Grand débat : c’est (presque) parti !

Philippe Pottiée-Sperry
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Initialement prévu pour démarrer le 15 décembre, le grand débat national, suite à la crise des « gilets jaunes » sera lancé le 15 janvier. Un report logique vu la complexité de l’organisation à monter ! Il durera deux mois jusqu’à la mi-mars.

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Aux commandes, la Commission nationale du débat public (CNDP) ouvrira une plateforme numérique dédiée. En pratique, « chacun peut organiser un débat que ce soit à l’échelle du quartier, du village ou de la région », indique Matignon. La CNDP enregistre et accompagne ces démarches, propose un kit pour la tenue des débats et des stands pour recueillir la parole citoyenne sur le terrain. Un grand nombre des débats locaux se dérouleront dans des mairies.

Évoquée lors de ses vœux le 31 décembre, une lettre du président de la République sera diffusée mi-janvier par la presse et les réseaux sociaux, afin de préciser les contours du débat national. « Il est parfaitement dans son rôle si cette lettre vise à expliquer à la population pourquoi il a souhaité ce débat, ce qu’il en attend et, le plus important, comment il va tenir compte des conclusions […] mais si c’est pour ensuite en piloter directement l’organisation, ça sera sans nous », prévient d’emblée Chantal Jouanno, la présidente du CNDP, dans une interview au JDD du 6 janvier. Selon elle, la CNDP est « une autorité indépendante » et compte le rester.

Quatre grands thèmes

Courant décembre, le gouvernement avait déjà tracé les grandes lignes du débat. Il s’articule autour de quatre grands thèmes : la transition écologique (se loger, se déplacer, se chauffer) ; la fiscalité et les dépenses publiques (prélèvements, niveau de dépense, fiscalité efficace et compétitive) ; la démocratie et la citoyenneté (mieux associer les citoyens à la prise de décision, mieux représenter les sensibilités, répondre aux questions des Français sur l’immigration, mieux vivre ensemble et mener une politique d’intégration plus efficace et plus juste) ; l’organisation de l’Etat et des services publics (présence de l’Etat et des services publics sur le territoire national, la place du numérique dans cette organisation, la lutte contre le réflexe de la concentration).

« Un débat foisonnant »

Le gouvernement tient néanmoins à préciser que « les organisateurs de débats locaux ont la liberté de choisir tout autre thème qui leur semble pertinent ». En parallèle, d'autres manifestations seront également organisées au niveau régional ou national pour permettre au plus grand nombre de participer. « Le débat doit être foisonnant », a affirmé le Premier ministre. Il pourra ainsi prendre des formes très diverses : débats publics locaux, rencontres avec des Français sur leurs lieux de travail et de vie, groupes de réflexion participatifs ou encore recours aux plates-formes numériques et aux réseaux sociaux. A ce sujet, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a été le premier a lancé sa propre consultation en ligne, dès le 15 décembre, « afin de mieux cerner l’ensemble des attentes des citoyens ». Son espace de discussion (https://participez.lecese.fr/), intitulé « avec ou sans gilet jaune », avait déjà attiré 12 000 participants en à peine trois semaines. A noter que le Cese comme les Cese régionaux (Ceser) participeront également aux échanges, notamment pour formuler des propositions sur les thèmes proposés aux Français. Enfin, des conférences de citoyens tirés au sort seront mises en place dans chaque région pour échanger sur les analyses et proposition issues des différents débats. Sur toute la période du débat, un collège indépendant sera chargé de s’assurer du bon déroulement, de la transparence et de l’authenticité des concertations.

Annonce de « mesures concrètes » en avril

Dans la dernière phase de la consultation, qui doit s’achever le 15 mars, quatre ateliers nationaux devraient associer 100 à 200 personnes tirées au sort ou issues de la société civile pour délibérer et voter sur des propositions. « L’idée c’est de faire en sorte que des Français qui ne sont [d’habitude] pas les plus impliqués dans le débat public puissent donner leur avis, au niveau national, régional et local », a indiqué Édouard Philippe, souhaitant que le débat soit « à la fois neutre, innovant et complet » et « nous permette de rebâtir quelque chose collectivement en tant que nation ». Le gouvernement sera « beaucoup plus dans une logique d’écoute que dans une logique de prise de parole », a souligné le Premier ministre. Un constat partagé par Chantal Jouanno indiquant que les ministres peuvent parfaitement participer aux réunions locales mais « doivent rester dans une posture d’écoute ». « Sur la base de l'ensemble des remontées territoriales et de leur synthèse, des mesures concrètes seront annoncées en avril », précise le gouvernement. Il est aussi envisagé par certains un référendum organisé à l’issue du grand débat national, notamment sur les questions de réforme constitutionnelle (diminution du nombre de parlementaires, introduction d’une dose de proportionnelle, limitation du cumul des mandats dans le temps, reconnaissance du vote blanc…). Ce référendum pourrait se tenir le même jour (dimanche 26 mai) que les élections européennes.

Un nouvel élan de décentralisation ?

Comme affirmé depuis le départ, les maires auront un rôle important. « Si les maires seront utiles aux débats, il faut aussi que le débat soit utile aux maires », a indiqué, début janvier, Sébastien Lecornu. Souhaitant que le débat débouche également sur « une trentaine de propositions concrètes de simplification qui facilite la vie des maires », le ministre chargé des Collectivités territoriales a donc laissé entrevoir la possibilité d’un volet spécifique de mesures concernant les collectivités avec pourquoi pas des transferts de compétences de l’Etat. De nombreux élus le réclament à l’instar de Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, dans une interview au JDD du 6 janvier : « Il va falloir enfin faire confiance aux collectivités. Emmanuel Macron doit rompre avec la technostructure jacobine qu’il a mise en place, repartir du terrain et lancer un grand mouvement de décentralisation. Il faut qu’il accepte de déléguer une partie de son pouvoir à des élus qui l’exerceront mieux, au plus près des Français ».

Réserves de l’AMF

Concernant l’organisation du débat, une synthèse des résultats des cahiers de doléances ouverts dans les mairies, initiative lancée par l’AMRF et l’APVF début décembre (plus de 5000 mairies ont joué le jeu), doit servir « à cadrer les attentes du débat », a estimé Sébastien Lecornu. Cette synthèse doit être remise cette semaine aux présidents du Sénat, de l'Assemblée nationale et à Emmanuel Macron. La question du pouvoir d'achat arrive en tête des préoccupations exprimées dans les cahiers de doléances. « L'injustice fiscale » arrive en deuxième position devant « la diminution de l'offre de services publics, qui fait que les gens, notamment en milieu rural, se considèrent oubliés de la République », a indiqué, le 7 janvier, Vanick Berberian, le président de l'AMRF. L’AMRF souhaite que les maires continuent d’avoir « un rôle de facilitateur » entre les pouvoirs publics et les citoyens, notamment en mettant des salles à disposition. Parmi les autres associations d’élus locaux, l’AMF semble plus réservée. Tout en disant ouverte au débat, elle estime que les maires « ne sauraient porter seuls une responsabilité qui n’est pas la leur ». L’occasion pour l’AMF de réaffirmer ses réserves sur « les décisions qui lui paraissaient porter atteinte à la cohésion territoriale et sociale tels que la diminution des APL et l’affaiblissement des capacités d’investissement des bailleurs sociaux ; la diminution drastique du nombre d’emplois aidés ; l’affaiblissement du rôle et de la place des communes dans l’organisation territoriale, le retrait des services de l’Etat de pans entiers du territoire… » A n’en pas douter, le débat sera (très) riche !
Philippe Pottiée-Sperry
Philippe Pottiée-Sperry
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