPI, etc.) : date limite reportée au 3 juillet 2020. En l’absence de délibération, les taux et tarifs 2019 seront prorogés.

-L’adoption du coefficient de la taxe locale sur la consommation finale d’électricité (TCFE) : date reportée au 1er octobre 2020 contre le 1er juillet 2020.

-L’institution et la fixation des tarifs de la taxe locale sur la publicité extérieure (TLPE) : date limite au 1er octobre 2020 contre le 1er juillet 2020.

-L’institution de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM) par les syndicats mixtes compétents : date limite du 1er septembre 2020 contre le 1er juillet 2020.

-Les droits d’enregistrement et de la taxe de publicité foncière (DMTO) : le taux adopté par les départements avant le 3 juillet 2020 entrera en vigueur le 1er septembre 2020, contre le 1er juin habituellement.

Des mesures de souplesse budgétaire

Pour que les collectivités puissent continuer à fonctionner dans cette période de crise sanitaire, même en cas de non-adoption de leur budget primitif, des mesures de souplesse budgétaire sont prévues.

-Les dépenses d’investissement : en l’absence de vote du budget, les collectivités, leurs établissements et les EPCI pourront continuer à engager, liquider et mandater les dépenses d’investissement dans la limite des dépenses inscrites dans le budget précédent. Pour les dépenses de fonctionnement, il est déjà possible pour l’exécutif de la collectivité de décider d’exécuter les dépenses de la section de fonctionnement dans la limite de celles inscrites au budget de l’année précédente (article L. 1612-1 du CGCT).

-Les dépenses imprévues : le plafond sera porté à 15 % (contre 7,5 % ou 2 % aujourd’hui) des dépenses prévisionnelles de chaque section.

-Les mouvements entre chapitres : dispositif déjà existant pour les régions, métropoles, collectivités territoriales de Corse, Guyane et Martinique. Ils seront facilités, sur décision de l’exécutif, et dans la limite de 15% des dépenses de chaque section ; ils seront également possibles pour l'ensemble des collectivités, de leurs établissements publics et EPCI avant le vote du budget.

-Le recours à l’emprunt : l’ordonnance prévoit que les délégations à l’exécutif des communes et de leurs groupements pour réaliser des emprunts, ayant pris fin avec le début de la campagne électorale, seront rétablies jusqu’à la prochaine réunion de l’assemblée délibérante.

Règles assouplies de la commande publique

Une ordonnance comporte des mesures pour assouplir les règles applicables à la passation et à l’exécution des contrats de marchés publics qui seraient compromis à cause du Covid-19. Objectif : ne pas pénaliser les opérateurs économiques et permettre la continuité de la commande publique.

Pour faciliter la candidature à l’attribution des contrats pour lesquels une procédure de passation a été engagée, les acheteurs pourront prolonger les délais de réception des offres et adapter les modalités de la mise en concurrence en cours de procédure.

Pour éviter les difficultés rencontrées par les opérateurs économiques dans l’exécution des marchés mais aussi éviter les ruptures d’approvisionnement pour les acheteurs, les marchés publics qui arrivent à échéance pendant cette période peuvent être prolongés par avenant si une nouvelle procédure de mise en concurrence n’est pas possible.

Afin de ne pas pénaliser les opérateurs économiques empêchés d’honorer leurs engagements du fait de l’épidémie, des mesures seront prises pour éviter les sanctions et les pénalités pouvant être infligées en cas de résiliation du contrat ou d’annulation de bons de commande. L’ordonnance veut également assouplir les règles d’exécution financières des contrats, notamment en permettant aux acheteurs de verser des avances d’un montant supérieur au taux maximal de 60% prévu par le Code de la commande publique.

Prorogation des délais échus durant l’urgence sanitaire

Une ordonnnance prévoit des mesure permettant de suspendre les délais applicables aux demandes présentées aux autorités administratives. Sont concernées les demandes donnant lieu à une décision d’une autorité administrative, et notamment des décisions implicites d’acceptation ou de rejet ainsi que les délais fixés pour les acteurs pris dans le cadre de la procédure d’instruction de ces demandes. Exemples : les demandes relatives au droit des sols (déclaration de travaux, permis de construire, permis d’aménager, etc…), les délais applicables aux déclarations présentées aux autorités administratives comme une déclaration d’intention d’aliéner (DIA).

Il en va de même pour les délais de consultation du public ou de toute instance ou autorité, préalables à la prise d’une décision par une autorité administrative. Par exemple, ces dispositions permettront de suspendre des consultations ou des enquêtes publiques en cours, ou de permettre la consultation d’instances qui n’auront pu se réunir. Enfin, les autorisations, permis et agréments délivrés par une autorité administrative seront prorogés.

Plusieurs ordonnances sur le social

D’autres ordonnances concernent aussi les collectivités. L’une d’elles autorise les assistants maternels à garder jusqu’à six enfants. Autre mesure : un service unique d’information des familles permettra de connaître en temps réel les places de crèches et d’assistants maternels disponibles.

Pour les établissements et services sociaux et médico-sociaux, les conditions d’autorisation, de fonctionnement et de financement sont assouplies. Par ailleurs, il est prévu une prolongation de certains droits sociaux, notamment pour les bénéficiaires du RSA.

Enfin, une ordonnance reporte, pour 2020, du 31 mars au 31 mai la fin de la trêve hivernale. Pendant cette période, les fournisseurs de gaz et d’électricité ne pourront pas interrompre les contrats pour non-paiement des factures.

Philippe Pottiée-Sperry

Philippe Pottiée-Sperry
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