Les agents se sentent utiles mais inquiets pour l’avenir

Philippe Pottiée-Sperry
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A l’occasion du 23 juin, journée internationale de la fonction publique, la Casden Banque Populaire a publié les résultats d’un sondage réalisé par l’Institut BVA sur le vécu et les perspectives des agents publics quinze mois après le début de la crise sanitaire. Déjà effectuée l’année dernière, cette enquête montre l’évolution de l’opinion des agents sur la crise et l’avenir de la fonction publique.

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Utilité et fierté des missions

Premier enseignement du sondage : les agents se considèrent encore plus utiles aujourd’hui (83%, + 11 points) et fiers de leur mission (79%, + 6 points) qu’il y a un an. Le soutien entre collègues reste majoritaire (85%, +2 points). La catégorie qui ressort le plus sur ces questions est la fonction publique hospitalière (FPH) avec respectivement 93%, 85% et 89%. Néanmoins, la durée de la crise sanitaire pèse. Il y a un an, les agents étaient plus nombreux à avoir le sentiment de bien vivre cette situation (73% en 2020 contre 68% en 2021). Cette tendance est à rapprocher du ressenti au quotidien : les agents ne se sentent pas valorisés (71%), ni reconnus par la société (66%), ni soutenus par leur hiérarchie (46%), ni par l’Etat (75%). De plus, les difficultés rencontrées par les agents ont augmenté sur leur lieu de travail, notamment au niveau du manque d’information (67%, +4 points), des problèmes de santé (63%, +15 points), du manque de moyens pour effectuer leur travail (61%, +4 points) et l’isolement/solitude (51%, +4 points). A noter aussi le ressenti d’un matériel inadapté (équipements, outils informatiques ...) pour 60% d’entre eux (70% pour les catégories A). De plus, 24% des agents ont connu une baisse des revenus au sein de leur foyer. Une situation qui a particulièrement touché les foyers avec enfant (31%) et les catégories C (28%).

Une bonne perception du télétravail

Élément majeur, face à la crise sanitaire, les agents ont vu leurs conditions de travail s’adapter de façon variée selon les métiers exercés et les situations personnelles. Ainsi, le télétravail s’est progressivement mis en place, même si encore 50% d’entre eux n’occupent pas une mission qui permet le travail à distance, principalement dans la FPH ou la FPT. Sur l’ensemble, 41% déclarent avoir travaillé à distance sur un rythme alternant le présentiel et le distanciel, tandis que 59% ont continué à se rendre sur leur lieu de travail. Sur ce dernier point, il ressort que 23% des agents n’ayant pas pu télétravailler souhaiterait en faire. Globalement, la grande majorité des agents (74%) ayant télétravaillé au moins une fois par semaine estime que l’organisation et sa mise en place a été bien prise en charge.

Alors que les nouvelles organisations professionnelles ont chamboulé les vies personnelles depuis plus d’un an, 74% des agents faisant du télétravail estiment que cela leur permet de mieux concilier leur vie professionnelle et personnelle (86% des territoriaux contre 55% des enseignants). De plus, pour la majorité, cela leur permet d’exercer pleinement leur activité professionnelle.

Inquiétudes sur l’avenir de la fonction publique

Sur l’avenir de la fonction publique, les agents sont partagés entre optimisme et pessimisme (51% contre 49%), tout comme en 2020. Dans le détail, les plus optimistes sont les agents de la FPT (58%) et les catégories C (54%) tandis que ceux qui le sont le moins sont les agents de la FPH (31%), ceux estimant avoir été en première ligne (42%) ou encore les catégories A (44%).

Par ailleurs, 74% des agents apparaissent pessimistes sur l’évolution du fonctionnement de la fonction publique, 72% sur l’image des fonctionnaires auprès des Français ou 69% sur la reconnaissance de leur travail. Mais l’intérêt de la mission demeure : 80% des répondants se voient continuer à exercer leur métier actuel (78% des agents de la FPT), alors qu’un agent sur cinq souhaite demander une mobilité (12% dans l'ensemble de fonction publique et 15% dans la FPT) ou se réorienter professionnellement (8%).

Les agents de l’Etat plus pessimistes que ceux de la FPT

Les réformes en cours (loi de transformation de la fonction publique, réforme de l’ENA...) sont perçues comme allant plutôt dans le mauvais sens : 60% pensent qu’elles ne vont pas transformer efficacement le secteur public. Les plus pessimistes sont les agents de la FPE : 66% contre « seulement » 51% dans la FPT et 58% dans la FPH. Par ailleurs, 56% des agents (63% dans la FPE contre 48% dans la FPT) estiment que ces réformes vont plutôt dans le mauvais sens pour renforcer l’attractivité des métiers de la fonction publique. En clair, l’inquiétude apparaît beaucoup plus marquée chez les agents de l’Etat que chez ceux des collectivités.

Réactions au sondage : mieux valoriser les métiers publics

La Casden a demandé à plusieurs de ses partenaires, principalement associations de la fonction publique, de réagir au sondage. Selon Sigrid Berger, présidente fondatrice de Profil Public, il « montre que le renforcement de l’attractivité du secteur public ne se fera pas sans transformations managériales et organisationnelles vers plus de flexibilité, d’autonomie et de reconnaissance ». Sur le ressenti de déconsidération des agents, Damien Zaversnik, président de La Cordée, association pour l’égalité des chances, plaide pour entreprendre « un effort majeur pour que les métiers publics soient davantage visibles, reconnus à leur juste valeur et accessible à tous quelle que soit l'origine sociale ou géographique ». De la même façon, Romain Pasquier, directeur de recherche au CNRS et titulaire de la Chaire TMAP (Territoires et mutation de l’action publique) à Sciences-Po Rennes, considère que le manque de reconnaissance et le déclassement, exprimés par les agents, les conduit à « attendre une valorisation de la fonction publique aussi bien en termes de salaire que de mobilité professionnelle ».

« Intégrer le télétravail dans les usages hors crise »

Au sujet du télétravail, Fabien Tastet, président de l’AATF (Association des administrateurs territoriaux de France), souligne que « les collectivités ont adapté ses modalités, en permettant des retours réguliers au bureau, en facilitant l’accompagnement technique et managérial, pour les métiers qui le permettent ». Selon le DGS du GPSEA, le sondage confirme ce constat « en indiquant que 74% des fonctionnaires qui télétravaillent depuis le début de la crise sanitaire trouvent que cela se passe bien d’un point de vue technique et organisationnel ». Sur le même sujet, « l’enjeu des prochains mois sera de l’intégrer dans les usages hors crise », ajoute Mathilde Icard, présidente de l’ADRHGCT (Association des DRH de grandes collectivités). Elle estime également que l’engagement des agents « ne doit pas nous faire oublier [qu’ils] ont soif d’évolution, ont besoin de politiques de prévention qui les préservent de l’isolement et de collectifs de travail à (re)construire ».

P.P.-S.

(1) Enquête réalisée auprès d’un échantillon de 1001 fonctionnaires, sur internet, du 26 avril au 3 mai 2021. Cet échantillon répond à la méthode des quotas (sexe, âge, type de fonction publique et catégorie hiérarchique) afin de constituer un panel représentatif des fonctionnaires.

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Philippe Pottiée-Sperry
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