Levée de boucliers contre un éventuel nouveau report des élections locales

Philippe Pottiée-Sperry
Image

A l’unisson, tous les partis politiques plaident pour maintenir en juin le report des élections régionales et départementales, prévues initialement en mars, et refusent catégoriquement la perspective d’un scrutin organisé après la présidentielle même si la crise sanitaire reste forte.

Partager sur

Le Sénat a adopté, le 26 janvier, le projet de loi reportant ces élections en juin en précisant bien que la date du second tour de ce scrutin devrait se tenir au plus tard au 20 juin. Au Sénat, le 13 janvier, l’ancien président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, qui avait été chargé d’un rapport sur le sujet pour préparer le projet de loi, a affirmé que « ceux qui étaient à l’origine de (sa) réflexion » sur le report voulaient « reporter ces élections après l’élection présidentielle ». Des propos qui n'étaient pas passés inaperçus ! « Le Premier ministre dément catégoriquement avoir eu cette intention », avait répondu Matignon.

« La démocratie ne peut pas être confinée »

Le président de la commission des lois du Sénat, François-Noël Buffet, juge le report des élections en juin « acceptable car il est limité à trois mois. Tout nouveau report soulèverait davantage de difficultés, y compris sur le plan constitutionnel. Juridiquement, il n’est pas possible d’organiser les élections régionales et départementales après l’élection présidentielle de 2022 ». Pour sa part, le rapporteur Philippe Bas juge le report comme « une solution de court terme qui ne peut être indéfiniment reproduite : la démocratie ne peut être mise entre parenthèses, elle ne peut être confinée ». La commission demande ainsi au gouvernement de « tout mettre en œuvre pour organiser la campagne électorale en toute sécurité et s’assurer du bon déroulement des scrutins ».

Onze amendements

Elle a adopté onze amendements relatifs au déroulement des campagnes électorales dans un contexte de crise sanitaire et à la protection de la santé des électeurs et des bénévoles des bureaux de vote. Philippe Bas souligne que « le report doit être mis à profit pour prendre de nouvelles précautions, organiser une campagne officielle radio-télévisée pour les élections régionales, faciliter les procurations des personnes malades ou vulnérables et améliorer la sécurité sanitaire du vote ». Pour sécuriser le scrutin, les amendements sénatoriaux plaident pour que chaque électeur puisse disposer de deux procurations (contre une seule habituellement) ou pour que les électeurs les plus fragiles puissent établir leur procuration depuis leur domicile, sans avoir à se déplacer au commissariat de police ou à la gendarmerie. Ils pourraient aussi confier leur procuration à un membre de leur famille proche, y compris lorsque celui-ci n’habite pas la même commune. Le Sénat propose aussi que l’État fournisse aux communes les équipements de protection (masques, visières, parois de plexiglas, etc.).

Repenser la campagne électorale

La crise sanitaire conduit également à repenser la campagne électorale du fait des possibilités restreintes d’échanges et de rencontres entre les candidats et les électeurs (réunions électorales, "porte-à-porte", etc.). La commission des lois souhaite que les chaînes de radio et de télévision du service public diffusent les « clips de campagne » des candidats aux élections régionales, comme pour les législatives ou les européennes. De plus, elle propose d’adapter le calendrier budgétaire des régions et des départements, en raison du report des élections, en donnant un délai supplémentaire pour adopter leur budget de l’exercice 2021 et arrêter leur compte administratif de l’exercice 2020. Enfin, pour que le scrutin se tienne bien en juin, un autre amendement recentre le rapport du conseil scientifique, prévu au plus tard le 1er avril, sur les mesures spécifiques à mettre en œuvre pour garantir la sécurité sanitaire des élections et non pas sur la faisabilité même de son organisation.

Propositions de LREM

Du côté de la majorité, Christophe Castaner, président du groupe LaREM de l’Assemblée nationale, se veut catégorique en ayant déclaré au Monde : « Pour nous, le cap unique est qu’elles [les élections] se tiennent en juin ». Pour sa part, le parti La République en Marche appelle à « l’adaptation des outils démocratiques pour les élections de juin et à moderniser le vote ». Il vient ainsi de présenter 23 recommandations pour prendre en compte la crise sanitaire pour les prochaines échéances électorales et penser le futur du vote et de la démocratie. Sur la même position que les sénateurs, LaREM défend l’idée d’un service public des procurations (maintien de la double procuration et encouragement à l’établissement de procurations à domicile). Autres préconisations : adapter l’organisation concrète du bureau de vote, par un système de réservation (non-obligatoire) de créneau horaire de passage ; autoriser et encourager le recours aux machines à voter (plus grande efficacité des opérations de dépouillement de vote) ; faciliter le changement d’inscription sur les listes électorales à l’occasion d’un déménagement ; repenser la campagne électorale, en autorisant la publicité en ligne, en diffusant les émissions officielles sur les réseaux sociaux tout en allongeant la durée de la campagne ; ouvrir la voie du vote par internet pour l'élection présidentielle de 2027…

Le projet de loi sur le report des élections est à présent à l’Assemblée nationale, où il sera examiné par la commission des lois le 3 février.

Philippe Pottiée-Sperry

👉 Découvrez le dernier numéro de ZePros Territorial

👉 Abonnez-vous gratuitement au journal numérique et à sa newsletter

Philippe Pottiée-Sperry
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire