Les régions restent sur leur faim après leur congrès de Bordeaux

Philippe Pottiée-Sperry
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Lors de leur congrès qui s’est tenu à Bordeaux, les 30 septembre et 1er octobre, les présidents de région sont restés un peu sur leur faim à l’écoute du Premier ministre leur proposer « une nouvelle pratique de la décentralisation » passant par un renforcement de la concertation. Les quelques ouvertures d’Edouard Philippe ne les ont pas totalement convaincus, car ils espéraient plus d’annonces concrètes.

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« Nous ne sommes pas vos ennemis, nous ne sommes pas contre l'État. Nous voulons simplement que la France et les Français réussissent. C’est tout », a affirmé Hervé Morin, le président de Régions de France. Et de lancer : « Nous demandons un pacte girondin entre l’Etat et nos territoires. Il faut pour notre pays plus de décentralisation et plus de libertés locales ».

Création d’un comité Etat-Régions

« Nous sommes déterminés à mieux dialoguer avec les territoires, notamment les régions » a affirmé le Premier ministre, prêt à un “travail en confiance” avec les élus. Il a notamment accepté l’idée de Régions de France de mettre en place un comité Etat-Régions qui se réunirait tous les trois mois pour coordonner les politiques communes. La première réunion de ce comité doit se faire rapidement, fin octobre, afin de préparer les propositions de la France sur la politique agricole commune (PAC).

Expérimenter le service public de l'emploi

Autre geste sur la coordination en matière d'emploi, Édouard Philippe a proposé à des régions volontaires « une expérimentation visant à renforcer le pilotage des politiques de formation professionnelle ». Un geste mais pas suffisant pour répondre à Hervé Morin, demandant « qu’enfin, on nous permette d'expérimenter la prise de contrôle sur le service public de l'emploi ». Et d’ajouter : « Est-ce qu'un jour on va nous donner cette chance de pouvoir passer des consignes à des collaborateurs de Pôle Emploi sur de nouvelles méthodes pour s'adresser aux chômeurs dont nous avons la responsabilité ? On ne demande pas de décentraliser Pôle Emploi ». Le président de la région Normandie revendique également que l’économie circulaire devienne « une compétence complètement régionale ».

Trois enveloppes sur l’apprentissage

Sur le sujet sensible de l’apprentissage, que les régions estiment recentralisé, Edouard Philippe a annoncé la mise en place de trois enveloppes : 220 M€ en compensation du transfert de la compétence apprentissage des régions aux branches ; 138 M€ pour accompagner la mise en place du nouveau financement au “coût/contrat”; 180 M€ pour maintenir la capacité d’investissement des CFA. Le dialogue doit se poursuivre « pour assurer une juste ventilation de ces enveloppes dans les territoire ».« Le Premier ministre n’a répondu qu’en partie sur l’autre dossier sensible de l’avenir de la gestion du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) après 2020 », a estimé Régions de France.

Des actions pour les « petites lignes »

A propos des lignes ferroviaires secondaires, les « petites lignes », un travail sera lancé “avec les régions et SNCF Réseau pour élaborer des plans d’action concrets ligne par ligne qui s’adaptent à la réalité de chaque région ». « Plus que des solutions uniformes, c’est un bouquet de solutions ligne par ligne que nous allons devoir essayer de mettre en œuvre », a indiqué le Premier ministre.

« Une nouvelle organisation adaptée à chaque région »

Sur le sujet de l’expérimentation, qui permettrait un vrai acte III de décentralisation, selon Hervé Morin, en permettant « d’avoir réellement des politiques différenciées territoire par territoire », le Premier ministre a reconnu que cela permettrait d’avoir « un nouveau rôle » par exemple pour le pilotage de l’accompagnement des demandeurs d’emploi avec la possibilité ensuite d’être généralisée. Concernant le projet de loi « 3D » (décentralisation, déconcentration, différenciation), présenté avant l'été 2020, Jacqueline Gourault, la ministre de la Cohésion des territoires, a affirmé qu’il viserait à « rénover les relations entre niveaux de collectivités elles-mêmes ». Il pourrait également « amplifier la dévolution du pouvoir réglementaire aux collectivités », en concernant notamment « les domaines de la transition écologique, du logement et des transports ».

Concertation des préfets avec les élus locaux

Pour préparer le projet de loi « 3D », les préfets sont chargés d'une concertation avec les élus locaux pour faire remonter les doléances particulières à chaque territoire. En effet, le gouvernement entend « recenser, territoire par territoire, les besoins d'organisation des compétences ». Objectif ? « Ecrire une nouvelle organisation de l'action publique adaptée à chaque région », a répondu Édouard Philippe qui plaide pour « faire des décentralisations différentes ». Seul hic, la reconnaissance du droit à la différenciation, nécessaire pour cela, fait partie du projet de loi de révision constitutionnelle, encore suspendu compte tenu du bras de fer avec le Sénat, en particulier sur la réduction du nombre de parlementaires.

« Un sentiment partagé » pour Hervé Morin

Sans surprise, ces propos n’ont pas suffi à contenter les présidents de région qui appellent à « un nouveau souffle » en faveur de la décentralisation. Les annonces du Premier ministre leur sont apparues trop minces. A l’issue du congrès, Hervé Morin a confié son « sentiment partagé » : « Edouard Philippe “a mis le pied dans l’eau, mais est-il entré dans le bain de la décentralisation et des libertés locales ? (…) Nous voulons encore y croire, mais nous attendons du concret sur cet acte III de la décentralisation ».« Je suis déçu d’être déçu », a estimé pour sa part Alain Rousset, le président de la région Nouvelle-Aquitaine. « On avait l’impression que le Premier ministre ne croyait pas trop ce qu’il disait ». Pour lui, après la crise des gilets jaunes, « ce discours de Bordeaux aurait dû être le discours de Lyon du général de Gaulle, qui avait répondu à la révolte de 68 par la régionalisation ».Philippe Pottiée-Sperry
Philippe Pottiée-Sperry
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