Décentralisation : les maires franciliens interpellent les candidats

Philippe Pottiée-Sperry
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« Résultat d’un an de travail de l’AMIF, notre manifeste pour une nouvelle et véritable décentralisation va nous servir à interpeller les candidats à la présidentielle sur leurs projets pour l’Ile-de-France ».
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Jean-Philippe Dugoin-Clément, maire de Mennecy (Essonne) et premier vice-président de l’AMIF (Association des maires d’Ile-de-France), a ainsi présenté, le 24 février, les 36 propositions de ce manifeste. Tout a commencé en mars 2021 avec la tenue pendant plusieurs mois de réunions thématisées et l’envoi d’un questionnaire à tous les maires franciliens. L’ensemble a ensuite été transformé en « propositions consensuelles » sur la réaffirmation de la place de la commune, l’autonomie financière, la déconcentration de l’Etat et l’organisation institutionnelle de l’Ile-de-France. Sur ce dernier point hautement sensible, le consensus n’a pas pu être trouvé avec du coup la présentation de cinq scénarios.

Appel à une réforme institutionnelle d’ampleur

Le manifeste a été envoyé, le 25 février, à tous les candidats à la présidentielle, assorti de trois questions : comptez-vous revaloriser le rôle du maire et renforcer la place de la commune ? quelle place pour la région capitale dans l’avenir du pays ? vous engagez-vous à faire la réforme institutionnelle du Grand Paris et avec quel projet ? Courant mars, les candidats ou leurs représentants seront auditionnés par l’AMIF. « Le débat sur tous ces sujets est essentiel », insiste Jean-Philippe Dugoin-Clément, également vice-président de la région, en rappelant que l’Ile-de-France est la région ayant la plus forte tension en matière de logements sociaux, avec aussi des enjeux d’aménagement énormes compte tenu de 75 % d’espaces agricoles et forestiers ou d’un risque élevé de crue de la Seine. Le maire de Mennecy appelle à une réforme institutionnelle d’ampleur dès le début du quinquennat prochain, qui serait facilitée selon lui par l’absence d’élections nationales majeures jusqu’en 2026.

Défiance vis-à-vis de l’interco

Le manifeste de l’AMIF estime tout d’abord que « la commune doit être renforcée et réaffirmée comme échelon fondamental de la démocratie », notamment par la garantie de son autonomie financière et la confiance de l’État déconcentré. Parmi les propositions figure la création d’un comité des maires au sein de chaque préfecture de département, en veillant à une désignation directe sans passer par les intercommunalités. A cela s’ajouterait « un socle intangible des compétences des communes » en évitant tout nouveau transfert vers les EPCI imposé par le législateur. Autres propositions révélatrices d’une certaine défiance vis-à-vis de l’interco : la restitution de compétence (obligatoire ou optionnelle) de l’EPCI à la commune sur demande de celle-ci, en incluant le transfert de charge ; une répartition des compétences en laissant aux communes « la gestion du quotidien et du terrain » (service direct à la population) et aux EPCI la planification stratégique ; l’interdiction du passer-outre », en accordant un droit de réserve à chaque commune sur son EPCI de rattachement ; la possibilité pour les communes de quitter leur interco… L’AMIF propose également de favoriser les communes nouvelles (il en existe seulement cinq en Ile-de-France) en maintenant les incitations financières, fiscales mais aussi en accordant un délai de trois ans pour être soumis aux obligations de la loi « SRU ». Par ailleurs, elle plaide pour augmenter le nombre de représentants des communes dans les structures de gouvernance de certains opérateurs de l’État (Ademe, Anah, ANCT, ANRU…).

Relancer la réforme de la DGF

Au chapitre financier et fiscal, l’association défend une loi de programmation de financement des collectivités sur six ans minimum, avant chaque élection municipale. Elle souhaite aussi une relance de la réforme de la DGF en vue d’une simplification et d’une diminution du nombre de critères d’attribution. Et d’ajouter qu’il faudrait améliorer la prévisibilité du montant de la DGF de chaque commune. Autres demandes : renforcer la prévisibilité des dotations de péréquation sur du moyen terme, revoir les modalités d’attribution de la DSIL (dotation de soutien à l’investissement local) pour donner une liberté d’utilisation aux collectivités bénéficiaires, fusionner l’ensemble des dotations d’investissements en une unique dotation versée aux communes… La multiplication des appels à projets est également dans le viseur en demandant de les supprimer « pour favoriser le versement de dotations directement aux territoires ».

Demande d’un Etat plus déconcentré

Prônant « un État déconcentré au service des territoires », le manifeste préconise la création d’une direction départementale à l’appui communal disposant de moyens humains et financiers pour accompagner les communes de moins de 3500 habitants via son ingénierie. Il est aussi demandé de créer des « lois territoriales », en remplacement des lois ordinaires, qui fixeraient un objectif et laisseraient aux collectivités le choix des moyens d’y parvenir.

Réclamant plus de souplesse et de liberté dans l’application des normes, l’AMIF recommande de laisser davantage la main au préfet en augmentant son pouvoir réglementaire. Le préfet de département serait également renforcé en pouvant autoriser les communes à déroger à des décrets sur l’exercice de leurs compétences.

Cinq scénarios pour le Grand Paris

Plusieurs fois annoncée, la réforme institutionnelle du Grand n’aura finalement pas été traitée durant le dernier quinquennat. Explication ? Un sujet très sensible politiquement ! Jugeant que « le statu quo n’est plus tenable », l’AMIF insiste pour qu’il soit traité lors du prochain mandat. Mais sans parvenir à mettre d’accord les maires franciliens sur un choix. D’où la formulation de cinq scénarios d’organisation autour de quatre niveaux de collectivité.

-Scénario 1 : maintien de la Métropole du Grand Paris (MGP) en zone dense et suppression des établissements publics territoriaux (EPT).

-Scénario 2 : suppression de la MGP et transformation des EPT en EPCI de droit commun.

-Scénario 3 : transformation de la MGP en syndicat mixte (pôle métropolitain) regroupant les EPT et les EPCI de droit commun a minima sur le périmètre de la métropole et avec une possibilité d’adhérer sur le périmètre régional.

-Scénario 4 : création d’une région-métropolitaine d’Ile-de-France via la fusion entre la MGP et la région actuelle, et la transformation des EPT en EPCI de droit commun.

-Scénario 5 : transformation de la MGP en syndicat mixte auquel adhéreraient les communes, les départements, la région et les syndicats intercommunaux. Les communes resteraient la base du bloc communal en adhérant à un EPCI et un syndicat (le territoire, la métropole). A cela s’ajouterait une élection au suffrage universel des conseillers métropolitains fléchés sur les listes aux élections municipales et une élection à la proportionnelle au sein du conseil municipal pour les délégués territoriaux.

Philippe Pottiée-Sperry

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